Lorsqu'on évoque ces titres grandioses qui n'ont malheureusement pas rencontré le succès commercial qu'ils auraient mérité, on ne peut s'empêcher de penser à Okami sur PS2, véritable coup de génie signé Clover. Toutefois, plutôt que de tuer dans l'oeuf une grande série en devenir, l'équipe responsable du portage Wii a eu la bonne idée de ne pas s'arrêter en si bon chemin et nous invite à reprendre en main le pinceau céleste pour une nouvelle aventure inédite sur DS.
C'est donc la portable de Nintendo qui hérite de la suite du grand Okami, relevant le défi de proposer aux fans du premier volet une expérience de jeu comparable à celle qu'ils avaient connue sur PS2 et Wii, en dépit de ses capacités quelque peu restreintes en matière de 3D. Un choix qui se traduit forcément par quelques changements plus ou moins importants dans l'orientation globale du soft. Si le jeu conserve le même style graphique très particulier de son aîné, les territoires qui s'étendaient jadis à perte de vue sont désormais scindés en de multiples petites zones beaucoup moins ouvertes. Dans sa globalité, la surface de jeu à explorer reste tout de même très vaste, mais on se laisse moins facilement griser par les cavalcades fleuries du petit louveteau blanc qui prend le relais d'Amaterasu dans cet épisode.
Si les origines de Chibiterasu ne sont pas clairement définies dans Okami Den, il nous est davantage présenté comme le rejeton d'Amaterasu que comme sa version enfantine. Qui plus est, l'histoire du jeu se déroule plusieurs mois après la fin d'Okami et fait intervenir le fils de Susanoo et de Kushinada : le brave petit Kuninushi. Ce dernier sera d'ailleurs le premier compagnon de Chibiterasu dans Okami Den, devenant par la même occasion son cavalier attitré avant que d'autres personnages ne viennent prendre le relais. En passant sur console portable, les développeurs semblent avoir fait le choix de mettre en avant des protagonistes plus jeunes et plus expressifs, quitte parfois à donner à l'aventure un air enfantin qui ne nuit heureusement pas à l'atmosphère caractéristique de la série. Les cut-scenes sont truffées d'humour et les dialogues toujours aussi décalés se traduisent par des comportements souvent caricaturaux de la part des personnages du jeu. Un sentiment permanent de légèreté que confortent les fameuses voix yaourt qui s'harmonisent parfaitement avec le ton saugrenu de la plupart des situations auxquelles Chibiterasu est confronté.
Mais si Okami Den ne se prend jamais au sérieux, il n'en oublie pas pour autant ses objectifs et fait de son mieux pour rendre hommage au mythe auquel il fait suite. Bien que le rendu graphique se révèle parfois grossier sur les plans les plus rapprochés, la touche artistique d'Okami est restituée du mieux possible sur DS et impose toujours sa vision poétique d'un Japon ancestral empreint de croyances mythologiques. Encore mieux adapté au stylet de la DS qu'à la télécommande de la Wii, le pinceau céleste est plus que jamais au coeur du gameplay. Chaque nouvelle constellation tracée avec l'encre magique donne accès à de nouveaux pouvoirs permettant d'interagir avec l'environnement en traçant différentes formes à l'écran. A tout moment, le joueur peut figer l'action pour dessiner ce qu'il souhaite sur l'écran tactile. Une ligne franche peut couper un arbre en deux, un rond le fait refleurir, une bombe dévoile des passages secrets, etc. Des actions qui sont aussi utiles lors des déplacements que durant les combats, ces derniers se déroulant dans des aires fermées qu'il faut purifier en devinant quels sont les points faibles des multiples démons du jeu.
Des idées qui étaient cependant déjà présentes dans le premier Okami, mais qui s'accompagnent désormais de nouvelles possibilités d'action relatives aux compagnons de Chibiterasu. Si les jeunes cavaliers sont plus efficaces sur le dos du louveteau qu'à pied, vous aurez parfois intérêt à les envoyer seuls à tel ou tel endroit pour activer un mécanisme ou franchir un pont trop fragile pour soutenir le poids de l'animal. Dans ces moments-là, il suffit de faire descendre le personnage du dos de sa monture et de tracer son parcours à l'aide du stylet pour le voir s'éloigner, certaines actions ne pouvant toutefois être accomplies que par tel ou tel compagnon. Par exemple, la sirène Nanami est la seule à pouvoir évoluer dans l'eau, tandis que Kagura, la prêtresse et danseuse kabuki, peut contrôler les flammes pour faire fondre la glace, et que le petit gaijin Kurou flotte sans problème au-dessus du vide. Des talents qui pimentent et renouvellent agréablement les énigmes dans les donjons, avant les face-à-face inévitables contre les boss.
Bien que les combats soient finalement peu nombreux dans Okami Den, les affrontements contre les boss se révèlent souvent épiques dans la mesure où ils requièrent pas mal d'astuce pour être menés à bien. Longs et mis en scène de façon à surprendre le joueur jusqu'au coup de grâce fatidique, ils représentent les seuls passages un tant soit peu délicats du jeu, le niveau de difficulté global étant plutôt faible dans l'ensemble. En revanche, la durée de vie se situe dans la moyenne haute et multiplie les occasions de s'éloigner de la trame principale pour partir en quête d'objectifs optionnels et de récompenses cachées à dénicher. Ceux qui ont terminé Okami ne seront peut-être pas autant bluffés qu'à l'époque de la sortie du jeu sur PS2, mais l'esprit du titre de Clover transparaît de manière évidente dans Okami Den. On espère maintenant que le soft sera rapidement traduit dans notre langue pour pouvoir en profiter pleinement et que ses ventes seront suffisantes pour convaincre Capcom de ne pas lâcher cette fascinante série.
Le retour d'Okami se fera certes sur DS mais l'aventure qui nous est proposée conserve toute la poésie qui caractérisait le titre de Clover. Si le terrain de jeu est plus limité et l'action un peu moins présente que dans le premier volet, l'apparition de compagnons pour Chibiterasu rend la progression très intéressante, le tout dans une ambiance pleine de légèreté qui donne envie de ne pas voir la série s'arrêter en si bon chemin.