On ne le rappellera jamais assez souvent, c'est toujours de la frustration que nait le désir puis le plaisir. Si l'on en croit cette vieille leçon de tonton Sigmund, la série des BlazBlue était déjà plus que prometteuse avant même de mettre le pied sur notre continent. En effet, le deuxième épisode a suivi les traces de son aîné : non seulement il a affronté plusieurs reports avant de débarquer chez nous, mais il était alors déjà disponible depuis des lustres dans le reste du monde.
Le nom d'Arc System Works ne dit peut-être rien à ceux qui ne sont pas familiers des jeux de baston en 2D et pourtant c'est à ce studio que l'on doit l'une des licences les plus marquantes du genre. Ce développeur japonais est en effet à l'origine des célèbres Guilty Gear, des jeux de combat survoltés réputés aussi bien pour leur technicité que pour leur design extravagant. Il y a peu le studio a refait parler de lui en lançant une toute nouvelle série que l'on peut considérer sans trop de mal comme la fille spirituelle des Guilty Gear : BlazBlue repose en effet aussi bien sur son système de jeu riche et dynamique que sur son esthétique particulièrement léchée. On se souvient que le premier épisode nous était arrivé un peu tard en Europe, au printemps dernier pour être précis, alors que le reste du monde l'avait déjà entre les mains depuis près d'un an. Mieux vaut tard que jamais mais cette sortie tardive a aussi des conséquences sur la suite qui débarque désormais dans nos boutiques. Les deux sorties étant plutôt rapprochées, les amateurs du genre vont forcément se demander si ça vaut le coup d'investir dans un titre qui partage beaucoup de points communs avec son grand frère.
Les différences qui sautent aux yeux tiennent bien entendu à l'ajout de nouveaux personnages et de nouvelles arènes. Pas de surprise, ces décors supplémentaires sont à la hauteur de ceux que l'on connaissaient déjà : ils fourmillent de détails et allient à merveille la 2D et la 3D pour nous offrir des arrière-plans aussi vivants que variés. On remarque aussi avec plaisir que les arènes du premier BlazBlue ont subi un léger lifting pour être ici encore plus riches. L'évolution la plus marquante tient certainement à l'ajout des deux personnages disponibles dès le lancement du jeu : Tsubaki Yayoi et Hazama. Les deux avaient déjà fait leur apparition dans le mode Histoire du premier volet, ils prennent cette fois-ci une importance de premier ordre. La première adopte un style de combat relativement simple à prendre en main : elle enchaîne très facilement les attaques au corps-à-corps. Elle est armée d'une courte lance et d'un énorme livre qui lui sert de bouclier. Elle peut aussi feuilleter ce dernier pour remplir une jauge qui lui permettra d'augmenter la puissance de ses attaques spéciales. Hazama est lui un peu plus délicat à manier : il utilise une chaîne qui lui permet aussi bien d'attaquer à distance que de s'approcher rapidement de son ennemi. Ses mouvements sont plutôt déconcertants mais, pour peu qu'on le maîtrise, ce personnage peut certainement s'avérer réellement très puissant.
Les surprises ne s'arrêtent pas là, une fois que vous aurez suffisamment avancé dans le jeu, vous aurez le plaisir de mettre la main sur Mu-12. Cette dernière est une version surpuissante de Lambda-11, qui elle-même a pris la place laissée vacante par Nu-13... Vous êtes un peu perdu ? Retenez que cette fameuse Nu-13 est finalement remplacée par deux combattantes optant toutes les deux pour un design approchant. Les fans n'en resteront pas là puisqu'ils iront certainement télécharger les trois personnages supplémentaires qui seront finalement disponibles : Makoto la fille-écureuil utilisant des tonfas, Valkenhayn le dévoué serviteur de Rachel, et enfin Platinum qui est tout de même l'un des six héros mythiques. Ce petit rab de soupe a de quoi nous faire saliver mais un détail viendra malheureusement refroidir vos ardeurs : il vous faudra débourser près de sept euros pour débloquer chacun de ces combattants ainsi que le décor qui lui est lié. On a beau tourner autour du pot en rappelant que le jeu de base n'est pas très cher, il s'agit là d'un prix vraiment prohibitif pour des personnages en DLC.
Heureusement, les développeurs de ce BlazBlue : Continuum Shift se rattrapent plus ou moins en proposant dans le titre de base un contenu conséquent et notamment de nombreux modes de jeu. On retrouve bien entendu le mode Arcade, le mode Versus, le mode Attaque de score et même le mode Histoire. Ce dernier est conçu sur le même modèle que son aîné mais il propose un scénario mieux construit, plus déjanté et encore plus touffu. Le mode Réseau permet bien entendu de se lancer dans des parties en ligne survoltées : lors de nos essais nous avons pu remarquer de sérieux ralentissements lors de la présentation de l'arène et des personnages, mais heureusement, ceux-ci disparaissaient lorsque le combat commençait. On se retrouvait donc avec des affrontements aussi fluides et aussi dynamiques qu'à l'accoutumée. On peut aussi toujours se la jouer voyeur en regardant d'autres jouer et enregistrer les matchs pour les décortiquer par la suite. On apprécie au passage la petite nouveauté qui permet de s'entraîner lorsque l'on attend d'autres participants.
Ce Continuum Shift ne se contente pas de recycler les modes de son prédécesseur, il apporte aussi de nombreux ajouts. On voit ainsi apparaître le mode Légion que les possesseurs de l'épisode PSP connaissent déjà : il s'agit d'enchaîner les matchs en équipe et d'enrôler ensuite dans sa propre armée les combattants ennemis vaincus. Divertissant en solo, ce mode n'en reste pas moins plutôt anecdotique en comparaison des autres. On ne peut pas en dire autant du didacticiel et du mode Défi qui apportent une vraie plus-value au jeu. En effet, ces derniers vous permettent non seulement de vous familiariser avec le gameplay général du titre mais aussi de découvrir les spécificités, les tactiques et les les combos les plus courants de chacun des personnages. Les leçons sont plutôt succintes mais elles sont surtout progressives et assez bien conçues pour vous permettre réellement d'évoluer. Même les habitués de Calamity Trigger ne devront pas hésiter à faire le détour par ces deux modes qui leur apprendront le détail des nouveautés de ce second opus. En effet, si cette suite multiplie les points communs avec son prédécesseur, vous vous rendrez rapidement compte qu'elle propose aussi quelques spécificités qui méritent d'être observées à la loupe.
On remarque par exemple la disparition des raccourcis qui associaient des attaques spéciales directement aux différentes directions du stick gauche. Les néophytes trouveront à la place un mode Débutant qui propose des contrôles largement assistés. Il faut avouer que le résultat n'est pas forcément très concluant mais il a au moins le mérite de ne pas effrayer les nouveaux venus. Dans le détail, c'est surtout le système de garde qui a été modifié : désormais, à la place du système de Guarda Libre, chaque personnage débute son combat avec un certain nombre d'amorces de garde représentées par autant de petites douilles en dessous de sa barre de vie. Un barbare tel que Tager débutera avec davantage d'amorces que Rachel. On perd petit à petit ces fameuses icônes à force de parer des coups, épuisez votre stock et vous vous retrouverez en état de « destruction de garde », vous serez alors particulièrement vulnérable aux coups de votre adversaire. On remarque enfin que les « explosions de barrière » du premier opus ont été remplacées par des « explosions de rutputre » : la différence c'est que ces fameuses explosions vous permettant de casser un combo adverse ne viennent plus vider votre jauge de Barrière mais sont directement liées aux icônes explosions situées sous votre barre de vie. Le fait de lancer un Astral Finish va aussi griller l'une de ces icônes. Ces quelques considérations paraîtront certainement obscures à celui qui n'a pas encore touché au premier opus de la série mais elles modifient plus qu'il n'y paraît la façon de jouer à BlazBlue : les explosions deviennent un peu moins coûteuses et vous permettront souvent de vous tirer d'une mauvaise passe. Au final on se retrouve là avec un gameplay particulièrement soigné qui devrait sans difficulté faire le bonheur des amateurs de jeux de baston en 2D et qui n'aura aucun mal à convaincre les fans du premier opus.
- Graphismes18/20
Les décors sont encore plus fins que pour le premier opus : on se régale littéralement devant le luxe de détails. Les combattants sont superbement animés, on a vraiment affaire à de la 2D d'une qualité exceptionnelle.
- Jouabilité19/20
Le gameplay est légèrement rééquilibré, il s'agit de petits changements en apparence mais ils vous obligeront à changer les habitudes de jeu que vous aviez prises avec le premier opus. On note par exemple que les explosions deviennent un peu moins coûteuses et permettent de casser plus facilement un combo adverse.
- Durée de vie16/20
On compte désormais 15 personnages et une belle palette de modes de jeu. On est naturellement satisfait de telles avancées par rapport au précédent opus mais on garde tout de même un goût amer en bouche en repensant aux trois personnages qui ne seront disponibles qu'en téléchargement payant.
- Bande son16/20
On a toujours le choix entre les voix japonaises ou anglaises. Les musiques restent encore particulièrement survoltées, ce qui confère un cachet inimitable au titre qui s'inscrit de ce point de vue dans la plus pure tradition des jeux Arc System Works.
- Scénario15/20
Le mode Histoire est plus drôle, plus bavard et mieux construit que son équivalent dans le précédent épisode. Il faut tout de même s'accrocher sérieusement pour comprendre complètement ce scénario aussi loufoque que torturé.
Alors qu'on criait déjà au génie en accueillant le premier épisode de la série, ce BlazBlue Continuum Shift parvient littéralement à nous arracher des larmes de joie en faisant encore mieux que son prédécesseur. Plus complète, plus riche et plus équilibrée, cette suite fait la main basse sur tous les superlatifs. Le seul petit reproche qu'on pourrait lui faire tient au prix auquel seront proposés en téléchargement les personnages supplémentaires. On oubliera toutefois bien vite ce détail en précisant que le jeu de base est lui disponible à un prix très raisonnable.