Après un premier volet bien sympathique mais pas exempt de défauts qui avaient divisé les joueurs et la critique, Two Worlds est de retour. Le jeu de rôle des Polonais de Reality Pump espère cette fois faire l'unanimité auprès des adeptes de mondes ouverts du type Oblivion ou Gothic. Pari réussi ?
L'histoire débute 5 ans après celle du premier volet. On ne sait pas vraiment ce qui a cloché dans ce laps de temps, mais toujours est-il que le héros que vous incarniez dans Two Worlds et sa frangine qu'il cherchait désespérément à délivrer se retrouvent tous deux prisonniers au fin fond des ruines d'Oswaroth. Alors que Gandohar tente de puiser le pouvoir du dieu Aziraal véhiculé par votre soeur Kyra, votre situation n'est guère plus enviable puisque vous êtes jeté dans un cachot dont vous avez peu d'espoir de sortir un jour. Ironie du sort, ce sont vos ennemis d'hier qui vont vous tirer de cette fâcheuse posture : un groupe de peaux-vertes, guidé par une mystérieuse assassin demi-orc du nom de Dar Pha, a monté une expédition pour vous libérer. C'est ainsi que commence votre aventure, qui vous amènera à explorer les régions de l'est d'Antaloor pour trouver un moyen de stopper les plans machiavéliques de Gandohar et d'exercer votre vengeance.
La phase de création de votre avatar s'inscrit dans la continuité de l'épisode précédent : vous vous bornez à customiser son apparence, puisque Two Worlds II ne vous soumet aucun choix de classe. Bien que trois archétypes de base se dégagent (guerrier, ranger et mage), le jeu vous propose en effet de faire évoluer librement votre personnage. A chaque niveau gagné, vous pouvez choisir où répartir vos différents points de caractéristiques (endurance, force, dextérité et magie) pour déterminer vous-même son orientation. Vous pouvez également améliorer les compétences de votre choix, pourvu que vous ayez mis la main sur les livres qui vous permettent de les apprendre. Regroupées dans plusieurs catégories (compétences générales, corps-à-corps, archerie, magie, furtivité et artisanat), elles permettent comme dans le premier épisode de se forger un personnage unique, capable d'aborder les affrontements de multiples façons différentes : vous pouvez manipuler une grande variété d'armes très différentes, donner des coups de bouclier, étourdir ou faire chuter votre adversaire, l'aveugler avec de la poussière, combattre avec une torche dans la main gauche, tirer deux flèches à la fois, poser des pièges, assassiner sournoisement votre victime par derrière, l'arroser de boules de feu ou l'occuper avec une créature invoquée. Les possibilités sont innombrables. Mais si l'évolution de votre avatar est aussi intéressante et aussi gratifiante, c'est surtout parce qu'elle s'accompagne d'une véritable sensation de montée en puissance, bien plus convaincante que ce à quoi nous avaient habitués les derniers représentants du genre. Vos débuts seront douloureux, mais votre progression se révélera jouissive à bien des égards.
Seule ombre au tableau : s'il est toujours permis de monter un personnage touche-à-tout (un guerrier en armure lourde adepte des boules de feu ?), cette suite semble vouloir brider au maximum cette opportunité. Pour commencer, il n'est plus possible de lancer de sort sans avoir de bâton dans les mains, ce qui implique un fastidieux changement d'arme en cours de combat si vous voulez multiplier les approches. Qui plus est, certains équipements sont désormais réservés à un archétype précis : plusieurs tenues de mage sont par exemple incompatibles avec l'utilisation d'un arc. Enfin, on se rend compte dans les faits qu'un personnage multiclassé tient moins bien la route que dans le premier Two Worlds. Tout aussi réaliste soit-elle, cette restriction ne plaira pas à tout le monde. Heureusement, le système de jeu a conservé toute sa richesse, qui force l'admiration. Vous pouvez créer vos propres sorts en associant des cartes trouvées à droite et à gauche, concocter vous-même vos potions en récupérant et en mélangeant des ingrédients plus ou moins rares et sertir des bijoux et des amulettes avec des cristaux aux effets variés. Et s'il n'est plus possible de fusionner deux équipements identiques pour en obtenir une version plus puissante, un tout nouveau système d'artisanat fait son apparition. Ce dernier permet de casser un objet pour récupérer les matériaux dont il est constitué, qui serviront alors à améliorer un autre équipement. Le système est sympa et pratique à l'usage, mais pas forcément très réaliste puisque, à l'instar d'un certain Gothic 4 : Arcania, il est possible de le pratiquer n'importe où, sans avoir besoin d'aucune forge ni d'aucun outil.
Si la construction de votre personnage était l'une des deux qualités majeures du premier Two Worlds, l'autre tenait sans conteste dans son univers vaste et ouvert, particulièrement dense et propice à l'exploration. Sur ce plan, Two Worlds II fait souffler le chaud et le froid. Le monde est ici bien plus découpé puisqu'il est constitué de quatre îles entre lesquelles vous allez naviguer par le biais de téléporteurs, sachant que la plus grande d'entre elles, Eikronas, ne peut être visitée dans son intégralité : seuls certains lieux sont accessibles, ce qui n'est pas précisément l'idée qu'on se fait d'un monde ouvert. Reality Pump réserverait-il cette île pour une éventuelle extension ou autre DLC ? C'est la question qu'on peut se poser. Il reste que s'il n'est pas immense à proprement parler, le territoire à explorer est tout de même suffisamment vaste pour que le plaisir de l'exploration reste intact : les paysages, d'une variété très appréciable (forêt continentale, savane, marécages, villes d'inspiration médiévale, nord-africaine et orientale), bénéficient d'un design fouillé et de graphismes à la hauteur. Le rendu visuel accuse bien quelques faiblesses dans le domaine technique (quelques textures décevantes, un effet de motion blur gerbant et inutile), mais les problèmes de collision qui entachaient le premier volet sont ici bien moins prononcés. Du coup, on a grand plaisir à parcourir le monde, que ce soit à pied, à cheval, à la nage, ou à la faveur d'un voyage en bateau. Si certaines portes s'ouvriront tardivement et que certains lieux vides ne se rempliront qu'à l'occasion d'une quête, il reste appréciable que vous puissiez vous déplacer comme bon vous semble, sans qu'aucun mur invisible ne vous en empêche (N'est-ce pas, Gothic 4 ?).
En revanche, Two Worlds II pèche un peu sur le plan de l'immersion. Si l'absence des conditions météo promises n'est somme toute pas si grave, les trop nombreux PNJ muets qui peuplent Antaloor et le manque d'animations contextuelles (votre héros ramasse plantes et objets sans même se baisser) sont déjà plus gênants. Qui plus est, le doublage en français se révèle absolument désastreux ; pour vous permettre de mesurer l'ampleur de la catastrophe, sachez qu'il est encore plus pitoyable que celui du premier opus (oui, c'était donc possible). Votre héros s'exprime sur un ton détaché, sans la moindre conviction, ce qui n'arrange pas les séquences de dialogue, où les intervenants gesticulent de façon robotique. Les dialogues ne sont de toute façon pas le point fort du jeu, car s'ils vous accordent parfois le choix entre deux attitudes, ils vous laissent en général beaucoup trop passif. De manière générale, il faut reconnaître que les quêtes ne sont pas folichonnes : la trame principale se laisse suivre sans réelle conviction et les missions annexes, peu inspirées, consistent trop souvent à ramener un item à quelqu'un (sachant que le jeu a cédé à la mode des marqueurs de quêtes). Reality Pump aurait gagné à travailler cet aspect plutôt que de nous servir à toutes les sauces mini-jeux et parcours à cheval. Pour pimenter vos missions, le titre bénéficie toutefois de deux atouts hérités de son prédécesseur : d'une part, un système de réputation qui influe sur les relations avec les PNJ, et d'autre part, un bestiaire solide et varié (Groms, Varns, Necris, Scapularis, etc., ainsi qu'une foultitude d'animaux sauvages) qui ne brille malheureusement pas par son intelligence, la faute à une IA dont on exploite trop souvent les errements pour triompher.
Jusque-là, Two Worlds II fait somme toute office de suite solide et convaincante, mais c'est sans compter sur les gros problèmes de jouabilité qui risquent d'en exaspérer plus d'un. Sans que l'on sache pourquoi, l'interface classique mais efficace du volet précédent a laissé la place à des menus disgracieux, brouillons et peu pratiques à l'usage (on pense surtout à l'inventaire). Ajoutez à cela une maniabilité délicate : la caméra plus rapprochée et l'inertie de votre héros rendent les actions imprécises et les combats en environnement fermé difficiles à négocier. A côté de ça, il y a cette idée saugrenue qui consiste à assigner plusieurs fonctions à un même bouton et qui vous conduit régulièrement à sauter sur place au lieu de monter à cheval ou d'engager la conversation. Mais la cerise sur le gâteau, c'est ce système d'auto-loot qui vous contraint à ramasser d'un coup tous les objets droppés (sauf quand vous n'avez plus de place) et à devoir faire systématiquement le ménage dans votre inventaire, sachant que ce dernier ne dispose plus de fonction de réorganisation automatique et nécessite de déplacer un par un tous les objets d'une pile ! A ces détails franchement agaçants, il faut encore ajouter quelques contraintes aussi lourdes qu'inutiles, censées accroître le réalisme mais nuisant au final à l'expérience de jeu, comme la nécessité de maintenir constamment l'allure du cheval (qui se révèle heureusement plus maniable que dans le premier volet), ou encore celle de devoir préparer son arme même après avoir utilisé le raccourci dédié (écueil déjà présent dans l'opus précédent). On a beau s'habituer à tout ça avec le temps, la jouabilité n'en reste pas moins très perfectible.
Two Worlds II propose un challenge intéressant, sachant que votre héros ne respawne plus à un mémorial quand il est vaincu, mais la difficulté a priori bien dosée souffre du manque d'équilibrage des classes (il semble dur de monter un bon magicien) ainsi que de quelques incohérences manifestes comme ce combat contre un féroce adversaire au sommet d'un phare : sympa pour les classes à distance ! Quoi qu'il en soit, vous viendrez à bout de la quête principale au terme d'une trentaine d'heures de jeu, et bien davantage si vous accomplissez au passage toutes les missions secondaires. C'est une longévité honnête, d'autant qu'un mode multijoueur vient une fois de plus en appui. Il consiste à se façonner pour l'occasion un nouveau personnage (dont vous pouvez cette fois choisir la classe et la race) puis à rallier une ville qui sert de point de rencontre entre joueurs, qui peuvent alors discuter, créer une guilde et démarrer une partie. Plusieurs modes de jeu s'offrent à vous : Duel et Deathmatch parlent d'eux-mêmes, Aventure est l'occasion de partir en campagne aux côtés de 1 à 7 autres joueurs et Chasse aux cristaux est une sorte de capture du drapeau. Quant au fameux mode Village, que nous n'avons pu tester, il consiste à acheter et à gérer votre propre patelin avec l'argent accumulé dans le mode Aventure et à permettre aux autres joueurs de le visiter. L'idée est éminemment sympathique. Au final, Two Worlds II reste donc, en dépit de tous ses défauts, un jeu de rôle séduisant et extrêmement complet. Le problème, c'est que la concurrence fait rage en cette fin d'année 2010, et que contrairement à certaines grosses pointures sorties dernièrement, il ne mérite pas un achat à l'aveugle. Dans la mesure du possible, essayez-le avant de craquer.
- Graphismes15/20
La version PS3 de Two Worlds II n'a pas à rougir de sa consœur PC. Les textures sont un peu moins convaincantes et le clipping est un peu plus présent, mais les décors sont globalement tout aussi réussis. Dommage que les animations soient très inégales, que les effets visuels des sorts soient aussi discrets et qu'il faille souffrir de cet effet de motion blur parfaitement inutile.
- Jouabilité12/20
Pour comprendre cette appréciation, il faut bien distinguer deux choses : le gameplay et la prise en main. Le premier, riche de possibilités innombrables, est globalement très réussi. La seconde est par contre tout aussi insatisfaisante sur PS3 qu'elle l'était sur PC, voire même davantage si l'on considère le nombreux faramineux de boutons et de combinaisons de boutons à utiliser pour accomplir les actions de base (certains étant même assignés à plusieurs fonctions différentes selon le contexte) !
- Durée de vie14/20
Comptez sur une trentaine d'heures de jeu au minimum pour boucler l'aventure en ligne droite, et plusieurs dizaines d'heures supplémentaires si vous êtes du genre à ne louper aucune quête annexe. La map est tout de même un peu juste pour un open world. Mais une fois le jeu fini, vous pourrez prendre part au mode multijoueur en ligne qui vous offrira de nouveaux défis.
- Bande son11/20
Là encore, Two Worlds II fait souffler le chaud et le froid. Les thèmes musicaux du jeu sont particulièrement agréables, mais les bruitages sont nettement moins réussis. Quant aux doublages en français, ils sont si mauvais qu'on se demande où les responsables de la localisation ont été chercher ces acteurs dont l'amateurisme ne manquera pas de vous faire sourire.
- Scénario10/20
Rien de bien excitant de ce côté-là. La trame principale n'est jamais passionnante, les missions annexes sont convenues et les PNJ n'ont aucune épaisseur. Le jeu dispose heureusement d'un background cohérent et assez fouillé qui relève un peu le tout.
Une chose est sûre : Two Worlds II va diviser les adeptes de jeux de rôle autant qu'avait pu le faire son prédécesseur. Certains loueront son système de jeu intéressant et extrêmement complet et savoureront la délicieuse montée en puissance arrachée au prix d'un départ douloureux. Les autres pointeront sa jouabilité laborieuse, sa surface de jeu somme toute réduite pour un open world et ses doublages en français monstrueusement mauvais. De notre point de vue, Two Worlds II reste un titre parfaitement recommandable à condition ne pas l'acheter à l'aveugle et d'être prêt à faire abstraction de tous les petits défauts susceptibles de ruiner l'expérience du joueur non averti.