Rockstar vient d’annoncer que son mystérieux L.A. Noire, en gestation depuis 4 ans, sortira au premier semestre 2011. Dans la foulée, l’éditeur de Grand Theft Auto IV et de Red Dead Redemption a convié la presse à découvrir le titre dans ses locaux londoniens. Nous étions du voyage, voici nos impressions.
Un premier teaser en 2006, une bande-annonce dans la foulée, et puis... silence radio. Sur L.A. Noire, on connaissait le contexte (la ville de Los Angeles dans les années 40), le studio de développement en charge du projet (l'Australien Team Bondi), et surtout son éditeur, et non des moindres : Rockstar. C'était à peu près tout. Le jeu, remis en orbite en 2010, vient de nous être dévoilé. Très clairement, ce ne sera pas un jeu où l'action dominera, n'en déplaise aux fans des productions habituelles de Rockstar. L.A. Noire sera avant tout un jeu d'investigation autour d'enquêtes criminelles, mettant le joueur dans la peau de Cole Phelps, petit flic du LAPD, qui devra gravir les échelons en résolvant ses affaires à force de réflexion et de déduction. Un seul mot d'ordre en guise de cahier des charges pour l'équipe des concepteurs : le réalisme. En clair, les affaires criminelles exposées et les enquêtes que le joueur doit mener pour découvrir la vérité, doivent coller le plus possible à une réalité vécue par les détectives du LAPD de l'époque.
Dans cette optique, Team Bondi a beaucoup travaillé sur ce fameux contexte. D'abord, sur le Los Angeles des années 40, entre l'âge d'or d'Hollywood et le boom économique. La ville a été modélisée de façon très convaincante avec moult détails (parc automobile, tramway, architecture etc.), et sur une superficie plutôt importante. Ensuite, sur le choix des affaires criminelles. En ressortant et en étudiant documents et photos d'archives, l'équipe a élaboré des affaires-types, caractéristiques de cette époque gangrenée par les trafics de drogue, histoires de corruption et d'extorsions. Des cas fictifs pour la plupart mais aussi réels, comme par exemple la fameuse affaire du Dahlia Noir qui avait défrayé la chronique en 1947 (et qui au passage n'a jamais été élucidée même si l'écrivain James Ellroy a imaginé un dénouement dans son livre éponyme). Ce travail-là se révèle plutôt réussi, on se sent réellement tomber dans cette ambiance sombre et violente des romans et films noirs... au point qu'on se dit que Bogart va bientôt débarquer ! Il faut dire que la musique jazzy et le nombre considérable de cinématiques contribuent à cette impression.
Outre cet aspect qui apparaît primordial, Team Bondi a mis toute son attention sur ce qui constitue le cœur du gameplay : les interrogatoires et tout ce qui tourne autour. Cela se traduit par un gros travail d'écriture pour blinder les différents scénarios, et notamment pour éviter les problèmes d'incohérence que les diverses possibilités de cette phase de jeu peuvent engendrer. Pour bien comprendre de quoi il retourne, il faut savoir que chaque affaire abordée suit un processus logique. Celui-ci débute avec un briefing au poste de police, se poursuit avec la constatation des faits et la récolte d'indices sur la scène de crime, pour prendre un tour décisif lors de l'interrogatoire/contre-interrogatoire des témoins/suspects. C'est là précisément, au cours du dialogue, que vous devez adopter, à intervalles réguliers, un sentiment (croire, ne pas croire, douter) et une attitude (forcer, accuser, amadouer), en appuyant sur les touches correspondantes. Si vous avez mis la main sur tous les indices, relu les différents dialogues inhérents à l'affaire (conservés en annexe), vous êtes à même de juger de la sincérité ou pas de votre témoin, et donc d'opter pour les bonnes combinaisons. Cela permet ensuite de le pousser dans ses retranchements afin qu'il vous révèle des éléments décisifs utiles pour la suite de l'enquête (d'autres lieux, de nouveaux personnages). Si à l'inverse, il vous manque un indice fondamental et/ou que vous n'optez pas pour les bons choix lors de l'interrogatoire, au pire vous ne tirerez plus rien de votre témoin, au mieux vous reprendrez une série de questions pour retomber sur vos pieds par des chemins détournés. En multipliant les indices à récolter (dont le nombre varie en fonction du niveau de difficulté adopté), les lieux à visiter et les témoins à interroger, cela fait en tout cas beaucoup de combinaisons possibles, qui justifient ce travail d'écriture.
Mais ce n'est pas tout. Dans le cadre de ces interrogatoires, et toujours par souci de réalisme, les concepteurs ont utilisé une nouvelle technologie de modélisation intitulée MotionScan. Sans rentrer dans les détails techniques, celle-ci permet de récupérer les expressions traduisant les sentiments des acteurs en studio (peur, confiance, culpabilité, sincérité...) pour les appliquer sur leurs avatars en 3D. L'idée, c'est de permettre à l'enquêteur d'affirmer, par exemple, qu'un témoin ment ou qu'il a quelque chose à se reprocher, simplement en l'observant. Ce qui peut se concevoir dans le cadre d'une enquête criminelle dans la vraie vie. Même s'il ne s'agit pas là d'une science exacte. Le résultat est-il à la hauteur de l'attente ? Difficile de répondre de façon catégorique puisque ce que nous avons pu voir ne constitue qu'une seule enquête, bien que menée à son terme. Certaines expressions correspondaient à un niveau de réalisme acceptable, d'autres paraissaient un peu forcées... Le système est donc absolument intéressant, sans doute devra-t-il être amélioré.
Côté rythme, c'est évidemment beaucoup plus lent que ce à quoi nous avait habitués Rockstar, et il y aura à coup sûr des déçus. Relire les informations de son bloc-notes, fureter chaque recoin à la recherche d'indices, observer les réactions des personnes interrogées, trouver des preuves ou fabriquer un faisceau de présomption à partir de déductions constituent les actions de base qui attendent le joueur dans L.A. Noire. Il y a certes quelques scènes d'action (combats à mains nues, gunfights, poursuites en voiture), mais ce que nous en avons vu, pendant une heure de démo seulement il est vrai, apparaît assez basique, même si ces séquences permettent de profiter de l'ambiance et du décor.
Jouer au détective dans un univers en 3D sorti tout droit d’un film ou d'un roman de série noire peut se révéler une expérience intéressante compte tenu du travail d’écriture soigné qui entoure ce L.A. Noire. Le jeu a des airs de fiction interactive où l’immersion promet en tout cas d’être à la hauteur. Pas sûr en revanche que ceux qui ne jurent que par les titres emblématiques de Rockstar comme GTA 4 ou Red Dead Redemption y trouvent leur compte, l’action passant clairement au second plan. Reste que cette technologie MotionScan, si elle se révèle intéressante dans la quête de réalisme, doit encore convaincre d’autant que tout le monde n’a pas forcément la même exigence en termes de réalisme.