Avec les sorties récentes de Starcraft II, R.U.S.E. ou encore Civilization V, le moins que l'on puisse dire, c'est que les grosses écuries du jeu de stratégie répondent présentes en cette fin d’année. Mais au milieu de ces machines insatiables, des titres plus modestes tentent de se faire un nom. C’est le cas de la série Patrician, dont les débuts datent de 1992 et qui se voit dotée aujourd'hui d'un quatrième épisode.
Pour les nombreux joueurs qui n'ont pas eu accès aux premiers volets de Patrician, sachez que le jeu propose un concept assez singulier. Pas question d'établir de stratégie militaire ou de mener une civilisation à son apogée ! Non, la patience est ici de rigueur, car la série vous place dans la peau d'un marchand. Négociation, réflexion et ruse seront donc les clés de votre réussite. Autant dire que la simulation économique éditée par Kalypso Media n'a jamais vraiment attiré les foules, la faute à son gameplay segmenté, même si une petite communauté continue de se réjouir lors de la sortie de chaque épisode.
A ce titre, les fans devraient être satisfaits car Patrician IV conserve l'âme de ses ancêtres. Le contexte du jeu tient en quelques mots. Vous êtes un membre de la ligue hanséatique, une association regroupant les marchands des villes commerçantes de l'Europe du Nord et dont l'influence s'étend de la mer du Nord à la mer Baltique. Une alliance qui a réellement existé entre le XIIe et le XVIIe siècle et dont le pouvoir, autant financier que politique, était immense. Bref, vous l'aurez compris, vous voilà dans la peau d'un rude commerçant du XIVe siècle, prêt à tout pour faire fonctionner son business.
Le principe se veut simple à la base mais révèle une vraie profondeur après quelques heures de jeu. Pour faire clair, votre but est d'acheter des produits dans une ville et de les revendre ailleurs, à un meilleur tarif bien évidemment. Tout fonctionne selon la fameuse loi de l'offre et de la demande. Lübeck manque de bois, pas de problème, c'est à vous de trouver une autre ville qui saura combler les attentes de la cité germanique. Pour ce faire, rien de bien compliqué. Vous avez accès à une sorte de carte de la région hanséatique vous indiquant toutes les villes portuaires situées non loin de vous. De Oslo à Riga, en passant par Hambourg et Londres, vous allez voyager, d'autant qu'il sera possible ensuite d'envoyer des expéditions pour découvrir des terres inconnues regorgeant de denrées précieuses. En plus de cet aperçu général, vous pouvez pénétrer à l'intérieur de chacune des villes pour jeter un œil à son infrastructure, observer ses habitants déambuler dans les rues et vérifier que votre popularité y est au beau fixe. Chaque action que vous effectuez aura un impact sur le degré de confiance accordé par la population locale. Si vous pillez une ressource dont le manque se fait déjà cruellement sentir, attendez-vous à ne pas revenir en héros dans la ville. Au contraire, si vous permettez la circulation de biens dont les stocks sont importants, tout le monde aura une bonne opinion sur vous.
Mais revenons-en à notre commerce. Il est possible d'envoyer le bateau dans une ville mais également de créer un circuit en déterminant à l'avance quel produit sera distribué, à qui et dans quelle quantité. Pour faciliter les choses, des ordres plus vagues peuvent être donnés comme : ne vendez que si le prix proposé est avantageux. Un peu plus loin dans le jeu, tracer un itinéraire idéal devient toutefois d'autant plus compliqué que votre flotte s'agrandit. Le but reste cependant le même, amasser de l'argent. Pour vous expliquer les bases, le tutorial est d'ailleurs très bien conçu avec des vidéos détaillant l'intérêt de chaque manœuvre. Pour débuter, il s'agit d'un passage quasi obligé. Dans Patrician IV, il faudra en effet en permanence veiller à ne pas déraper. Un voyage peu fructueux peut très vite s'avérer problématique. Et le jeu a de quoi vous distraire de votre objectif principal car à mesure que vos recettes augmentent, vous prenez de l'importance. Vous êtes l'objet d'enjeux financiers, certes, mais aussi politiques. Quoique les deux sont liés en un sens. Après plusieurs heures, vous aurez la possibilité de faire partie du conseil de votre ville, de participer à la vie de la cité, de voter pour les améliorations à apporter et même, de postuler comme maire. Pour cela, il ne faudra négliger aucun aspect de votre image auprès de la population. Faire des dons aux nécessiteux, fournir les plus pauvres en denrées alimentaires, se marier, protéger le peuple, tout vous sera utile. Bien évidemment, il faudra aussi veiller à ce que les concurrents ne soient pas dans une situation trop confortable. Engager des pirates pour mettre à mal quelques-uns de leurs navires peut par exemple se révéler très utile. En plus de tout cet aspect gestion politique, Patrician IV offre un côté city-builder minimaliste mais sympathique. Vous pourrez par exemple créer vos propres fermes pour fabriquer plus de grain ou installer un puits pour limiter les incendies.
En cours de route, vous aurez aussi à vous méfier des évènements imprévus, comme une ville qui se fait assiéger, mais aussi des navires malintentionnés que vous croisez lors de vos périlleuses escapades en mer. Une bataille peut en effet très vite s'enclencher. Le système de contrôle est alors particulièrement rustique et désagréable pour quiconque a joué à n'importe quel jeu de stratégie récent. S'il suffit de quelques clics pour vous débarrasser de l'ennemi, le peu de lisibilité de l'ensemble et l'ennui procuré par ces passages, risquent d'en déstabiliser plus d'un. Puisque l'on attaque les points faibles du jeu, on ne peut que souligner l'austérité de l'interface, qui semble parfois compliquer la tâche du joueur plus qu'elle ne la simplifie. Le menu pour accéder aux propriétés de nos embarcations commerciales en est un exemple criant. Autre problème, le titre est à la rue en ce qui concerne son aspect visuel. Ce n'est certainement pas le principal atout que se doit de posséder un jeu de stratégie mais tout de même. Patrician IV ne rentre pas dans les standards actuels, loin de là. Avec ses couleurs parfois inexplicablement criardes, sa carte du monde vraiment trop sommaire et ses villes dépourvues de charme, le jeu peine à convaincre.
Mais en fait, le vrai gros problème du titre, c'est son manque d'intérêt une fois la première partie terminée. On ne voit pas bien ce qui pourrait pousser un joueur à y revenir, une fois les principaux objectifs politiques et commerciaux atteints. D'autant qu'aucun mode multijoueur n'est disponible. Seul un mode Campagne, qui fait office de tutorial, et un mode Free Play qui vous laisse maître des paramètres de la partie, sont disponibles. Maigre… Avant d'acheter le jeu, il faut également savoir qu'il n'existe pour le moment qu'en version anglaise. Pas évident donc, de comprendre la totalité des mécanismes si on ne maîtrise pas un minimum la langue en question. Quoi qu'il en soit, Patrician IV reste un titre honnête, à posséder si son concept original vous parle.
- Graphismes11/20
Visuellement, on ne peut pas dire que Patrician IV soit un désastre, loin de là. De manière générale, les villes se ressemblent toutes et la carte du monde ne peut pas être plus sommaire. De plus, le jeu possède de grosses lacunes, notamment au niveau du design de son interface. On a déjà vu beaucoup mieux en somme.
- Jouabilité14/20
Si les rouages du gameplay apparaissent tout d’abord comme rudimentaires, on s’aperçoit très vite que le jeu recèle une vraie richesse. Mettre en place et pérenniser son commerce réclame beaucoup de patience et un sens aigu de l’observation. Avec l’apport d’un système politique engageant et d’un petit côté city-builder pas forcément négligeable, le titre affiche une belle densité.
- Durée de vie11/20
En soi, le mode Campagne et la possibilité de jouer avec des paramètres libres devraient déjà occuper plusieurs heures de votre temps. Toutefois, aucun aspect multijoueur n’a été implémenté et la rejouabilité est quasiment nulle. Après avoir atteint le plus haut rang des marchands et occupé les fonctions politiques les plus élevées, on voit mal ce qui pourrait vous pousser à revenir sur le jeu.
- Bande son14/20
Les différents bruitages semblent assez limités, si bien qu’on ne les entend plus au bout de quelques minutes. En revanche, les musiques sont magnifiques et bercent chacun des voyages de vos bateaux de commerce. Un vrai enchantement. Dommage que leur présence soit au final peu mise en avant.
- Scénario/
Patrician IV est indéniablement un bon jeu. Les amateurs de simulations économiques élaborées y trouveront sûrement leur compte. On regrette cependant que les modes de jeu soient peu nombreux et que l’interface n’ait pas été mieux pensée. On ne peut aussi s’empêcher de penser qu’il manque ce petit quelque chose en plus qui pourrait faire passer un palier au jeu. Peut-être faudrait-il simplement arriver à se couper de cette ambiance morose qui se dégage de l'ensemble ? En tout cas, cet épisode mérite assurément le coup d'œil.