Après de glorieux débuts, la série Medal of Honor n'a eu de cesse de s'enfoncer jusqu'à finalement disparaître corps et âme après avoir donné naissance à son grand rival : Call of Duty. Aujourd'hui, Electronic Arts tente un come-back en fanfare et s'assure de faire parler de son bébé.
Là où la plupart des "jeux de guerre" contemporains évitent soigneusement de s'inscrire trop clairement dans un conflit actuel, préférant s'en inspirer de loin ou partir directement dans la fiction, Medal of Honor prend le risque de plonger dans un conflit non seulement réel mais controversé qui plus est. Medal of Honor version 2010 se veut donc une retranscription des opérations militaires qui ont cours en Afghanistan et met en scène les troupes d'élite de l'armée américaine. Un background peu habituel qui confère au jeu une certaine authenticité et une inspiration de gameplay du côté de la campagne solo. Une campagne cohérente qui se déroule dans une portion réduite du pays et qui nous voit naviguer entre trois escouades dont le travail impacte celui des autres. On ne s'éparpille pas, on suit plus facilement l'histoire et on a moins de mal à s'identifier aux personnages. Ceci dit, si vous vous attendez à une histoire ou des situations "polémiques", ne rêvez pas, en dehors d'une bavure vite oubliée, le ton reste assez neutre et propre.
S'inspirer d'un conflit comme celui-ci a un intérêt, cela influe sur le gameplay, ou en tout cas sur le level design. Medal of Honor use (et abuse) de l'aspect guérilla typique de la situation en Afghanistan. On tombe fréquemment dans des embuscades et les talibans, comme les mercenaires divers et variés, nous canardent généralement depuis les hauteurs, bien planqués dans les rochers. On a également droit à de nombreuses missions d'infiltration au cours desquelles de petites escouades approchent en douceur les patrouilles pour les éliminer rapidos après les avoir encerclées. Evidemment, les "designateurs" de cibles sont utilisés à foison et à de nombreuses reprises les amateurs de soutien aérien pourront admirer le spectacle d'un AC-130 faisant cracher ses canons ou de F-15 montrant à quelle altitude ils arrivent à larguer une bombe. On doit bien admettre que Medal of Honor réserve quelques bons moments. On pense surtout à cette fin de mission qui nous voit tomber dans une sale embuscade dont on doute fortement de sortir vivant. Malheureusement, l'excitation ne dépasse jamais un certain stade et, on n'y coupera pas, la campagne solo a de sacrés relents de Modern Warfare en moins exaltant.
Plusieurs points pèchent. Tout l'art de faire un jeu scripté, c'est de faire en sorte qu'on oublie les scripts, ce qui n'est pas le cas ici. Il suffit de commencer à vouloir avancer plus vite que le jeu pour s'en rendre compte en constatant à quel point les équipiers sont perdus et incapables de s'ajuster au fait que vous avez eu tout seul la présence d'esprit de prendre de la hauteur pour sniper ou de nettoyer une cahute avant qu'on vous le suggère. Triste spectacle de les voir vous alerter d'un danger qui n'existe plus. D'ailleurs, pour éviter ce genre de problèmes, le jeu se met très souvent en mode "narration", en gros, on peut seulement avancer au pas pendant que les alliés font la causette et on attend gentiment le feu vert pour agir. Des problèmes de rythme qui soulignent un certain manque de diversité dans les situations proposées, le jeu ayant trop tendance à vouloir recycler ses bonnes idées, au risque de les galvauder.
La campagne solo souffre par ailleurs d'autres problèmes, d'intelligence artificielle notamment. On ne peut pas dire qu'alliés et ennemis soient franchement brillants. Les alliés en premier lieu font plus ou moins n'importe quoi dès que les scripts ne leur imposent plus leur conduite. Leur grande spécialité étant de se mettre en plein dans votre ligne de tir. En face, on se débrouille un peu mieux, les ennemis étant assez futés pour filer à couvert quand ça chauffe mais ils n'hésitent pas pour autant à foncer droit vers vous de temps à autre et sont parfaitement incapables de tenter de vous prendre à revers (sauf en cas de... script). Autre problème, la réalisation assez moyenne, pour ne pas dire carrément dépassée. Techniquement, on fait un sacré bond en arrière. Si le résultat est encore correct sur PC, malgré un paquet de bugs de collisions, sur consoles on descend de quelques crans. Le fond étant atteint par la version PS3 pourrie d'aliasing et par un framerate parfois haletant.
Du coup, sans être mauvaise, comportant même de chouettes séquences, la campagne de 6 heures de Medal of Honor peine à vraiment faire bondir d'enthousiasme et fait un peu datée, ne laissant pas grand-chose dans la tête du joueur une fois bouclée. On passe un bon moment, sans plus et on oublie, à l'exception d'une scène ou deux. Une campagne sans réelle envergure, qui sent trop l'inspiration sans audace. Nombreux seront alors ceux qui se tourneront vers le multijoueur développé par une autre équipe déjà bien connue des amateurs de shoots en ligne : DICE.
En une phrase, on le résumera comme suit : classique mais solide, à mi-chemin entre Battlefield Bad Company et Call of Duty. Du premier on retrouve les modes (Deathmatch, Domination, à objectifs, de défense...), du second la taille des cartes plus réduite et donc un rythme plus nerveux. Pour le coup, c'est assez intense, plutôt efficace même mais encore une fois, sans grande audace en dépit de cartes bien conçues et d'un moteur 3D qui assure le spectacle. On retrouve par ailleurs un système d'expérience qui rappelle celui de Call of Duty et qui permet d'accéder à de nouveaux rangs et des possibilités accrues. Ca fait le boulot et clairement, le mode multi rattrape la semi-déception du solo.
- Graphismes14/20
Techniquement, ce n'est pas folichon folichon. Sans être moche, Medal of Honor est minimaliste du côté de sa campagne solo et souffre de pas mal de bugs de collisions (et d'un aliasing prononcé sur PS3). Les modèles 3D des personnages font en revanche bonne figure et on apprécie la variété des environnements. Le moteur du mode multi est déjà plus convaincant et fourmille d'effets avenants.
- Jouabilité13/20
Le jeu enchaîne les situations avec une certaine adresse, infiltration nocturne, assauts massifs, séance de tir en hélico et autres. Mais les scripts sont souvent mal amenés et on est très rarement surpris par des séquences trop plates. Le mode multijoueur sauve la donne et séduira les amateurs de shoots nerveux.
- Durée de vie14/20
6 heures à peine suffisent à terminer la campagne solo. On peut ajouter le challenge Tier 1 qui consiste à rejouer en solo avec une limite de temps et de performance. Le multi, efficace mais finalement déjà vu, rallongera la durée chez ceux qui ne sont pas déjà pris par Call of Duty et/ou Bad Company 2.
- Bande son15/20
Medal of Honor peut s'enorgueillir de quelques très bons thèmes musicaux et d'excellents effets. En revanche, une bonne partie des doublages in-game sont limite navrants (mention pour le soldat Patterson).
- Scénario12/20
L'idée de prendre racine dans un conflit actuel et controversé est intéressante. Mais une fois de plus, EA ne prend pas trop de risques et le ton reste finalement simpliste, politiquement correct et sans surprise.
Le problème de Medal of Honor, c'est qu'il a beau vouloir copier les recettes du succès, il le fait sans envergure. En solo, le jeu est bien sans plus, réservant quelques bonnes scènes mais ne faisant jamais bondir, se satisfaisant de miser sur des mécaniques vues et revues et en s'affublant d'une IA et d'une réalisation franchement passables. En multi, on s'amuse déjà plus, même si là encore, on a droit à un mix d'éléments collectés à droite et à gauche et rapiécés. Ca marche, bien même. Si ce Medal of Honor ne fera pas oublier les autres pointures du genre, il fera en tout cas office d'en-cas à ceux qui ont déjà épuisé leurs stocks FPS.