Il est triste de constater que certains studios de développement n'arrivent pas à tirer de leçons de leurs erreurs passées. C'est le cas d'Eversim, qui après nous avoir proposé en 2007 l'audacieux mais très inachevé Mission Président, récidive aujourd'hui avec une vraie/fausse suite au manque de finition tout aussi notable : Rulers of Nations.
Comment est-il possible de tomber dans ce travers quand on s'appelle Eversim et qu'on possède plus de 20 ans d'expérience dans la production de jeux vidéo ? Il faut savoir que ce studio français a été fondé en 2004 sur les cendres de Silmarils, dont de nombreux joueurs - à commencer par l'auteur de ces lignes - ont pu apprécier les productions de qualité dans les années 80/90 (Targhan, Crystals of Arborea et la série des Ishar, Metal Mutant, Transarctica, Robinson's Requiem...). Bref, les équipes conduites par les frères Rocques et Pascal Einsweiler ne sont pas nées de la dernière pluie. Mais leur reconversion dans le domaine de la simulation et du serious gaming ne leur a pas permis de bénéficier de la même réussite. Et si on imagine qu'un organisme comme l'OTAN, qui utilise les outils du studio dans le cadre de différentes formations, puisse manifester un quelconque intérêt pour le projet Geo-Political Simulator, il semble plus difficile pour un joueur régulier de trouver son compte dans ce titre trop ambitieux, au manque de finition rédhibitoire.
Sorti en mars 2007 sous le titre opportuniste de Mission Président pour bénéficier d'une période électorale particulièrement propice, le premier Geo-Political Simulator laissait en effet une terrible sensation d'inachevé : d'une part, les situations rocambolesques nuisaient au réalisme du propos ; d'autre part, l'expérience de jeu était ternie par de trop nombreux bugs. Aussi, après un Mission Président USA qui était venu corriger certains dysfonctionnements l'année passée, voilà que débarque à présent Geo-Political Simulator 2, sous-titré Rulers of Nations. Présentée comme une vraie suite, cette nouvelle version laissait augurer d'un produit amélioré et enfin fini. Hélas, ce n'est pas vraiment le cas. Pour commencer, il faut savoir que les nouveautés ne se bousculent pas au portillon - nous aurons l'occasion d'y revenir. D'autre part, le jeu s'avère toujours aussi mal fignolé : outre quelques bugs d'interface, de textures corrompues et de pathfinding lié aux unités militaires, nous avons expérimenté dans le cadre de ce test, toutes les 30 minutes environ, un crash avec retour bureau, sachant que la mise à jour 4.13a réussit la performance de rendre le programme encore moins stable. Impossible de jouer décemment à moins de tomber sur le PC qui pourra faire tourner le titre dans de bonnes conditions.
C'est d'autant plus dommage que Rulers of Nations semble couper court aux situations absurdes qui plongeaient trop souvent son aîné dans le plus profond ridicule : finies, les manifs de chasseurs protestant contre l'augmentation de l'Impôt sur la Fortune. Les conséquences de vos décisions sont plus logiques et les relations de causalité bien plus crédibles, même si on rencontre encore quelques incohérences, notamment dans le mode Compétition. Ce nouveau type de jeu s'apparente à un mode libre qui vous met en confrontation directe avec 15 autres dirigeants, contrôlés soit par l'IA, soit par d'autres joueurs via réseau local ou Internet, l'objectif de chacun étant d'étendre l'influence de son pays tout en essayant d'assurer sa propre longévité politique. Avant même le début de la partie, on vous assigne un objectif secret souvent difficile à atteindre (exemple : baisser le chômage de 20 %), dont la réalisation augmentera sensiblement votre score. Dans ce mode, vos rivaux se montrent particulièrement actifs et semblent prompts à déclencher des conflits aussi stupides que peu crédibles : la Tunisie peut ainsi attaquer l'Allemagne dans le premier mois de votre gouvernance, et la population manifester massivement pour vous pousser à intervenir dans cette guerre improbable alors que vous êtes en train de serrer des mains au Festival International de la BD.
Pour plus de réalisme, il reste préférable de se tourner vers le mode Simulation. Jouable uniquement en solo, il permet de viser l'objectif de son choix, dans le cadre de parties scénarisées basées sur des thématiques actuelles : stopper la crise économique en essayant de relancer le pouvoir d'achat, orienter la fiscalité sur la préservation de l'environnement, intervenir militairement en Afghanistan, surveiller le bon déroulement des J.O. londoniens de 2012, cible d'attentats terroristes, etc. Comme dans le premier volet, vous disposez de 11 ministères pour vous aider à gérer finement le pays que vous aurez choisi parmi les 170 états jouables. Les projets de loi envisageables, plus nombreux encore dans cette suite, sont soumis au vote du Parlement, sachant que vous disposez de certains moyens d'influence pour appuyer vos décisions politiques. Cela peut s'avérer utile si vous tentez une augmentation de l'âge du départ à la retraite pour redresser les finances ! A noter que cette suite met davantage en avant la relation entre les membres de votre gouvernement, dont il faut choisir soigneusement la composition pour éviter les petites phrases dans la presse. Cependant, la cote de popularité semble chuter moins rapidement que par le passé. Et pour la petite histoire, le prochain remaniement ministériel français donnera lieu à une mise à jour gratuite de la base de données.
Cette dernière est toujours aussi complète : on y retrouve (sous un nom différent) la majorité de nos dirigeants politiques. Nicolas Sarkozy, François Fillon, Martine Aubry, François Bayrou, Marine Le Pen ou Olivier Besancenot y sont reconnaissables. A côté de ça, vos différents conseillers, gratifiés eux aussi de physionomies célèbres, sont désormais modélisés en 3D avec doublage vocal à l'appui. Il émane de leurs différentes interventions toujours autant d'ironie et de cynisme. Le rendu de la carte du monde, pratiquement inchangée et toujours aussi moche, est en revanche très décevant. Quant à l'interface, elle aurait mérité d'être entièrement refondue : son relooking ne la rend pas beaucoup plus esthétique, et la réorganisation des panneaux ne corrige pas certains écueils, comme l'impossibilité d'accéder en un seul clic à l'agenda ou de supprimer les alertes qu'on ne souhaite pas lire, sans parler des listes déroulantes à rallonge qui donnent des boutons quand on y cherche le Zimbabwe. Des soucis d'ergonomie qui ne pèsent toutefois pas grand-chose en comparaison des nombreux problèmes techniques évoqués plus haut, qui nous conduisent à sanctionner durement ce qui n'est finalement qu'une mise à jour du premier Geo-Political Simulator, dotée d'améliorations trop succinctes et du même manque de finition.
- Graphismes7/20
La représentation des différents personnages témoigne d'un effort notable et les écrans d'information s'ornent parfois de petites vidéos d'une qualité contestable. En revanche, le rendu de la mappemonde aurait mérité d'être retravaillé : c'est moche, et bonjour les bugs graphiques quand on zoome sur les reliefs !
- Jouabilité6/20
La prise en main est bonne, mais la jouabilité n'est pas optimale : l'interface aurait gagné à être entièrement refondue. Le gameplay n'a pas vraiment bougé, du moins pas suffisamment. Quant aux nombreux bugs et crashs incessants, ils ternissent irrémédiablement l'expérience de jeu.
- Durée de vie10/20
Entre un mode Compétition jouable en multi avec classement en ligne, un mode Simulation doté de nombreux scénarios (dont certains sont à débloquer), un mode Quiz riche de 3000 questions et la possibilité de personnaliser certains éléments de jeu, la durée de vie est potentiellement énorme. Mais qui aura le courage d'attendre le patch qui permettra de faire fonctionner tout ça ?
- Bande son10/20
Les compositions musicales ne sont pas vilaines à entendre, même si elles semblent un peu inadaptées au propos. Les effets sonores sont par contre vraiment minimalistes. En revanche, on apprécie la présence des 6 heures de dialogues enregistrés, certes inégaux mais bienvenus.
- Scénario/
Le projet Geo-Political Simulator suit tranquillement son cours. Après une version alpha sortie en 2007 sous le titre opportuniste de Mission Président, Mindscape et Eversim lancent aujourd'hui la version bêta, Rulers of Nations, proposée au tarif de 40 euros. Et la version finale, c'est pour quand ?