King's Bounty : The Legend était un jeu de rôle tactique particulièrement addictif ; de nombreux joueurs y ont trouvé une excellente alternative à Heroes of Might & Magic. Sa suite, Armored Princess, est venue enrichir la formule de base de nombreuses améliorations qui l'ont rendue tout aussi prenante. Mais elle souffrait néanmoins d'un gros défaut : sa courbe de progression bien plus punitive. Si la plupart des vétérans n'ont eu aucun mal à rentrer dedans, les nouveaux arrivants ont été décontenancés par le niveau de difficulté (dès le mode Normal). Ceux-là doivent par conséquent être avertis que King's Bounty : Crossworlds se destine en priorité aux fous furieux de la licence, aux stratèges émérites désireux de se voir proposer des défis à leur mesure. Cette extension, qui n'est pas un stand-alone et nécessite Armored Princess pour fonctionner, leur procurera une version remaniée du jeu d'origine, deux mini-campagnes inédites et un éditeur de niveaux.

Intéressons-nous d'emblée à Orcs on the March, qui se présente comme une nouvelle version de la campagne d'Amélie, agrémentée de quelques nouveautés. L'avantage, c'est qu'il n'est nul besoin d'avoir terminé Armored Princess pour profiter de ce contenu. L'inconvénient, c'est que les vieilles sauvegardes ne sont pas compatibles : il faut nécessairement démarrer une nouvelle partie pour y goûter. La question qui se pose aux vétérans est donc de savoir si ça vaut vraiment le coup de tout recommencer ? Pas sûr. Comme son nom l'indique, cette nouvelle version marque l'arrivée massive des Orcs dans le monde de Teana, celui où la princesse Amélie atterrit dès le début de la campagne. Les peaux-vertes se manifestent de plusieurs façons : on les croise d'abord sur les différentes îles, où ils remplacent certains packs de créatures déjà existants. C'est en les affrontant qu'on apprécie leur variété (orcs montés, shamans gobelins, catapultes orcs), mais aussi leur spécificité commune, l'adrénaline, qui leur permet de bénéficier de capacités spéciales à mesure qu'ils combattent. Il est alors difficile de résister à l'envie de les recruter dans sa propre armée ! Une quête permet en outre de rallier une zone inédite qui donne l'occasion de faire plus ample connaissance avec cette race.

Orcs on the March propose également un nouveau lieu, la Tour du Magicien, qui représente un défi assez corsé. Quant à Amélie, elle bénéficie de 3 compétences supplémentaires (une par classe), d'une dizaine de nouveaux sorts, de 70 items inédits et de la possibilité d'entraîner ses troupes dans des académies militaires. Tous ces ajouts sont appréciables, mais ils ne modifient pas vraiment la progression et le coeur de la campagne, qui reste inchangée. On regrette surtout que cette variante, qui s'apparente davantage à une mise à jour qu'à une véritable extension, n'ait pas été l'occasion de corriger les deux gros défauts de Armored Princess : sa forte linéarité et sa difficulté trop punitive. Loin de rectifier la courbe de progression, Katauri Interactive persiste au contraire dans la voie du challenge réservé aux joueurs les plus motivés et se paie même le luxe d'offrir à ces derniers deux approches distinctes : tandis qu'Orcs on the March nécessite de gérer ses troupes au plus près et d'optimiser sa stratégie pour sortir de chaque combat avec le moins de pertes possible, les deux mini-campagnes complémentaires se destinent aux adeptes du grosbillisme, à ceux là-même qui se plaisent à remplir les défis impossibles du moment qu'on leur signe un chèque en blanc.

C'est quelque chose que l'on ressent particulièrement dans la première des deux, Champion of the Arena. Elle met le joueur aux commandes d'Arthur, un mercenaire qui doit affronter huit boss successifs s'il veut remporter la ceinture du Champion de l'Arène (et accessoirement la potion de longue vie, seul remède contre le poison qu'on lui a inoculé pour ne pas le voir faire marche arrière !). Arthur a suffisamment de fonds pour recruter les unités désirées et les compagnons qui lui permettront d'en tirer le meilleur parti. A l'issue de chaque victoire, il prend cinq niveaux supplémentaires, ce qui lui permet de progresser très vite. Il peut aussi devenir membre de huit guildes différentes pour profiter d'unités spécifiques, sachant qu'il ne peut s'offrir simultanément les services de deux guildes rivales. Cette mini-campagne se boucle potentiellement en deux grosses heures, bien que la difficulté élevée de certains combats soit susceptible de rallonger considérablement la durée de vie, d'autant que le dragonnet n'est pas au programme (Arthur recycle la rage accumulée en mana). Le tout est bien fichu et plein d'humour, mais il ne faut pas s'attendre à de grosses surprises : les boss combattus sortent tout droit des campagnes de King's Bounty : The Legend et de Armored Princess.

A l'instar de Champion of the Arena, Defender of the Crown mise sur l'évolution éclair de notre avatar. On y retrouve Amélie, sommée de passer un test pour se montrer digne de porter la couronne. Elle doit pour cela délivrer l'île de Brist des griffes des hommes-lézards qui l'ont envahie. Au programme : six arènes tactiques symbolisant sa progression sur l'île. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que les développeurs n'y sont pas allés de main morte : pendant que des unités puissantes attaquent à distance planquées derrière des barricades ou des ponts étroits protégés par des pièges vicieux, des générateurs de créatures inondent régulièrement le champ de bataille de nouvelles troupes. Bref, tout est fait pour proposer au joueur une opposition presque insurmontable. Mais là encore, il suffit de sortir victorieux de la bataille avec au moins une unité : les crédits illimités dont l'on dispose permettent de toute façon de se refaire une santé avant d'aborder le prochain combat. Tout le monde n'appréciera pas ce grosbillisme de rigueur, mais une chose est sûre : il est mis au service d'affrontements tendus, à même de satisfaire les stratèges les plus exigeants. Les autres ont le droit de ne pas accrocher à ces deux mini-campagnes somme toute anecdotiques.

Ces deux modules servent en réalité essentiellement à montrer ce qu'il est possible de faire avec l'éditeur de niveaux. Ce dernier, réclamé à cor et à cri par la communauté, est en effet inclus dans cette extension ; on le trouve en allant jeter un oeil dans le répertoire du jeu. S'il faut avouer que nous n'avons pu mettre nos mains dans le cambouis comme nous l'aurions souhaité, l'outil nous a semblé particulièrement complet. Il est fourni avec un PDF de 112 pages en anglais qui permettra, nous l'espérons, de voir fleurir de nombreuses créations dans les mois qui viennent.