Après avoir été distingué dans plusieurs festivals pour son esthétique fabuleuse, Shank débarque enfin sur le Xbox Live et le PSN. C'est l'occasion d'évaluer le gameplay de ce beat'em all nerveux à la violence outrancière.
Shank n'est pas content. Le clan mafieux pour lequel il travaillait vient de le trahir. On lui a tout pris – y compris sa compagne, avec laquelle il coulait des jours heureux – et on l'a laissé pour mort. Mais il lui restait encore un souffle de vie... Voilà en gros le synopsis de ce beat'em all inspiré par les Pulps américains des années 40 et 50, mais aussi par le cinéma de Robert Rodriguez et de Quentin Tarantino, car Shank trimballe à l'évidence son look de Sioux, sa classe animale et sa soif de vengeance quelque part entre Desperado et Kill Bill.
Loin du design cartoon naïf dont on affuble régulièrement les jeux 3D en manque de polygones, Shank bénéficie d'une esthétique de comic-book adulte et très travaillée. On est en droit de rester de marbre devant les cut-scenes, dont le traitement minimaliste (et discutable) évoque la technologie flash. Mais une fois en jeu, le rendu visuel est un véritable ravissement pour les yeux les plus blasés. Les personnages, réalisés dans un style moderne et très coloré, contrastent volontairement avec les décors en 2D monochromes, dont le réalisme s'appuie sur une imagerie typique des livres d'histoire américains, le tout mis en valeur par des arrière-plans de toute beauté, des effets d'ombre et de lumière très réussis, ainsi que de généreuses gerbes de sang dans l'esprit excessif du titre. L'animation n'est pas en reste : soignée et particulièrement fluide, elle sert admirablement la nervosité du gameplay. L'ensemble est porté par une bande-son parfaitement adaptée, qui fait la part belle aux cordes en alternant gros rock bien lourd, folklore mexicain et riffs contemplatifs.
Voilà un terrain de jeu sublime pour Shank, qui doit affronter de multiples hommes de main, s'acquitter de quelques séquences de plates-formes et dessouder plusieurs boss, tout au long d'une douzaine de niveaux qui se succéderaient sans vous laisser souffler si ce n'étaient ces temps de chargement un peu longuets. Pour se défaire de ses nombreux adversaires, votre héros dispose d'une palette de coups très étoffée : une frappe de base au couteau, une frappe lourde à l'arme blanche (machette, sabre, chaîne, tronçonneuse... acquises au fur et à mesure de la progression), une arme à feu (pistolets, fusil à pompe, uzi...), des grenades, sans oublier la possibilité de sauter, de parer, d'attraper un ennemi ou de le tabasser rageusement au sol. Vous pouvez également réaliser des enchaînements dynamiques et particulièrement fun en alternant différents coups les uns après les autres. Enfin, quelques combos bien sympathiques sont à disposition : attraper un bad guy pour lui faire avaler une grenade, voilà qui est aussi jouissif que sadique !
Hélas, si on se plaît à profiter de la panoplie d'actions offertes, c'est plus souvent pour le style que pour l'efficacité, car elle ne rend pas le jeu forcément très subtil. Les affrontements ne manquent pas de pêche, mais ils manquent de technicité, et se révèlent assez confus dès qu'il y a pléthore d'ennemis à l'écran. On est souvent tenté de massacrer un même bouton, étant donné que ça fonctionne un peu trop bien. Qui plus est, difficile de passer sous silence les petites errances de jouabilité, dues pour certaines au parti pris old-school du titre. Passer à travers un adversaire sur lequel on était en train de taper (ce qui oblige à se retourner), frapper un ennemi hors cadre quand le scrolling s'interrompt, lâcher dans une direction un coup qu'on souhaitait donner dans l'autre : voilà des petits travers qu'on aimerait bien ne plus voir en 2010. Enfin, s'il est permis d'apprécier l'aspect délicieusement bourrin des combats et de s'accommoder de leur manque de précision, il reste qu'ils se montrent bien trop répétitifs, la faute à des adversaires et à un level design qui ne se renouvellent pas assez.
Bref, si la réalisation de Shank est au-delà de tout reproche, c'est avec d'autant plus d'amertume qu'on se rend compte que le gameplay est un peu en deçà. Pour ne rien arranger, il souffre d'une difficulté mal dosée : on joue une demi-heure sans rencontrer de véritable résistance, puis on tombe sur un boss vicieux, susceptible de nous tenir occupés un petit moment. Les phases de jeu punitives restent toutefois extrêmement rares et l'aspect plates-formes ne pose pas le moindre problème puisque les sauts sont guidés et que l'action ralentit à chaque passage délicat pour vous permettre de le négocier facilement. Le pire, c'est que Shank est increvable, ce qui nuit au challenge en mode normal où les checkpoints sont légion. Le jeu vous offrira toutefois de 3 à 4 heures de jeu en solo, une durée de vie honnête pour un jeu téléchargeable. De plus, un mode deux joueurs en coopération vous permettra de rentabiliser les 15 euros ou 1200 MS points demandés. En dépit de ses quelques défauts, Shank mérite donc votre intérêt, ne serait-ce que pour ses incroyables qualités artistiques.
- Graphismes18/20
Tout simplement somptueux. Si l'on excepte le design discutable des cut-scenes, tout le reste est en état de grâce : le style inimitable des décors, le rendu des personnages et l'animation jamais prise en défaut. Le jeu se paie même le luxe, à l'occasion, de vignettes incrustées dans le décor.
- Jouabilité14/20
On ne peut nier que le gameplay est aussi classique que limité et que la jouabilité se montre parfois un peu confuse. Mais la profusion d'armes et la possibilité d'enchaîner les coups avec un dynamisme certain rendent le jeu particulièrement défoulant, et c'est bien ce qu'on lui demande.
- Durée de vie11/20
Les douze niveaux de l'aventure solo vous procureront entre trois et quatre heures de jeu, une durée de vie acceptable qu'un challenge plus constant aurait largement permis de booster. Même s'il est bridé, le mode coopératif permet de prolonger agréablement l'expérience.
- Bande son16/20
Les thèmes musicaux, somptueux, ont le mérite de se montrer variés tout en restant dans le ton. Les bruitages ne manquent pas d'impact, mais on regrette tout de même que les savoureux excès visuels en matière de violence n'engendrent pas la même démesure au niveau sonore.
- Scénario13/20
S'il faut reconnaître que le scénario tient sur une feuille de papier à cigarette, il faut tout de même louer les efforts déployés par la narration pour rester dans le thème du comic-book. On déplore toutefois que les cut-scenes ne bénéficient d'aucun doublage ni même d'aucun sous-titrage.
Shank est un beat'em all nerveux et particulièrement défoulant, servi par une esthétique sublime. C'est même un des plus beaux jeux en 2D qu'on ait eu le loisir d'apprécier depuis longtemps. Hélas, ses combats peu techniques et vite répétitifs nous poussent à mettre en garde les adeptes du genre, qui n'y trouveront pas grand intérêt. On le conseillera d'avantage aux amateurs de trips épiques et barrés sur fond de violence outrancière et de couchers de soleil, à ceux-là même qui prennent leur pied à regarder un Robert Rodriguez en ayant bien conscience que c'est pas le film du siècle.