Le moins que l'on puisse dire, c'est que le monde du MMORPG est loin d'être encombré sur consoles portables. Proposer un jeu du genre sur iPhone paraît donc être un pari pour le moins osé, pourtant la petite équipe de Moving Player s'est ardemment attelée à la tâche pour nous proposer un monde persistant en constante évolution.
Cela pourrait faire sourire, mais c'est bien un MMO sur iPhone dont il est question avec Yslandia. Certes, des titres plus modestes et de qualité discutable sont déjà présents sur le support (on retiendra par exemple IMO : The World of Magic) mais aucun ne nous aura laissé un souvenir impérissable. C'est là qu'Yslandia entre en jeu. Le concept est on ne peut plus simple, deux factions s'opposent : la coalition de Zaa'me et l'alliance des Simeh'a. Pour chacune d'entre elles, 9 classes de personnages sont disponibles. Du classique paladin au prêtre, en passant par l'assassin, le nécrophage ou encore le gardien (une sorte de mage), il y en a pour tous les goûts. En tout, ce sont donc 18 classes différentes qui s'offrent au joueur, chacune d'entre elles possédant des caractéristiques et surtout des compétences qui lui sont propres. Celles-ci sont au nombre de 4, ce qui peut sembler très faible, mais un joueur peut apprendre d'un partenaire toutes les compétences de toutes les classes de sa faction, ce qui laisse des possibilités assez impressionnantes de combinaisons. Seul regret : on gagne un point d'apprentissage tous les dix niveaux, se constituer une barre de compétence puissante et capable de faire face à toutes les situations est donc particulièrement fastidieux.
Au niveau de la trame principale, on n'échappe pas, une nouvelle fois, à la sempiternelle bataille entre les gentils et les méchants. Cela dit, cette opposition entre les Zaa'me et les Simeh'a offre des perspectives intéressantes. Il est par exemple possible d'aller sur l'île ennemie, que ce soit simplement en éclaireur ou bien pour affronter les joueurs adverses. D'ailleurs, s'en prendre à la faction ennemie devient vite jouissif et change radicalement du monster bashing (c'est-à-dire tuer des centaines de monstres à la chaîne pour espérer gagner un niveau) qui, saluons l'effort, n'est pas au centre du jeu. Les niveaux se passent rapidement, à l'heure où nous écrivons ces lignes le niveau maximal est de 25, cela dit il n'y a pas vraiment de limite et en gardant l'expérience offerte par les quêtes pour la fin, on trouve déjà des joueurs de niveau 27-28. Cette limite augmentera au fur et à mesure, avec la sortie de futures extensions. Bon point, les quêtes sont plutôt variées. Rassurez-vous, seuls 10% d'entre elles au grand maximum vous demanderont de tuer 10 ennemis bien précis. En revanche, la plupart consistent simplement à aller apporter tel ou tel objet à un PNJ à l'autre bout de la map. Heureusement les dialogues, bien écrits et bourrés d'humour, n'alourdissent aucunement la chose.
Techniquement, Yslandia ne s'en sort pas trop mal pour peu que l'on prenne conscience des limites techniques du support lorsqu'une cinquantaine de joueurs apparaît à l'écran. Pas question de rivaliser graphiquement avec un Chaos Rings, et le soft nous fait plus penser à un Dofus ou à un Slayers Online amélioré. Rien d'exceptionnel donc. Toutefois, cela ne nous empêche pas de saluer le travail artistique fourni, les environnements des trois îles (une pour chaque faction et une pour les joueurs de "haut" niveau) actuellement disponibles étant globalement réussis. Les paysages sont jolis, tout comme nos personnages, et on regrette qu'il soit impossible de modifier leur apparence en équipant de nouvelles armes et armures. Un manque de personnalisation qui devrait, nous l'espérons, être comblé dans une prochaine mise à jour. Notons aussi que le jeu propose un système de donjons aléatoires assez bien conçu. Enfin, et c'est assez rare pour le signaler dans un jeu portable, la bande-son est de qualité. Sans être mémorables, les musiques se laissent écouter et on n'en vient pas à couper le son même lorsque l'on joue durant des heures.
Autre grande nouveauté, le système de procuration. Il est possible de prendre le contrôle d'un, voire de deux personnages de votre guilde qui vous autorisent cette fonction, afin de vous aider en combat. Comme il est parfois difficile d'aller affronter seul des groupes d'ennemis d'un niveau équivalent ou légèrement supérieur au sien, l'idée est excellente. Car cela permet aussi de palier au manque de joueurs très fréquent dans ce genre de jeux, notamment quand vous voulez réaliser des quêtes qui n'intéressent personne ou tout simplement qu'il n'y a pas grand monde là où vous avez décidé d'aller. Une idée qui devrait être reprise dans nombre de MMO sur PC tant elle est innovante et peut permettre de faire une multitude d'actions que l'on n'aurait pas pu imaginer si l'on avait été seul pour de bon.
Jusqu'ici le bilan s'avère donc positif et on pourrait se dire que le contrat est rempli. Yslandia souffre pourtant de quelques défauts majeurs, dont certains, on le souhaite, ne devraient pas perdurer. En premier lieu, les lags et plantages sont assez fréquents. En outre il n'est pas rare qu'un sort s'active près d'une seconde après avoir cliqué (enfin, tapé, on est sur iPhone) dessus. Rien de dramatique pourrait-on se dire, mais là où ce décalage importe peu lorsque l'on se cantonne à tuer des monstres, il prend tout son sens dans les sessions PvP. Heureusement (ou malheureusement, c'est selon), le gameplay du jeu est relativement simpliste même si les compétences de chaque classe rendent le tout un peu plus complexe. Il suffit de cibler un ennemi, d'ordonner à notre personnage d'attaquer, et de laisser faire... Bien sûr, rien n'empêche d'utiliser ses compétences en plein combat, mais ne vous attendez pas à des affrontements frénétiques et bourrins à souhait comme dans un Zenonia 2 par exemple. Là encore il faut prendre en compte le fait que l'on est sur un support limité, et un gameplay particulièrement rapide n'aurait pas pu être imaginable en PvP où des dizaines de joueurs s'entretuent, le tout aurait alors été beaucoup trop brouillon et confus. Mais on n'aurait pas craché non plus sur un peu plus de pêche dans les bastons.
La sortie mondiale d'Yslandia est prévue pour début septembre, même si à l'heure actuelle, pas mal de pays européens peuvent en profiter (France, Belgique, Allemagne, ...) et est complètement multilingue. Pour les pirates qui voudraient s'y adonner avant l'heure, ce n'est pas un ban rédhibitoire mais une transformation en poulet qui les attend, une petite farce de bonne augure, surtout pour les joueurs honnêtes qui s'en donneront à coeur joie de chasser du volatile. Une idée qui retrace à elle seule l'humour et la fraîcheur qui se dégagent du titre. Gageons que de nombreuses améliorations seront régulièrement ajoutées, d'autant plus que l'équipe de développeurs (française, s'il vous plaît !) est motivée et se donne à fond sur son petit protégé. Terminons avec la communauté, après tout c'est devenu un élément majeur dans un jeu de ce genre. Bonne surprise, l'entraide est très présente, les développeurs sont très proches des joueurs et à l'écoute de toutes leurs remarques. Dans sa globalité, Yslandia semble pour le moment peuplé de personnes relativement matures, ce qui laisse augurer du meilleur sur le long terme.
- Graphismes14/20
Soyons clairs, Yslandia n'a rien d'une démonstration technique, si ce n'est le fait de proposer un monde persistant d'une certaine cohérence sur un support aussi inattendu qu'un smartphone. Pour autant, le character design tient la route, et les environnements traversés ne sont pas en reste. Les intérieurs sont également soignés et l'interface est bien conçue. Pour un MMO "de poche", le soft s'en sort donc assez bien.
- Jouabilité14/20
Malgré les nombreuses compétences disponibles, le gameplay reste assez sommaire. Il ne dépaysera pas les habitués à un Slayers Online ni même à un Dofus, on reste ici dans du (très) classique. Cependant, on apprécie le grand nombre de classes disponibles, et le PvP, prometteur, se révèle bien plus technique qu'il n'y paraît initialement. Aussi, l'interface est bien conçue et le système de chat efficace.
- Durée de vie16/20
Une bonne dizaine d'heures sera nécessaire pour atteindre le niveau maximal actuel, une fois ce grade atteint tout dépendra de ce que vous recherchez sur un MMO. Jouer avec votre guilde, faire des sorties dans les donjons, aller affronter la faction adverse ou simplement atteindre le sommet du classement mondial en PvP, tout est possible dans Yslandia. D'autant que l'équipe en charge de la communauté, très présente, propose des mini-jeux pratiquement tous les jours. Enfin, facturé 3,99€, le jeu évoluera régulièrement par le biais d'extensions proposées (théoriquement) à 79 centimes. Vous devriez donc y trouver votre compte.
- Bande son15/20
Bruitages sympathiques, musiques douces mais adaptées à l'ambiance du jeu, Yslandia ménage l'oreille de ses joueurs et évite la profusion de musiques répétitives que l'on s'empresse de couper dès qu'on lance le jeu.
- Scénario10/20
Fortement mis en scène sur le site officiel, le scénario n'est pourtant qu'un prétexte à aller régler ses comptes avec les joueurs de la faction adverse. On déplore l'absence d'une quête principale, avec, pour rester dans le classique, un boss final. Yslandia apparaît donc comme une succession de quêtes secondaires assez sommaires. Dommage que cet aspect n'ait pas été plus choyé au regard du reste. Heureusement, ces mêmes quêtes sont bien écrites et truffées d'humour.
Bien sûr, la note inclut le fait que l'on soit sur un support nouveau pour les MMO et il convient de saluer la performance car le pari était osé. Pour les amateurs du genre qui ne sont pas particulièrement exigeants, Yslandia propose en effet une expérience de jeu sympathique et qui mérite le détour, d'autant qu'à son prix compétitif (moins de 4 euros) et sans abonnement, il serait dommage de ne pas se laisser tenter. Fonctionnant en Wi-Fi comme en 3G, Moving Player nous propose donc un "Meuporg" très correct qui n'a aucunement la prétention de rivaliser avec les ténors du genre sur PC mais qui dispose de suffisamment d'atouts pour convaincre la majorité des joueurs. Le premier étant sans doute de se plonger dans l'aventure dans une mobilité totale, qui laisse au joueur la possibilité de se connecter n'importe où, n'importe quand. Dans l'immédiat, on peut reprocher au soft son gameplay un peu simpliste et poussif mais limité par le support, et des bugs et plantages encore trop fréquents même si l'ensemble est sur la bonne voie de ce point de vue (une mise à jour en corrigeant une grande partie serait en attente de validation par Apple). Yslandia reste néanmoins une agréable surprise, car dans tous les cas, il n'a rien d'un MMO au rabais.