Chaque console de jeu sortie à ce jour possède son lot de jeux « cultes », inéluctablement liés à la machine qui les a vus naître, ainsi qu’au cœur des joueurs qui s’y sont essayés. Et, bien que l’on ne puisse pas dire que la Saturn brille par la quantité de titres qui composent sa ludothèque, la qualité de nombre de ces jeux suffit amplement à faire valoir les qualités intrinsèques de la machine de Sega. C’est dans ce cas de figure que l’on retrouve Nights, un jeu conceptuel envoûtant et terriblement attachant, sa simple évocation provoquant un accès de mélancolie à toute personne y ayant goûté. Après toutes ces années, le jeu a-t-il su conserver tout son charme ? Le personnage qui a réussi à évincer Sonic de son rôle de mascotte parvient-il toujours à nous immerger dans son monde onirique, ou ce dernier a-t-il aujourd’hui tourné au cauchemar ?
Tout commence quand Claris et Elliot, deux jeunes bambins respectivement friands de chant et de basket-ball, rencontrent des difficultés dans l'accomplissement de leur loisir favori. Elliot perd en effet un match de basket alors que Claris ne réalise qu'une piètre performance lors d'une importante séance d'audition. Le soir venu, c'est le cœur empli de honte et de chagrin qu'ils rejoignent leurs draps et s'endorment, sombrant aussitôt dans d'horribles cauchemars relatant leur triste expérience de la journée. Heureusement, alors que nos deux chérubins s'enfoncent dans les obscurs méandres de leurs tourments, une lueur d'espoir apparaît et les guide vers le monde des rêves. Ce monde, représentant ce qu'il y a d'enfoui au plus profond d'eux-mêmes, les meilleurs moments comme les pires, sera le témoin du combat de Claris et d'Elliot contre la peur, la tristesse et le désespoir. Hé oui, la où n'importe qui aurait rassuré ces jeunes en leur disant « Ce n'est rien, tu as simplement eu une sale journée », le créateur de Sonic a dit « Stop, c'en est assez ! Il est temps d'affronter ses peurs et d'en faire un jeu vidéo féerique, comme il n'y en a jamais eu auparavant ! ».
Et pour ce faire, la Sonic Team a mis le paquet ! Le jeu repose en effet entièrement sur la volonté de ses concepteurs de donner au joueur l'impression de voler, de s'évader au pays des songes. L'aventure est ainsi divisée en sept niveaux distincts, trois par personnage en addition d'un dernier, commun aux deux protagonistes. Chaque niveau représente un paysage onirique, où les arbres poussent dans le ciel, les lucioles illuminent la nuit et des montagnes russes traversent les vallées. Des affrontements contre les boss sont également présents en fin de niveau, laissant souvent place à des séquences de gameplay particulières. À sa sortie, le jeu se vantait d'afficher de magnifiques graphismes 3D couplés à des effets spéciaux révolutionnaires, comme le reflet de Nights dans l'eau ou la déformation à volonté du décor dans le « Soft Museum ». Une manette équipée d'un stick analogique a même été créée pour accompagner la sortie du jeu, afin que le joueur vive une expérience optimale.
En pratique, chaque niveau se présente comme un environnement ouvert où votre protagoniste est libre de se déplacer en trois dimensions. L'intérêt de ces balades n'est cependant pas très grand et se résume à la gestion de bestioles que l'on peut plus ou moins élever, à la manière des « chaos » de Sonic Adventure 1 et 2. La partie ne commence réellement qu'à votre rencontre avec Nights, un étrange personnage habitant le monde des rêves avec qui vous pouvez fusionner et ainsi acquérir le pouvoir de voler. Dès lors, le gameplay change radicalement et vous soumet des déplacements en deux dimensions, toujours dans des décors 3D. Les mouvements à votre disposition sont d'une extrême simplicité ; il suffit d'enfoncer une direction du pad analogique pour voir votre personnage s'y diriger. Voilà, inutile d'en savoir plus pour terminer quelques niveaux ! Bon, d'accord, il est également possible d'accélérer vos déplacements, bien que cela nécessite l'utilisation d'une jauge alimentée par les points de score que vous générez. Terminer un niveau demande de ramasser vingt « blue chips » et d'ensuite revenir au point de départ de chaque parcours, un niveau étant composé de quatre de ces derniers.
Seulement voilà, une fois l'aspect de promenade au pays des rêves mis à part, où est l'intérêt de jouer à déplacer un bonhomme à l'écran à la recherche de petites boules bleues ? Aucun, excepté le score. Hé oui, votre personnage ne dispose pas d'une barre d'énergie mais seulement d'un chronomètre indiquant le temps qu'il vous reste pour accomplir vos objectifs. La rencontre avec un des rares ennemis du jeu le diminuera de cinq secondes. Finir les niveaux est donc un jeu d'enfant et la lassitude risque fort de s'emparer de vous, particulièrement si vous ne voyez pas d'intérêt à établir des records de scores. Cependant, si au contraire vous aimez ça, les choses sérieuses commencent ici. Les parcours sont remplis de toutes sortes de moyens de générer des points : des anneaux à travers lesquels passer, des étoiles à ramasser et un tas d'autres objets propres à chaque niveau. Rajoutez à cela un système de combos demandant d'enchaîner les gains de scores le plus vite possible et vous obtenez un jeu au gameplay pointilleux demandant une étude minutieuse des différents passages à risque composant les niveaux. Une fois le système de score pris en main, la chorégraphie suivie par Nights devient un intérêt en soi, tant les figures effectuées viennent ajouter de la magie à un jeu qui n'en manque pas.
Côté défauts, on retrouve quelques classiques propres au vieillissement des titres 3D des consoles 32 bits : pixellisation à outrance, angles de caméra capricieux et problèmes d'orientation sont en effet de la partie. Les graphismes souffrent aujourd'hui des qualités dont se vantait Sega à l'époque ; les décors sont riches en détails, les items nombreux à l'écran et la pléthore d'informations sur l'état de vos combos vient alourdir considérablement votre travail de décryptage de l'action. De plus, la caméra placée à 90° du plan où l'on se déplace empêche toute anticipation de l'action de la part du joueur, on aurait apprécié qu'elle se situe légèrement à l'arrière du personnage, histoire de voir vers quel obstacle on se dirige. Finalement, on a parfois du mal à s'y retrouver et il n'est pas rare de se demander ce qu'il se passe concrètement devant nos yeux. Cependant, l'habitude aidant, ces défauts techniques, somme toute assez mineurs, finissent par disparaître pour laisser entrevoir le travail d'artiste que sont certains moments mémorables de la progression.
- Graphismes16/20
Un gros travail a été effectué de ce côté-là, les environnements traversés sont vastes, l’action est à la fois rapide et fluide et le thème du voyage au pays des rêves laisse place à des décors splendides et variés. L’ensemble a cependant vieilli et la magie n’opère plus vraiment, nos yeux sont régulièrement agressés par la pixellisation et l’action a tendance à être un peu confuse. Reste à voir si vous pouvez vous accoutumer à tout cela pour découvrir le monde enchanteur qui se cache parmi tous ces pixels.
- Jouabilité16/20
Nights est entièrement basé sur la simplicité des commandes mises à votre disposition : on déplace le protagoniste à l’écran de façon à passer à travers des anneaux ou former des cercles autour des items pour les ramasser. On y adhère ou on trouve ça rasoir, le tout dépendant principalement de votre capacité à tirer du plaisir d’un parcours bien chorégraphié, rapportant un bon score. La caméra parfois embêtante mise à part, les commandes répondent bien et on ne peut pas se plaindre d’un éventuel manque de précision du personnage.
- Durée de vie13/20
En ligne droite, il n’y a que sept niveaux à terminer pour voir la fin du titre. C’est très peu, surtout en regard de la longueur de ceux-ci. À partir de cela, tout dépend de votre aptitude à accrocher au gameplay si unique du jeu. Vous pourriez aussi bien abandonner votre manette en plein milieu d’une partie que recommencer encore et encore un même niveau jusqu’à le connaître par cœur afin d’en tirer les meilleurs scores. Il est également possible de débloquer un mode de jeu où deux joueurs s’affrontent à coups de cercles tracés dans les airs, l’intérêt y est limité et ne vous tiendra pas longtemps en haleine.
- Bande son17/20
Mythique, le thème principal du jeu résonne encore dans l’esprit des fans, il a même été repris plusieurs fois dans différents autres titres de Sega par la suite. En ce qui concerne le reste de la bande-son, elle se situe dans un répertoire léger et bon enfant, dans le but de conserver une ambiance féerique tout au long du jeu. Le résultat est convaincant et c’est un plaisir de voyager les yeux fermés dans cet univers enchanteur. Notez finalement que le thème accompagnant votre affrontement face à Reala, une sorte de rival de Nights, est tout simplement magistral !
- Scénario/
Claris et Elliot affrontent leurs peurs dans le monde des rêves afin d’en sortir grandis. Cela semble s’adresser aux plus jeunes mais d’un autre côté, le scénario n’est présent qu’au travers de la scène d’introduction, on joue sans se poser de question de ce côté-là.
Difficile d’attribuer une note en toute impartialité à un tel jeu. D’un côté, il est considéré comme culte par un bon nombre de joueurs mais a par ailleurs souffert d’un vieillissement assez flagrant. Une part de la magie des voyages oniriques de l’époque a disparu, évincée par des défauts graphiques. Cependant, il suffit de passer outre cet aspect pour découvrir un jeu enchanteur, ne serait-ce que grâce au potentiel illimité offert par son gameplay, pourtant très basique. Ce que l’on consacre à l’investigation des possibilités offertes par ce titre, Nights le rend au quintuple, surtout si vous êtes fan de scoring. Finalement, il serait vraiment dommage de passer à côté du titre qui a donné son image de marque à la Saturn pour des raisons graphiques, l’expérience de jeu qui s’en dégage étant tout simplement unique.