Si tous les amateurs de tactical-RPG vénèrent la magnifique série des Shining Force, ils ne connaissent pas toujours forcément le jeu qui servit d’introduction à la célèbre saga. Même s’il est d’un tout autre genre, il vaut pourtant largement un coup d’œil attentif.
1991… Sega sort Shining in the Darkness, un petit jeu sans prétention qui sera pourtant la base d'une série connue et reconnue. Il s'agit d'un dungeon-RPG, à première vue classique, dans l'esprit d'un Eye of the Beholder paru à peu près en même temps sur PC et Amiga. La différence principale entre les deux jeux vient du fait que ce premier Shining sur Megadrive a bien entendu une approche plus japonaise du jeu de rôle, comme nous le verrons plus loin. Intéressons-nous en premier lieu au scénario. Tout va pour le mieux dans le royaume de Thornwood, jusqu'au jour où disparaissent votre père, chevalier le plus réputé du royaume, ainsi que la princesse Jessa, la charmante fille du roi. Un certain Dark Sol (qui, à bien des égards, semble curieusement avoir emprunté beaucoup au célèbre Dark Vador de Star Wars) fait alors une soudaine apparition et revendique ouvertement l'enlèvement des deux disparus ! Comme le royaume de Thornwood n'est pas grand puisqu'il est constitué d'un petit palais royal, d'un petit village, et d'un immense donjon labyrinthique infesté de monstres, le roi, après mûre réflexion, a donc logiquement envoyé toutes ses troupes dans le labyrinthe à la recherche des otages… sans succès.
C'est donc à vous, jeune chevalier prometteur, que le souverain fait appel aujourd'hui afin de retrouver votre père et la princesse. Vous êtes leur dernier espoir et devez réussir là où les autres ont échoué. Pour ce faire, le roi vous octroie une bourse que vous aurez vite fait de dépenser, non pas contre de l'hydromel à la taverne du coin, mais plutôt aux magasins d'armes et d'armures, ou chez la séduisante alchimiste qui vous fournira en herbes revigorantes et autres décoctions magiques. Néanmoins, vous pourrez toujours vous reposer plus tard à la taverne et y écouter les récits des habitués. Quant à l'église, vous pourrez y sauvegarder votre partie, ressusciter les membres de votre équipe et guérir de divers états d'altération, de l'empoisonnement aux malédictions. Mais pour le moment, vous êtes seul, et après avoir fait le tour du petit mais ô combien accueillant village, vous vous dirigez d'un pas décidé et les mains moites vers le terrifiant dédale.
On se retrouve alors face à un pur représentant du genre dungeon-RPG. La vue subjective vous place directement dans la peau du personnage et vous n'avez plus qu'à déambuler au gré des corridors terriblement alambiqués. Et comme dans tout bon dongeon-RPG qui se respecte, il est fortement conseillé de cartographier le moindre couloir visité au risque de vous perdre et de finir en pâture aux différents monstres qui grouillent littéralement dans l'édifice. En effet, ces derniers peuvent surgir aléatoirement à chacun de vos pas. Les combats sont donc fréquents, trop fréquents peut-être… Par conséquent, les débuts de votre aventure seront difficiles et il vous faudra souvent rebrousser chemin avant d'avoir perdu tous vos points de vie, afin d'aller vous refaire une santé en passant une nuit à la taverne et d'aller sauvegarder votre partie à l'église. Votre progression n'en sera que plus lente, mais fort heureusement vos deux amis Milo l'apprenti prêtre et Pyra l'apprentie magicienne viendront bien vite vous rejoindre dans votre quête, ce qui rendra tout d'un coup votre tâche bien plus aisée. Les coffres que vous croiserez en chemin renferment eux aussi de quoi vous aider dans votre tâche.
Attention tout de même à certains coffres contenant des monstres assez vicieux ! Le bestiaire se renouvelle fréquemment au cours de l'aventure, et même si certaines créatures changent seulement de couleur selon leur niveau, de nouvelles apparaissent tout de même régulièrement. Les combats se déroulent de façon classique, au tour par tour façon RPG japonais : vous choisissez pour chacun de vos protagonistes l'attaque, la défense ou encore l'utilisation d'un sort magique ou d'un objet de l'inventaire puis chaque round se déroule automatiquement conformément à vos choix, et l'ordre des actions dépend de la compétence « vitesse » de chaque personnage et ennemi. Le tout se déroule donc de façon cohérente et les experts ès RPG ne seront pas dépaysés. Petite caractéristique particulière tout de même : les adversaires apparaissent le plus souvent par groupes et dans ce cas vous ne pouvez pas attaquer un individu mais vous êtes obligé d'attaquer le groupe entier, c'est le hasard qui va décider du monstre touché au sein du groupe visé. C'est une bonne idée qui va donner un petit côté tactique non négligeable à votre stratégie d'attaque.
L'interface pour sa part, est un modèle de clarté et de simplicité. Entièrement à base d'icônes explicites, elle sera reprise plus tard pour tous les volets de Shining Force. De même, l'incroyable chara-design et d'ailleurs tout l'univers du jeu préfigure déjà de ce que sera cette magnifique saga. Difficile de décrire tout le soin dont semble avoir bénéficié le jeu ! Par exemple, le thème musical que l'on entend discrètement dans le village s'intensifie lorsque l'on entre dans la taverne, donnant véritablement l'impression que la musique vient de ce haut lieu de débauche. Ou encore, lors de vos emplettes, les différents commerçants auront des mimiques amusantes comme le nain marchand d'armes qui semble perdre son équilibre en grimaçant pendant que vous sélectionnez les articles que vous voulez lui vendre. Le jeu ne manque donc pas d'humour non plus, comme vous le confirmeront certaines séquences qui se déclencheront au cours de votre quête. Dans ces conditions, difficile de trouver au titre des points négatifs ! Les graphismes, bien qu'ils n'aient rien d'extraordinaire sur le plan technique, sont très corrects et assurément charmeurs.
On peut toujours reprocher aux environnements de manquer de variété, mais c'est un défaut inhérent au genre et il eût été difficile d'articuler le jeu autrement. De même, les musiques sont brillantes, et même si elles s'avèrent un peu répétitives à la longue, il est difficile de les trouver réellement lassantes. La durée de vie de son côté est tout à fait honorable : il vous faudra tout d'abord terminer quatre souterrains nommés Force, Courage, Vérité et Sagesse pour prouver votre valeur avant de vous attaquer vraiment aux quatre autres étages du labyrinthe proprement dit. Il s'agit déjà d'une belle mise en bouche qui vous occupera un bon moment ! Un nouveau marchand fera alors son apparition au village pour vous proposer des items plus puissants et quelques services comme la réparation d'objets magiques (qu'il faudra utiliser avec parcimonie sous peine de les voir se détruire définitivement), ou encore la création de nouvelles pièces d'équipement sur mesure à partir de minerai de mithril ou de lingots de puissante mais maléfique matière noire.
Vous l'aurez compris, Shining in the Darkness est un très bon jeu qui s'adresse potentiellement à un large public : les fans de la série Shining Force en premier lieu, mais aussi aux adulateurs de RPG « old school », ainsi qu'aux amateurs de jeux d'exploration de donjons du genre de Dungeon Master ou autres Eye of the Beholder et Might and Magic. Les quelques défauts de répétitivité du titre sont indubitablement dus à son genre et ne font aucunement ombrage à la richesse, la beauté et l'humour du jeu. A découvrir (ou redécouvrir) de toute urgence !
- Graphismes17/20
Bien plus que l’aspect technique, très correct au demeurant, c’est le design des environnements et surtout des personnages qui séduit. Le royaume de Thornwood est fortement charismatique et on sent aisément que le titre, tout comme ses successeurs de la saga Shining Force, a bénéficié d’un grand soin sur le plan artistique.
- Jouabilité17/20
Difficile de faire plus simple que le système d'icônes utilisé par l’interface et dans les quelques menus du jeu. La prise en main est immédiate car les combats se déroulent de façon on ne peut plus classique pour un RPG japonais de cette époque, à quelques petites particularités près vite assimilées. C’est une très bonne chose qui sied particulièrement à ce genre de titres car la recette est aussi simple qu’efficace et personne ne sera désorienté. Petit bémol peut-être pour la fréquence des combats mais encore une fois, il s’agit d’une constante propre aux RPG nippons qui ne rebutera pas les mordus du genre.
- Durée de vie15/20
Le jeu paraît tantôt difficile, tantôt facile selon les événements, les armes équipées et les lieux traversés. Certains boss et monstres un peu atypiques s’avèrent souvent étonnamment coriaces par exemple. Faire du leveling à outrance n’est pas obligatoire mais peut donner un avantage non négligeable, la difficulté étant globalement bien dosée et les combats assez nombreux pour ne pas rendre le titre trop facile. Parcourir et cartographier l’ensemble du dédale ne sera pas de tout repos et devrait vous prendre pas mal de temps.
- Bande son16/20
Les thèmes musicaux sont splendides et se retiennent aisément. On regrettera juste qu’ils ne se renouvellent que très peu tout au long de l’aventure. L’ambiance sonore est également fort sympathique même si elle aussi est peu variée.
- Scénario14/20
Bien qu'assez classique et n’évoluant peu, le scénario est bien amené par une mise en scène soignée. Vous aurez cependant droit à quelques rebondissements en cours de partie et surtout vers la fin du jeu…
Shining in the Darkness est un très bon jeu, aussi charismatique et plaisant que le seront ses successeurs de la série des Shining. Ses quelques rares défauts sont intimement liés au genre dungeon-RPG qu’il représente malgré tout avec honneur. Du tout bon, donc, pour un titre malheureusement assez peu connu du grand public qui mériterait au moins autant d’égard que ses illustres successeurs.