Depuis sa charge en filigrane contre la critique cinématographique dans La Jeune Fille de l'Eau (un film subtil et très sous-estimé), M. Night Shyamalan subit le mépris d'une presse qui, après en avoir fait le nouveau Spielberg, se plaît à traîner chacun de ses films dans la boue. Blockbuster sans éclat, son adaptation sur grand écran de la série animée Le Dernier Maître de l'Air n'est pourtant pas aussi infâme qu'on a pu le lire ici ou là. Ce sera, de toute façon, à vous de vous faire votre propre opinion. Une seule chose est sûre : le jeu issu du film, lui par contre, ne mérite en aucun cas la trentaine d'euros à laquelle il se monnaie. Probablement réalisé à l'arrache par THQ Australia, plus connu sous le nom de Blue Tongue Entertainment (de Blob), pour coller avec la sortie du long métrage, ce titre vient grossir la masse des adaptations vidéoludiques sans aucun intérêt.

Diffusée depuis 2005 à la télévision française, la série animée Avatar : Le Dernier Maître de l'Air nous conte les péripéties du jeune Aang dans un univers mystique aux accents orientaux. Successeur d'une longue lignée d'Avatars, il se réveille un jour d'un sommeil de 100 ans pour découvrir que l'ambitieuse Nation du Feu impose désormais sa loi aux trois autres civilisations élémentaires. Le précédent Avatar, garant de l'équilibre du monde, a été assassiné et les temples de l'Air ont été rasés. Le seigneur Sozin règne d'une main de fer sur ce qui fut jadis un monde prospère et harmonieux. Miraculeusement préservé par sa prison de glace, Aang comprend alors que le dernier espoir de rétablir la paix repose sur ses épaules. De son côté, Zuko, le propre fils du Seigneur Sozin, brûlé et exilé par son père pour avoir critiqué la décision d'un général, n'a plus qu'une idée en tête : capturer l'Avatar pour retrouver son honneur perdu. Très proche du film chronologiquement parlant, le jeu vous propose d'incarner alternativement Aang et Zuko, soit le héros de l'histoire et son ennemi juré.

Hélas, ce pitch aussi intéressant qu'original est sous-exploité : quel que soit le personnage contrôlé, on vous ressert tout au long des 10 niveaux, qui mêlent plates-formes et combat, une même formule basique et éprouvée (voire archaïque) qui consiste à parcourir des successions de salles en les vidant de leurs occupants ou bien en échappant aux pièges dont elles sont truffées (mais jamais les deux à la fois, et ne demandez pas pourquoi). Le rituel est invariable : vous pénétrez dans la salle et, pendant que le jeu sauvegarde automatiquement votre progression, un travelling plutôt gerbant vous révèle ce qui vous attend. Puis vous passez à l'action. Les séquences de combat vous dotent d'une palette de coups honnête : vous disposez d'une frappe de base, que vous pouvez enchaîner pour déclencher une attaque spéciale à exécuter en balançant la Wiimote dans la direction indiquée, mais également d'un pouvoir magique (rafale de vent pour Aang, boule de feu pour Zuko) ainsi que de sa version « chargée » déclenchable quand votre jauge d'énergie est suffisamment remplie.

Le problème, c'est que les affrontements ne représentent aucun challenge : le manque de réactivité de vos adversaires et la vitesse de rechargement particulièrement rapide de votre super-pouvoir les rendent même particulièrement faciles, sans compter que vous regagnez un peu d'énergie vitale pour chaque ennemi à terre. Vous allez pourtant les aligner jusqu'à plus soif tout au long du jeu, sachant que vos adversaires varieront fort peu (on vous ressert souvent les mêmes d'un niveau sur l'autre) et que l'utilisation possible du décor est très limitée (tonneaux explosifs, barrières destructibles... voilà tout). Les combats se montrent donc répétitifs et insipides. Et ce n'est pas l'aspect plates-formes, agrémenté de quelques énigmes, qui risque de relever le tout. Ainsi, les phases de saut seraient anecdotiques si le jeu ne vous imposait pas en permanence un irritant recentrage manuel de la caméra à la croix directionnelle. Quant aux énigmes, elles prennent la forme de mécanismes vus et revus, comme ces inévitables interrupteurs à activer au moyen de caisses mobiles.

Le Dernier Maître de l'Air bénéficie-t-il au moins d'une réalisation décente ? Loin s'en faut. Au niveau visuel, difficile de réprimer une moue de dépit devant la laideur des environnements, peu inspirés et affublés de textures dégueulasses, et devant le peu de soin accordé aux personnages, mal modélisés et extrêmement mal animés. On se dit que les développeurs ont manqué de temps, mais on a pourtant l'étrange impression qu'ils ont préféré se concentrer sur des fioritures plus ou moins utiles, comme les morceaux d'armure qui tombent à mesure que vous frappez un adversaire, la mise en scène matrixienne qui accompagne chaque attaque spéciale, ou encore les reflets, les effets de lens-flare, l'utilisation généreuse du Havoc... Bref, un maquillage inapte à masquer la pauvreté du game design. Seul l'aspect sonore relève véritablement l'ensemble : si les bruitages sont assez médiocres, la présence de la bande-originale de James Newton Howard et des doubleurs officiels du film sont un plus indéniable. Suffisamment pour faire l'acquisition du jeu ? Bien sûr que non !