S'enfilant dans la brèche ouverte par l'Odyssée du Roi Maudit, les slimes élevés au riz collant prennent à nouveau d'assaut l'Hexagone, reprenant avec fierté leur patronyme de « gluants ». Ayant déjà fait la joie des possesseurs de DS par le biais des remakes et des épisodes Monsters Joker, la grande famille des Dragon Quest a choisi la portable de Nintendo pour lancer son neuvième épisode numéroté.
Fort de son expérience en matière de développements de qualité sur DS (Professeur Layton, Ninokuni...), le studio Level-5 avait, rappelons-le, signé l'inoubliable huitième épisode de Dragon Quest sur PS2. L'Odyssée du Roi Maudit avait d'ailleurs servi d'ambassadeur pour faire connaître cette immense saga au public européen qui ne demandait qu'à rejoindre lui aussi les contrées magiques d'une série encore plus populaire que Final Fantasy au Japon. Fruit de la collaboration providentielle entre Yuji Horii (concepteur de la série), Akira Toriyama (character designer) et Koichi Sugiyama (compositeur), Dragon Quest IX s'offre en plus les talents de Level-5 pour nous prouver que, même sur une console portable, la saga n'a rien perdu de ses ambitions.
Bien que Dragon Quest IX reprenne une grande partie de ce qui caractérisait les précédents volets de la série, l'objectif de cet épisode n'en reste pas moins doublement ambitieux. Offrir sur console portable une aventure à la hauteur de celle que l'on a pu découvrir sur PS2 tout en insufflant dans la petite cartouche une nouvelle dimension multijoueur. Une grande première dans la série qui, non contente de proposer une quête solo passionnante et de longue durée, rajoute l'ingrédient qu'il fallait pour pimenter l'expérience de jeu afin de la rendre inoubliable. Par conséquent, même si le soft reste parfaitement équilibré pour une progression en solitaire, c'est bel et bien à plusieurs que l'on appréciera la véritable évolution offerte par ce neuvième volet. Pensé pour des parties jusqu'à 4 joueurs en local, Dragon Quest IX n'est certes pas jouable online mais le fait de pouvoir s'y adonner à plusieurs insuffle la dimension qui manquait à la série pour rendre les parties mémorables.
Le principe est à la fois simple et parfaitement bien pensé. A tout moment du jeu, vous avez la possibilité de vous téléporter au havre des aventuriers pour aller rejoindre un autre joueur dans son aventure, ou, à l'inverse, d'inviter vos amis à venir vous épauler dans votre propre quête. Vous êtes alors libre d'aller où vous le désirez, en suivant vos partenaires pour combattre en groupe ou en allant vadrouiller un peu plus loin. Afin de rendre le partage d'objets et d'expérience le plus équilibré possible, les développeurs autorisent les personnages du jeu à ouvrir le même coffre à tour de rôle et à s'échanger librement certains objets entre eux. En revanche, seul l'hôte de la partie pourra déverrouiller les coffres rouges et faire avancer son scénario. Le fait de pouvoir changer de job assez librement permet de constituer des groupes complémentaires et de les renouveler d'une partie à une autre. De plus, les attitudes sont un moyen amusant de communiquer dans le jeu à l'aide d'une gestuelle typée MMORPG. Enfin, les interactions entre les joueurs peuvent aussi se prolonger via un système de rencontres aléatoires permettant d'accueillir dans votre auberge jusqu'à 30 invités.
Bien sûr, tout est pensé pour que le joueur puisse poursuivre son aventure en solo dès qu'il le désire. On peut même faire tout le jeu en solitaire en créant soi-même ses compagnons de route via l'éditeur de personnages inclus dans la cartouche. Limité mais simple d'accès, celui-ci constituera d'ailleurs la première étape de votre quête, aucun héros par défaut n'étant proposé dans cet épisode. Le faire de pouvoir concevoir soi-même son équipe comporte bien des avantages, surtout au niveau du choix des classes, mais ne compense pas l'absence d'alliés possédant un véritable background et une identité, comme on pouvait en trouver dans les autres volets de la série. En toute logique, votre avatar principal sera donc le seul à intervenir durant les cut-scenes narratives, mais cela ne nuit pas outre mesure au développement de l'histoire. Bien qu'il soit un peu mis en retrait dans la dernière partie du jeu, le scénario nous donne à découvrir une histoire héroïque, romantique et enchanteresse, bien que régulièrement teintée de tragédies.
Les événements se déroulent dans un monde où les anges, appelés Célestelliens, veillent depuis toujours sur le Protectorat, la patrie des mortels, dans l'espoir de gagner un jour le droit de rejoindre le royaume du Tout-Puissant. Vous faites partie de cette communauté ayant élu domicile dans les cieux, au sein de l'Observatoire où trône majestueusement l'Yggdrasil, l'arbre sacré capable de produire les fyggs, des fruits de lumière qui sont la clef vers le saint royaume. Comme tous les Célestelliens, votre qualité de Gardien vous donne le droit de descendre parmi les mortels pour leur venir en aide à leur insu. En les protégeant au quotidien, vous pourrez recevoir de leur part une forme de reconnaissance appelée « bienvellessence », une énergie dont l'Yggdrasil a besoin pour donner ses fruits. Ainsi débute votre aventure jusqu'à ce qu'un événement imprévu vienne tout bouleverser. Dépossédé de vos ailes et de votre auréole, vous allez devoir partager le destin des mortels jusqu'à ce que vous parveniez à réunir les sept fyggs éparpillées de par le monde. Mais les Célestelliens, sentinelles du firmament, vous ont mis en garde contre ces humains trop enclins à la cupidité, au mensonge et au déshonneur. Qu'arrivera-t-il s'ils sont les premiers à trouver les fruits de lumière renfermant la puissance qu'ils convoitent tant ? Le destin vous a en tout cas choisi pour rejoindre les terres inférieures à bord de l'Orion Express afin de sauver les mortels du destin funeste qui leur est promis.
Contrairement à ce que l'on pouvait craindre de la part d'un épisode mettant en avant son multijoueur, Dragon Quest IX laisse une part réelle à la narration et nous émeut sur plusieurs dizaines d'heures de jeu. Les compositions musicales de Koichi Sugiyama confèrent à l'ensemble une majesté incroyable, même si les thèmes de boss et de combats sont en deçà de ceux du cinquième volet, par exemple. Si les routines de gameplay sont majoritairement conservées, on appréciera grandement le fait de voir les monstres évoluer sur le terrain, ce qui permet de contourner les moins vigilants d'entre eux. Mais s'il est possible d'éviter la plupart des combats lors des déplacements sur l'atlas, les monstres qui résident dans les donjons se révèlent souvent impossibles à semer. Toujours fidèles aux règles du tour par tour, les affrontements incluent quelques notions nouvelles dans la série, comme un bonus multiplicateur de combos qui augmente lorsque plusieurs membres du groupe attaquent à la suite, et un coup de grâce qui survient généralement pour vous permettre de retourner une situation désespérée. La tension, apparue dans le huitième volet, peut être utilisée une fois l'aptitude « accompagnement » débloquée. Elle permet de booster la puissance d'un attaquant pendant plusieurs tours pour porter des attaques destructrices.
Mais l'intérêt des combats réside avant tout dans la multitude de compétences et de magies propres à chacune des classes du jeu. Au commencement de l'aventure, votre personnage revêt le job de troubadour, une classe équilibrée qui a l'avantage de pouvoir recourir à des sorts offensifs et défensifs, tout en portant des coups non négligeables. Très vite, vous pourrez créer vos propres compagnons de route en choisissant librement leur classe et leur apparence physique. Notez que toutes les pièces d'armure et d'équipement qu'ils porteront seront visibles à l'écran, renouvelant ainsi le look de vos aventuriers à chaque modification de leur panoplie. Une fois parvenu à l'abbaye des vocations, la sainte maison des changements de job, vous pourrez librement changer la classe de chacun des membres de votre équipe, héros compris. Aux six jobs de base (troubadour, guerrier, magicien, prêtre, artiste martial et voleur) s'ajoutent six classes avancées qu'il faudra débloquer en accomplissant certaines quêtes optionnelles. Changer de classe a tout de même des conséquences importantes puisque, outre le fait d'obliger votre personnage à redémarrer au niveau 1, cela vous empêche d'utiliser toutes les aptitudes débloquées dans les autres jobs, à moins que celles-ci soient communes aux deux classes. Les sorts non plus ne sont pas conservés si vous changez de classe, et de la même façon il faut s'équiper d'une arme en particulier pour bénéficier des bonus qui sont liés à son maniement.
Même si les développeurs ont tout fait pour encourager les joueurs à tenter l'expérience en multi, soyez assuré que la longévité du titre est déjà énorme en solo. L'aventure principale n'a vraiment pas été négligée et s'étale sur une bonne quarantaine d'heures en ligne droite. A cela s'ajoutent un nombre hallucinant d'à-côtés qui passent par de très nombreuses quêtes optionnelles, sans compter celles que l'on peut télécharger en Wi-Fi. La connexion permet d'ailleurs de récupérer de nouveaux objets dans une boutique mise à jour régulièrement. On se demande presque si c'était vraiment nécessaire quand on voit le nombre incroyable d'éléments que l'on peut créer à l'aide de l'alchimie. En fouillant les bibliothèques des habitations vous trouverez régulièrement de nouvelles formules qui vous éviteront de réaliser vos recettes au petit bonheur la chance. Mais les matériaux les plus précieux sont souvent cachés aux quatre coins de l'atlas ; un bon prétexte pour parcourir le monde de jour comme de nuit à la recherche de minerais ou de plantes rares. A cela s'ajoutent encore les cartes aux trésors et l'exploration des donjons générés aléatoirement et renfermant des boss optionnels redoutables. Au final, on regrettera juste que la cartouche ne comporte qu'un seul fichier de sauvegarde et que le multijoueur ne s'étende pas jusqu'aux parties online. Rien qui ne devrait suffire à vous dissuader de craquer pour ce RPG d'exception !
- Graphismes18/20
L'équipe de Level-5 a fait le maximum pour proposer le meilleur rendu 3D, et seuls les NPC les moins importants apparaissent en 2D. Contrairement aux remakes, les combats se déroulent de façon dynamique, à la manière de ceux du huitième volet. Le résultat est vraiment de très haut vol compte tenu du support. On aurait quand même apprécié que l'interface de création de personnages comporte davantage de modèles physiques différents.
- Jouabilité17/20
Si le soft est jouable au stylet, on privilégiera plutôt les contrôles traditionnels durant les combats. Le fait de pouvoir changer régulièrement de jobs ouvre des possibilités intéressantes dans le développement des personnages, les aptitudes étant généralement propres à chaque classe. L'interface est un modèle d'ergonomie et rien n'a été oublié dans la gestion du multijoueur.
- Durée de vie18/20
Cet épisode comporte toute la richesse d'un épisode solo habituel et y ajoute l'ensemble des possibilités offertes par le multijoueur. Les parties jusqu'à quatre relancent d'autant la longévité du soft, déjà immense à la base. A l'aventure principale s'ajoutent de très nombreuses missions annexes, les donjons des cartes aux trésors, les boss optionnels, la recherche de formules et de matériaux liés à l'alchimie, sans compter le développement de toutes les classes de personnages et les bonus proposés en Wi-Fi !
- Bande son17/20
Koichi Sugiyama impose à nouveau son style pour nous envoûter avec des compositions magnifiques. Toutes ne sont pas inédites et les thèmes sont parfois inégaux mais on en ressort toujours avec le sentiment d'avoir voyagé très loin de notre réalité.
- Scénario16/20
Bien que cet épisode soit le premier à autoriser les parties à plusieurs, le scénario de l'aventure principale n'a pas été délaissé pour autant. L'histoire est enchanteresse et passionnante, mais les personnages créés par le joueur sont forcément moins attachants que dans les autres volets de la série. La traduction française est véritablement exemplaire (mis à part le choix des noms de certains monstres qui composent désormais le bestiaire de la série en VF).
Les Sentinelles du Firmament semblent avoir accordé leur bénédiction à ce neuvième épisode pour en faire l'épisode le plus complet de la série. Loin d'avoir été négligée au profit du multijoueur, l'aventure solo est passionnante et ne pèche que par l'absence de compagnons ayant une vraie identité. En contrepartie, le fait de pouvoir créer et personnaliser son équipe offre davantage de liberté au joueur qui appréciera encore plus l'expérience de jeu s'il invite ses amis à venir l'épauler dans sa quête. Avec la multitude de challenges optionnels dont regorge le titre, il vous faudra bien plus que vos vacances d'été pour en venir à bout !