Sorti à l’aube des années 90 sur la Megadrive de Sega, ToeJam & Earl propose un univers décalé qui parviendra à séduire immédiatement les joueurs américains et européens. A tel point que l'éditeur Sega songe à en faire l’icône de la marque (avant que Sonic ne s’impose finalement). Voilà ce que l'on appelle la magie de la « cool attitude » ! Bien sûr, ToeJam & Earl n'est pas simplement un titre cool, c'est aussi un jeu rempli de qualités comme nous allons le voir.
L'univers de ToeJam & Earl peut être qualifié de surréaliste et proche de la satire comique, telle une parabole acide des mœurs américaines. Nos deux protagonistes sont décrits comme suit : le premier comme un extraterrestre couleur ketchup à trois pattes aux yeux globuleux fatigués et le second ressemblant à un improbable étranger obèse sauce moutarde au look de surfeur. Dans cet esprit propre à la culture urbaine de l'Amérique des années 90, ToeJam porte également un médaillon d'or avec ses initiales, ainsi qu'une casquette de base-ball à l'envers, tandis que son compère arbore fièrement un short à pois et des lunettes de soleil surdimensionnées. Naturellement, leur discours s'oriente vers l'argot caractéristique de Californie, alors que leurs goûts musicaux lorgnent vers le hip-hop tendance jazz-funk. A ce propos, le compositeur John Baker avoue s'être inspiré de Herbie Hancock et des Headhunters.
Dans la séquence d'ouverture du jeu, ToeJam explique qu'Earl s'est amusé à prendre les commandes du vaisseau en plein milieu d'une zone d'astéroïdes. Fatalement, l'accident arrive (bougre de maladroit !) et c'est le crash sur une planète inconnue nommée Terre, vague cousine de notre chère planète bleue. Le lieu est constitué d'une vingtaine de zones à explorer, précisément 25 niveaux superposés, ainsi qu'un niveau zéro. La planète abrite d'étroites prairies où chaque pas peut entraîner une chute, des zones d'eau dans lesquelles le duo risque de se noyer, des étendues de sable mouvant… tout ceci dans une atmosphère d'espace intersidéral ! Les îles qui constituent les niveaux sont générées de façon aléatoire à chaque nouvelle partie. Celles-ci flottent comme par magie les unes au-dessus des autres dans l'espace et sont reliées entre elles par des ascenseurs. Bien sûr, il est indispensable de trouver lesdits ascenseurs afin de monter vers le niveau suivant. La meilleure méthode consiste alors à se rendre jusqu'aux extrémités piétonnes, pour débusquer de nouveaux passages secrets et atteindre d'autres zones. Mais attention à ne pas tomber du bord sous peine de vous retrouver sur l'île du dessous et donc d'être obligé de refaire le trajet (ou pire encore si vous êtes malchanceux). Chacun des niveaux se révèle au fur et à mesure de vos pérégrinations mais un objet en forme de téléphone permet de dévoiler la carte complète d'une zone. Encore faut-il trouver ce bonus !
Coincés sur cette Terre par accident, l'objectif premier de nos deux héros est de quitter les lieux au plus vite. Pour cela, ils doivent repérer et récupérer les morceaux d'épave de leur vaisseau spatial, seul moyen de retourner sur leur planète d'origine, Funkotron. En cas de réussite, ils auront droit aux honneurs de leurs proches et de leurs amis, en foulant victorieusement le sol pourpre de leur caillou sidéral. Douce gloire… encore faut-il y arriver puisque les "terriens", hostiles et de plus en plus dangereux au fur et à mesure des niveaux, ne les laisseront pas faire. Le bestiaire compte par exemple des diablotins, des essaims d'abeilles, des hommes semi-invisibles, des canards dingues, de fausses boîtes aux lettres, des requins...
Pour survivre, nos deux amis ont heureusement la possibilité d'utiliser des cadeaux disséminés un peu partout dans les niveaux. Selon leurs formes et leurs couleurs, ces colis offrent un résultat différent à chaque partie. Grâce à ces effets temporaires, nos compères peuvent par exemple se prendre pour Icare et voler dans les airs, faire de grands bonds avec des chaussures à ressorts, lancer des tomates et bien d'autres choses encore. En multi, les deux joueurs profitent même des bonus ensemble à condition d'être assez près l'un de l'autre à l'ouverture du paquet. Cela dit, les paquets ne sont pas tous des vrais cadeaux et certains sont même des pièges. Citons par exemple le colis qui bouleverse le contenu des autres paquets. On ne sait alors plus ce qu'ils contiennent et la difficulté s'en retrouve accrue. Par chance, « l'homme carotte » peut doctement vous aider à connaître le contenu mystérieux de certains objets, à condition de lui graisser la patte en le payant un peu. En marge des paquets, il existe aussi des aliments entièrement déballés qui permettent de se restaurer plus ou moins, ce qui est bien utile si votre barre d'énergie montre des signes de faiblesse. Dernier détail non négligeable, un rang humoristique vous est attribué tout au long du jeu en fonction de vos réussites (progression, vies, objets).
Le déroulement du jeu se déploie selon une perspective semi-haute (angle de 45° par rapport à l'horizon) rendant les déplacements agréables, avec la possibilité d'apercevoir les ennemis d'assez loin. C'est d'autant plus nécessaire que ceux-ci se déplacent assez rapidement, contrairement à ToeJam et Earl qui sont bien mous et ne savent pas se battre (love and peace !). Heureusement pour nos nerfs, la discrétion – à déclencher via une touche - permet de contourner le danger et de progresser plus facilement. Le jeu contient un mode solo mais est aussi jouable à deux joueurs en coopératif, ce mode est d'ailleurs nettement plus fun et plus facile à terminer, soit dit en passant. A deux, il est ainsi possible de se partager la jauge d'énergie en se tapant dans les mains (si, si) et on profite de quelques dialogues amusants qui ponctuent l'aventure (là, il ne faut pas être hermétique à l'anglais bien sûr). Ce mode deux joueurs offre également l'opportunité d'explorer séparément les environs, grâce à la scission de l'écran (l'image se divise si les deux gars sont éloignés et redevient pleine s'ils sont proches). ToeJam est plus rapide mais moins résistant, alors que pour Earl, c'est le contraire. Au joueur de choisir le profil qui lui convient le mieux.
ToeJam & Earl donnera lieu à plusieurs suites sur différents supports qui ne partageront hélas pas les mêmes qualités, ni le même succès, que ce premier volet. En passant à la plate-forme en vue de profil pour le deuxième épisode, le second opus (« ToeJam & Earl panique sur Funkotron ») décevra de nombreux fans du premier épisode. Le troisième jeu (« ToeJam & Earl III : Mission to Earth ») marque quant à lui le passage à la 3D et sort bien plus tard dans l'indifférence générale sur Xbox après une annulation sur Dreamcast. Aujourd'hui, le futur de la série reste encore incertain. Le responsable du jeu Johnson a suggéré que ToeJam et Earl pourraient revenir un jour sur Nintendo DS. Affaire à suivre.
- Graphismes14/20
Même si globalement, les graphismes sont simples et agréables, la qualité des décors reste assez moyenne. Les niveaux tendent à se ressembler avec des couleurs pas toujours diversifiées, pour un résultat psychédélique correspondant à cet univers. Les animations de nos personnages sont plutôt fluides.
- Jouabilité12/20
Tout dépend de votre degré de patience et de dextérité, mais il est probable que les déplacements assez lents finissent par exaspérer face aux nombreux ennemis (même si certains cadeaux améliorent la vitesse). Ceci dit, c’est vrai que sinon le jeu serait trop simple…
- Durée de vie17/20
Tout seul, l'aventure est assez longue, grâce à la vingtaine de niveaux et une bonne difficulté. En jouant à deux, c’est bien plus court pour la quête principale, mais beaucoup plus amusant ! A chaque partie, les niveaux sont gérés de manière aléatoire et donc les phases de jeu ne sont jamais identiques, ce qui permet de recommencer le titre plusieurs fois.
- Bande son16/20
Les musiques sont en accord avec l’esprit du jeu et s'inscrivent dans un style hip-hop et jazz-funk. Même traitement pour les bruitages qui sont bien rigolos.
- Scénario12/20
Comme beaucoup de jeux à l’époque, le scénario tient en quelques lignes. Classique et minimaliste donc. On y retrouve toutefois une atmosphère décalée, et fantastique doux-dingue proche des jeux d'aventure LucasArts.
ToeJam & Earl mise beaucoup sur le plaisir de l’exploration et sur son ambiance résolument décalée. Bénéficiant d'un mode multijoueur réussi, le titre profite aussi d'un gameplay simple mais efficace qui donne du charme à l’ensemble et qui parvient à faire oublier les quelques lacunes rencontrées.