1993, une année bénie pour Namco qui présente son jeu Ridge Racer. D'abord réservé aux salles d'arcade, le titre se place en concurrence directe avec Daytona USA, titre phare de Sega. Dès son arrivée, Ridge Racer jouit d'une renommée internationale. Pour sa sortie sur Playstation, le défi est double : prouver à la fois la force du titre et la puissance de la toute nouvelle console de Sony. Namco mettra tout en oeuvre pour sortir un jeu parfaitement fidèle à l'original, offrant les mêmes sensations, les mêmes graphismes et le même moteur physique. Le succès sera immédiatement au rendez-vous, donnant à la Playstation ses marques de noblesse et l'image d'une console ultra-performante. L'arcade à la maison ? C'est possible, c'est maintenant, et c'est sur Playstation.
Il faut bien l'avouer, Ridge Racer est beau à pleurer. Plus beau, à sa sortie, que n'importe quel autre jeu console, il se permet même de surpasser tout ce qui a été vu sur PC. Une claque monumentale, qui marquera toute une génération de joueurs. En effet, Ridge Racer fait partie des premiers jeux à utiliser des polygones texturés, technique offrant un nouveau rendu à tout ce qu'elle touche, bien au delà des références de l'époque sur consoles 16 bits. Pour la première fois, la 3D montre vraiment son potentiel en termes de réalisme avec un bitume au rendu exceptionnel, des environnements variés et une impression de vitesse bien présente. Le tunnel à lui seul est une merveille, avec ses effets de lumière et la qualité de ses textures. Le tout offre un résultat extrêmement proche de la version arcade, avec pour seules différences un petit clipping sur certains passages et une résolution légèrement inférieure. Même le système jour/nuit, assez sommaire mais sympathique, est présent. On profite en plus d'animations vraiment réussies autour de la course. De l'hélicoptère qui vient filmer vos performances aux écrans géants qui diffusent les informations de course, on reste bouche bée devant cette prouesse technique, qui ouvre ici clairement les portes de l'avenir du jeu vidéo.
La maniabilité quant à elle est identique à celle d'origine, pour peu que l'on possède un volant compatible. Sans cette option, il ne reste que deux possibilités : la manette de la Playstation ou la fameuse manette analogique Negcon, développée par Namco. La première, dotée d'une simple croix directionnelle digitale, offre en nervosité ce qu'elle perd en précision. Il faut un certain temps d'adaptation avant de maîtriser son véhicule et éviter ainsi des collisions avec les bords du circuit, même dans les courbes les plus simples. Une fois habitué, et dans les niveaux de difficulté élevée, c'est la vitesse de réaction du pad qui prend le dessus, faisant de cette manette une arme redoutable. Avec la Negcon, le jeu se veut de suite plus abordable. Les erreurs de débutant sont moins fréquentes et la précision se veut égale à celle du volant, sans faire la moindre concession à la réactivité. C'est certainement le système à privilégier si l'on veut profiter au maximum des sensations offertes par le jeu sans perdre en efficacité. Dans tous les cas, Ridge Racer reste ancré dans ses origines, avec une conduite arcade à 100%. Pas la peine de travailler vos courbes comme le ferait un pilote de Formule 1. Ici, c'est le dérapage à 180km/h qui vous permettra d'atteindre les chronos les plus bas. On accélère toujours à fond, et on met un petit coup de frein juste avant de virer. Cela a pour effet immédiat de mettre la voiture en dérapage, et permet de sortir du virage en ayant perdu au plus 20km/h par rapport à la vitesse maximale du véhicule. Une technique difficile à maîtriser mais qui s'avère être bien plus efficace et forte en sensations que toute autre approche plus réaliste.
Car Ridge Racer porte avec lui les stigmates de ses origines. Il propose certes un plaisir immédiat, mais souffre aussi de défauts qui peuvent être largement rédhibitoires. Comme sur arcade, le jeu ne propose qu'un seul circuit, disponible en version courte ou longue. Du jamais vu ! Tout le jeu se base sur la maîtrise de ces deux tracés, et même s'ils exploitent parfaitement les possibilités du gameplay, on ne peut que regretter que cette version ne pousse pas plus loin le concept avec de nouveaux circuits. Surtout que l'extension du circuit principal se veut moins agréable à l'oeil et vide de décors, malgré un tracé vraiment bien pensé. Les adversaires souffrent eux aussi d'une IA qui fait le minimum syndical. Ils ne bougent jamais de leur trajectoire scriptée et, comble du comble, ne profitent à aucun moment de leur capacité à déraper, prouvant qu'il est tout à fait possible, si l'on a la trajectoire parfaite, de prendre tous les virages avec une vitesse maximum. Un exploit qui reste cependant réservé aux surhumains ou aux chanceux de l'extrême. Pour continuer dans les défauts qui fâchent, on peut citer les collisions, qui sont une véritable abomination. Frôler le moindre trottoir, effleurer le moindre pare-chocs, vous conduit directement à un magnifique effet de bumper, digne des meilleurs flippers, ainsi qu'à une perte quasi totale de votre vitesse. Que le choc vienne de l'avant, de l'arrière ou des côtés, vous aurez toujours droit à cette même animation totalement irréaliste. On est très loin ici des collisions d'un Daytona USA ou d'un Destruction Derby. Il faut donc prier tout en jouant pour ne pas toucher malencontreusement le moindre objet, immobile ou en mouvements, au risque de perdre un bon paquet de précieuses secondes. Le gameplay en prend un sacré coup.
La bande-son reste elle aussi très mitigée. En effet, si le speaker qui commente vos prouesses en temps réel apporte un peu à l'immersion, on regrette surtout le bruit abominable du moteur, plus proche du lave-linge en mode essorage que du V8 en furie, et ce quel que soit le modèle de voiture choisi. La musique quant à elle baigne dans la techno hardcore. On aime le style ou pas, mais cela reste clairement un cran en dessous de ce que propose un jeu comme WipEout. Vous pouvez cependant profiter de votre musique préférée en remplaçant le CD du jeu par n'importe quel album de votre choix car Ridge Racer a la particularité de tenir entièrement dans la RAM. Un détail non négligeable puisque cette astuce permet entre autres de profiter du mode deux joueurs avec un seul jeu. Il faut néanmoins posséder deux consoles, deux écrans et le câble Link puisque qu'aucun mode en écran splitté n'est proposé.
Dans la série des petites anecdotes, sachez que durant l'unique chargement du jeu (au début donc), il vous est proposé une partie rapide de Galaxian, un shoot'em up ancestral. Si vous réussissez à éliminer tous les ennemis dans le temps imparti, vous obtiendrez alors en bonus l'intégralité des voitures du jeu. Il restera cependant un ultime véhicule à gagner, en terminant le jeu à 100%, ce qui ne devrait pas prendre plus de deux ou trois heures.
- Graphismes18/20
Pari réussi pour Namco qui réalise ici une conversion presque parfaite de son jeu d'arcade. Du jamais vu sur consoles de salon. Ridge Racer s'impose immédiatement comme la référence 3D et met la Playstation en marche vers le succès qu'on lui connait. Une réalisation sans faille qui fait baver les joueurs Saturn ou PC de l'époque.
- Jouabilité14/20
Du volant au pad, en passant par le terrible Negcon, Ridge Racer propose une maniabilité accessible et résolument orientée arcade. Avec ses virages en épingle à 180 km/h, le jeu propose une conduite faite de dérapages improbables et de tenue de route excessive. Un vrai paradoxe. On regrette tout de même que les collisions soient si mal gérées et si pénalisantes, ce qui peut nuire au plaisir du jeu.
- Durée de vie10/20
Un seul circuit disponible en deux versions, courte ou longue. Seulement 8 épreuves pour un jeu qui se termine en moins de 3 heures. Le constat est dur, même si le titre bénéficie d'une certaine rejouabilité pour peu que vous soyez un accro du chrono.
- Bande son12/20
Les morceaux choisis pour accompagner vos tours de piste peuvent agacer rapidement, tout dépend de vos goûts. Heureusement, le jeu permet d'utiliser sa propre musique en remplaçant le CD original par l'album de son choix. Les bruits de moteurs sont carrément ratés et font difficilement penser à une voiture de courses. Restent les interventions du speaker qui, bien que répétitives, savent vous gratifier lorsque vous conduisez comme un pro. Ça fait toujours plaisir.
- Scénario/
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Ridge Racer compte plus sur son habillage que sur le fond. On est autant admiratif devant ces graphismes d'un nouveau genre que déçu face à la pauvreté de son contenu. Le jeu possède néanmoins une certaine aura, et on se laisse facilement embarquer dans cette course, à la recherche du tour parfait, en profitant des sensations grisantes qu'il propose. Et c'est bien ce qui compte au final pour ce jeu qui aura tout de même grandement participé au succès de la Playstation.