On entend souvent dire que les jeux vidéo sont trop violents et qu'ils se contentent de flatter les plus bas instincts de ceux qui les pratiquent. Il faut bien mal connaître ce loisir pour porter ce type de jugement à l'emporte-pièce. En effet, on voit régulièrement débarquer des titres qui jouent davantage la carte de la poésie que celle des débordements de testostérone. Majin and the Forsaken Kingdom est un excellent exemple qui nous prouve que l'intelligence et la sensibilité ont toujours leur place dans le petit monde des jeux vidéo.
La collaboration entre le studio Game Republic et Namco Bandai est plutôt fructueuse, elle a récemment donné naissance aux Dragon Ball : Origins et à l'adaptation du Choc des Titans. Elle s'apprête cependant à prendre un autre tournant puisqu'elle va bientôt permettre aux développeurs du studio d'accoucher d'un projet plus personnel : Majin and the Forsaken Kingdom. Ce dernier vous entraînera dans un monde désolé. Voilà en effet une centaine d'années que la civilisation a sombré dans le chaos sous les coups d'étranges guerriers qui semblaient surgir des ombres. Les vestiges de l'ancien royaume ne sont désormais plus que des champs de ruines et les survivants de cette catastrophe ont trouvé refuge dans les contrées sauvages qui l'entourent.
Vous incarnez justement l'un des descendants de ceux qui ont échappé au désastre. Tepeu, que vous serez prié de prononcer "Tépéou", est un voleur qui s'aventure dans les ruines de cette terre maudite dans l'espoir d'y trouver un trésor. Première surprise, le jeune homme bénéficie d'un don plutôt étrange qui lui permet de parler aux animaux. Il met cette capacité hors du commun en pratique pour discuter avec un rat vivant dans la forteresse qu'il espérait piller. Ce dernier lui révèle alors un mystère : l'une des alcôves de ce château en ruine retiendrait encore prisonnier un géant aux pouvoirs extraordinaires, un Majin. La créature en question est bien là : il se prénomme Teotle, c'est un ogre puissant aux allures de gros nounours dont le dos est recouvert de verdure et dont le crâne est surmonté de deux cornes. Voilà une centaine d'années qu'il est scellé au lieu par une énorme clef que Tepeu s'empresse de retirer. Il s'agira d'ailleurs de la seule arme rudimentaire qu'il utilisera tout au long du jeu. Les voilà donc unis par des liens indéfectibles et engagés dans une aventure destinée à rendre à ce royaume perdu sa splendeur d'antan.
Le gameplay du jeu est tout entier basé sur la complémentarité des deux personnages : le héros que l'on incarne n'est qu'un simple humain, il est certes agile mais il est surtout fragile et il doit à tout prix éviter d'engager le combat contre un nombre trop important d'adversaires simultanément. Au contraire le Majin est massif et puissant mais il réfléchit rarement avant d'agir, il faudra donc le contrôler et parfois raisonner son entrain pour qu'il ne parte pas tête baissée se battre contre toute une armée. Il ne s'agit pas d'un jeu d'action classique, la plupart du temps Tepeu cherchera à se glisser derrière les ombres qui lui bloquent le passage sans attirer leur attention. On remarque au passage que lorsque notre héros est touché par ces monstres, son corps se recouvre peu à peu de la substance noire et visqueuse qui semble les constituer. Seule la magie du Majin peut l'aider à se débarrasser de cet étrange goudron malfaisant. Le géant semble par contre immunisé contre cette corruption mais il faut tout de même garder un oeil sur sa jauge de vie. Cette dernière ne remontera que si vous donnez les fruits adéquats à votre compagnon.
La force physique n'est pas le seul atout du Majin, il possède aussi tout un arsenal de capacités magiques basées essentiellement sur les différents éléments : il peut par exemple invoquer la foudre, cracher du feu ou retenir une grande quantité d'eau afin d'arroser un mécanisme précis. Malheureusement, les années de captivité ont sérieusement endommagé la mémoire de ce géant, et ces différentes compétences ne lui reviendront en tête qu'au fur et à mesure de votre progression dans l'aventure. Si elles peuvent parfois trouver leur utilité lors des combats, ces compétences vous permettront surtout de résoudre des énigmes afin d'avancer ou de débusquer quelques bonus cachés ici ou là. Par exemple vous pourrez demander au Majin d'aspirer une grande quantité d'eau et de la recracher sur un moulin pour mettre en route un mécanisme. La magie n'est pas la solution à tous les problèmes, la carrure de votre compagnon peut aussi présenter certains avantages : vous pouvez monter sur ses épaules pour atteindre des plates-formes qui seraient sinon hors de portée ou alors compter sur sa force pour utiliser des catapultes qui détruiront des murs ou vous enverront valser dans les airs.
De manière générale les environnements ne semblent pas vraiment ouverts mais ils regorgent de détours, de cachettes et de petites astuces qui vous éviteront de vous lancer dans des combats superflus. On nous a ainsi présenté un passage lors duquel Tepeu pouvait s'aventurer jusqu'à une grosse cloche placée en surplomb, en la faisant sonner, il attirait les ennemis des environs dans l'enceinte située en contrebas et il ne lui restait plus qu'à refermer le passage derrière eux pour les bloquer et éviter d'avoir à les affronter. L'aventure semble relativement linéaire, d'ailleurs un grand portail vous permettra de vous téléporter d'une forteresse à l'autre, mais il sera toujours possible de revenir sur ses pas pour profiter des nouvelles compétences du Majin afin de débloquer de nouveaux passages. Remarquez aussi que l'exploration de cet univers plein de surprises est pimentée par un cycle jour/nuit qui ne sera pas sans conséquence : les rencontres avec les créatures des ombres vous donneront vraisemblablement davantage de fil à retordre une fois que le soleil se sera couché. Il vaudra donc encore mieux faire travailler vos méninges et votre sens de l'observation que vos muscles.
Majin and the Forsaken Kingdom est un titre qui nous a particulièrement séduits. Non seulement son gameplay davantage axé sur la réflexion et l'observation que sur l'action pure et dure nous a semblé rafraîchissant, mais il dispose surtout d'une atmosphère féerique et d'un design enchanteur. On tombe immédiatement amoureux du look et des animations du Majin qui est tout à la fois puissant et massif, mais aussi tendre et maladroit. Cette alchimie n'est pas née du hasard, les équipes de Game Republic ont réalisé une centaine de modèles de ce personnage avant d'obtenir un tel équilibre, mais aujourd'hui on peut affirmer que le résultat en valait la chandelle !