S'il est un jeu qui a marqué une génération de joueurs, c'est bien Quake II. Développé par les fondateurs du FPS, id Software, le jeu est lui-même à l'origine des jeux de tir "modernes". Intégralement réalisé en 3D, Quake II est tout simplement une légende du jeu vidéo qu'il faut absolument posséder dans sa ludothèque.
L'aventure commence par une cinématique d'introduction en images de synthèse de toute beauté. Rythmée par une musique bien stressante jouée par Sonic Mayhem, on y comprend l'essentiel du scénario basique de Quake II : les Stroggs, créatures répugnantes mi-humaines mi-robotiques, ont envahi la terre. Maintenant, il est l'heure de leur rendre la monnaie de leur pièce en attaquant leur planète-mère, Stroggos (on ne rit pas). Mais pour cela, il faut détruire leur gigantesque canon orbital. Vous incarnez un bidasse de base, du nom de Bitterman, et faites partie d'un largage aéroporté de troupes sur la zone. Manque de chance, les Stroggs ont beau être très moches, ils ne sont pas idiots, et votre escouade est dispersée tandis que vous vous écrasez loin, très loin de votre objectif. L'essentiel de l'aventure consistera donc à rejoindre le canon pour enfin accomplir votre mission. Et si possible, botter en chemin les fesses du chef des méchants, le Makron.
En pratique, Quake II est un FPS très bourrin. Seul en territoire ennemi, vous traversez des environnements industriels sordides et glauques, crades et gluants. On dénombre une quinzaine de types d'ennemis différents qui tenteront de vous mettre en pièce tout au long de votre périple. Cela va du petit soldat au gros tank sur pattes en passant par les mutilés en jet-pack et les chiens à tête humaine. Le "bestiaire" contribue d'ailleurs largement à établir l'une des grandes qualités de Quake II : son ambiance. Difficile en effet de ne pas éteindre le PC lorsque l'on se fait agresser par des humains avec un hachoir à la place du bras, des robots recouverts partiellement de peau humaine et toutes autres sortes d'ennemis qui semblent sortis tout droit d'un esprit malade. Le tout est en plus magnifié par une ambiance sonore très réussie et absolument terrifiante. Ayant le don de mettre mal à l'aise, la bande-son du jeu est dépourvue de musique mais riche en bruitages glauques. Bruits de pas traînants, hurlements étouffés, raclements sourds... Tout y passe, et on se sent en permanence menacé. On retrouve d'ailleurs des rouages qui seront réutilisés dix ans plus tard dans Doom 3, à savoir se retrouver parfois plongé dans le noir ou faire soudainement face à un ennemi sorti du sol à point nommé pour nous faire bondir sur notre fauteuil.
Le level design est lui aussi une réussite totale. Bien que les environnements soient toujours dans des tons grisâtres, le jeu nous transporte dans des zones variées qui contribueront bien à faire monter la peur chez le joueur : centre de torture, prison, station d'épuration, égouts... Même les objectifs de mission s'y mettent pour nous répugner, à l'image de ce briefing saugrenu : "Find the commander's head to open the door". Si les mécaniques de progression pourront paraître quelque peu avariées de nos jours, c'était le top à l'époque. La plupart du temps, il faut trouver le bouton, tuer tout le monde, emprunter mille ascenseurs et trouver la sortie dans des environnements souvent très grands. Les niveaux sont d'ailleurs très variés et en fouillant bien, on tombera même sur des lieux cachés qui prolongeront la virée en enfer de belle manière. Preuve que le jeu est un must de terreur, on se prend souvent à espérer la fin d'un niveau afin de pouvoir souffler une minute. Et du souffle, il en faudra pour pouvoir traverser la vingtaine de niveaux (sans compter ceux cachés) proposés par le jeu sans défaillir. Préparez-vous à une vingtaine d'heures de tension non-stop.
Pour vous aider dans votre lourde tâche, id Software a vu les choses en grand au niveau de l'armement. Certaines armes de Quake II sont d'ailleurs devenues de véritables légendes du jeu vidéo, comme le fameux BFG, le Super Shotgun et bien entendu le mythique Railgun. Les fans ne pourront que lâcher une larmichette en songeant au sentiment de puissance procuré par l'Hyper Blaster ou le Minigun, et les plus jeunes constateront que si le lance-roquettes est une arme incontournable dans les FPS d'aujourd'hui, c'est grâce à Quake II. Pour les deux du fond qui ne suivent pas, le BFG (de son vrai nom Big Fucking Gun) est une sorte d'arme nucléaire portative qui cible automatiquement plusieurs adversaires à la fois dans un effet visuel impressionnant pour l'époque, et le Super Shotgun est un fusil à pompe à double-canon surpuissant faisant presque office d'arme principale dans Quake II. Quant à l'Hyper Blaster, il s'agit d'un fusil d'assaut tirant des balles énergétiques plus lentes que des projectiles normaux mais aussi bien plus puissantes. En regardant de nos jours l'arsenal du jeu, on se dit deux choses : d'abord, c'est la classe, ensuite, on retrouve des copies de ces armes dans la plupart des FPS modernes. C'est ça que l'on appelle poser les bases d'un genre.
Si le soft propose une atmosphère ultra-oppressante et malsaine au possible, il reste néanmoins un FPS, comme dit plus haut, bien bourrin. On est loin de Doom III et ses deux ennemis maximum par pièce. Ici, chaque couloir est envahi par la vermine Strogg, et on peut entendre derrière chaque porte un tortionnaire en train d'aiguiser ses lames. Id Software avait en effet bien compris que le meilleur moyen de faire peur, c'est de suggérer la présence des monstres avant même qu'on les voit. Le sentiment d'insécurité est donc permanent, et si les munitions de certaines armes sont distribuées en quantité, il faudra néanmoins veiller à ne pas gaspiller les balles précieuses des armes plus puissantes. Qui sait quand le prochain middle-boss vous tombera sur le râble ? D'autant qu'en progressant dans l'aventure, les rencontres avec des ennemis bien plus résistants (aaah les Stroggs armés d'un laser) se multiplient à vitesse grand V. Quake II, c'est l'apologie du FPS difficile, un genre presque oublié aujourd'hui. Certains passages sont vraiment retors, et gare à celui qui a oublié de sauvegarder depuis une demi-heure.
Terminons sur un pan plus trivial du jeu, sa technique graphique. Comme énoncé plus haut, les couleurs sont plutôt ternes en raison des environnements industriels, mais cela ne nuit en rien au soft. D'ailleurs, id Software parvient parfaitement à varier subtilement l'atmosphère selon les niveaux. Un peu de teinte verdâtre dans les égouts, beaucoup de sang dans la prison... Les différents moments du jeu sont donc parfaitement distincts. On appréciera aussi la tuerie technologique de l'époque : si vous tirez sur un ennemi avec une arme trop puissante pour lui, son corps éclatera en morceaux. Et libre à vous de vous acharner sur un macchabée en bon état pour le réduire en purée. Mention spéciale pour les mouches qui apparaissent au-dessus du cadavre de certains ennemis, ou comment rajouter une dose de saleté à cet univers déjà bien crade. En plus, les lumières environnantes se reflètent sur votre arme ! Quake II était donc une véritable révolution graphique, surtout en comparaison avec son prédécesseur sorti seulement un an avant, qui, bien que déjà en 3D, se jouait à la Doom, sans pouvoir lever ou baisser la tête !
- Graphismes18/20
Si Quake premier du nom était le premier jeu en full 3D, Quake II est indéniablement LA tuerie graphique de son époque. Le jeu est rempli de "détails qui tuent", et on a même droit à des effets de lumière sur les armes !
- Jouabilité16/20
Clairement, la jouabilité du jeu est basique : j'avance, je tire, j'appuie sur le bouton, je prends l'ascenseur, j'ouvre la porte et je recommence. Maintenant, c'était ça le gameplay des années 90, et Quake II s'en sort très bien en proposant des niveaux complexes qui n'ont rien d'une balade de santé. On retrouve même des niveaux plutôt verticaux pour varier les plaisirs.
- Durée de vie18/20
A l'époque, une vingtaine d'heures était la durée de vie standard d'un bon FPS. De nos jours, c'est carrément de la bourgeoisie si on atteint les six heures en mode Difficile. Quake II était donc très long, et proposait en plus un mode multijoueurs lui aussi fondateur du FPS en ligne, qui aboutira à Quake III deux années plus tard. Si vous voulez prolonger l'expérience, poussez directement la difficulté en Hard.
- Bande son18/20
Mon Dieu ! Rien que d'y repenser, ça donne des frissons. La bande-son de Quake II est une réussite indéniable. Comment mettre la trouille, instaurer un climat glauque et mettre le joueur mal à l'aise sans aucune musique ? Demandez à id Software, qui vous répondra que rien ne vaut des gémissements torturés et des bruits mats un peu partout à travers les murs pour mettre une saine ambiance. Notez que l'aventure est jouable avec une espèce de bande-son hard-rock minable qu'il vaut mieux couper immédiatement dans les options. A se demander si id Software n'a pas rajouté ça au dernier moment sur un coup de tête suite à un bad trip un peu trop prononcé.
- Scénario/
Le scénario tient sur une feuille de PQ comme on dit, mais il a le mérite d'être dans la continuité du premier épisode (dans lequel l'aventure se déroulait sur Terre pour repousser l'invasion Strogg). L'histoire sera d'ailleurs poursuivie et conclue dans Quake IV, sorti en 2005.
Quelle note mettre à un jeu fondateur du multijoueur en ligne ? Quelle note mettre à un soft révolutionnaire et réussi sur tous les points, tant sur l'ambiance visuelle et sonore que sur l'action et le level design ? Quelle note mettre à Quake II à part la note maximale ? Le tout accompagné d'un conseil : si vous ne l'avez jamais fait, il n'est pas trop tard, Quake II est un élément essentiel pour votre culture vidéoludique.