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Test Black Mirror II

Black Mirror II : Trailer

Black Mirror II
16 986 vues
Profil de pixelpirate,  Jeuxvideo.com
pixelpirate - Journaliste jeuxvideo.com

A l’image des membres de la famille Gordon, il semble que la malédiction se soit abattue sur The Black Mirror à sa sortie en 2003. Accueilli froidement par la critique, le jeu fut réhabilité au fil du temps par la communauté des joueurs, qui reconnurent en lui un classique de la trempe des Gabriel Knight. Mais il était déjà trop tard pour motiver le studio tchèque Future Games à concevoir une suite. Sept ans plus tard, les Allemands de Cranberry Production décident de reprendre le flambeau et de nous offrir un Black Mirror II que plus personne n’attendait. Connaîtra-t-il le même sort que son prédécesseur ?

Black Mirror II

L'équipe de Cranberry Production, aux commandes du projet, nous avait déjà gratifiés l'année dernière du très controversé Mata Hari, un jeu d'aventure qui avait fait couler beaucoup d'encre. Son accessibilité et la simplicité de ses énigmes, qui avaient plu aux joueurs occasionnels, lui avaient a contrario valu la vindicte des adeptes du genre. Nul doute qu'une question brûle déjà les lèvres de ces derniers : Black Mirror II a-t-il été développé dans l'optique de satisfaire le même public ? La réponse est oui. Sa linéarité et son dirigisme ont été savamment étudiés pour ne jamais « perdre » le joueur, quitte à lui donner l'impression d'être pris par la main. Ses énigmes, simples et parfois convenues, exigent peu d'efforts de recherche et ne sont jamais vraiment bloquantes. Voilà, c'est dit. Personne ne pourra plus arguer qu'il n'était pas prévenu. Aussi, si vous faites partie de ces fous furieux qui aiment à se creuser la tête des heures durant, ne prenez même pas la peine de lire la suite : fuyez à toutes jambes ce titre dont le seul véritable défaut sera bien trop rédhibitoire pour vous. Sachez tout de même que ce faisant, vous vous priverez d'un remarquable jeu d'aventure.

Black Mirror II
Un ange passe... et les ennuis commencent.
Les faits narrés dans Black Mirror II se déroulent en 1993, soit 12 ans après ceux du premier opus. Vous y incarnez Darren Michaels, un jeune étudiant américain parvenu à décrocher un job d'été à Biddeford, la petite ville du Maine où réside sa mère. Darren passe son temps à effectuer des tâches ingrates chez le photographe local, un quadragénaire bedonnant particulièrement despotique. Ils reçoivent un jour la visite d'une charmante cliente nommée Angelina. Cette étudiante anglaise tape tout de suite dans l'oeil de Darren. Le problème, c'est qu'un mystérieux individu semble la suivre en permanence. Son arrivée coïncide en outre avec le début d'une série d'événements dramatiques : la mère de Darren est victime d'un étrange accident, puis un premier meurtre a lieu. Après lui avoir permis d'exhumer quelques secrets inavouables parmi la population de Biddeford, l'enquête de Darren le conduira jusqu'à Willow Creek, une petite bourgade anglaise bien connue des joueurs du premier Black Mirror. La malédiction qui touche la famille Gordon ne semble pas avoir pris fin, même si le village s'est mué en une attraction touristique depuis les événements sanglants de 1981. Mais quel rapport existe-t-il entre cette malédiction et Darren Michaels ? C'est ce que vous devrez découvrir. Nous n'en dirons pas plus, mais sachez que la fin du jeu, volontairement ouverte, ravira les uns (car elle laisse augurer d'une suite) mais en frustrera beaucoup d'autres.

Black Mirror II
L'interface est d'une grande praticité.
Tout au long des six chapitres du jeu, le scénario passionnant et diablement bien ficelé abonde de nombreux rebondissements. Malgré quelques chutes de rythme, il vous embarque pour ne plus vous lâcher. La clé de voûte de Black Mirror II, c'est le personnage de Darren, qui a bénéficié d'un énorme travail. Vous rentrez facilement dans la peau de ce jeune homme dont le cynisme cache un idéalisme naïf et touchant qui le rend particulièrement attachant. Les thématiques qui lui sont liées (l'amour, la mort, le mensonge, la recherche des origines) sont plutôt classiques mais suffisamment bien traitées pour enrichir l'intrigue et parfois même susciter l'émotion. Les autres protagonistes ne sont pas en reste, et si la plupart des habitants de Biddeford, particulièrement bien croqués, n'échappent pas à la caricature, ceux de Willow Creek sont bien plus complexes et difficiles à cerner (mention spéciale à Bobby !). Les conversations, particulièrement fréquentes, ont le mérite de n'être jamais ennuyeuses à suivre, car elles bénéficient de répliques remarquablement bien écrites et vous permettent de percer peu à peu la personnalité et les motivations de vos différents interlocuteurs. Qui plus est, même si la version distribuée par Micro Application ne propose qu'un doublage en anglais sous-titré en français, on se dit rapidement que ce n'est pas une mauvaise chose tant les acteurs se montrent convaincants et contribuent à nous plonger dans l'ambiance.

Black Mirror II
Nombreuses sont les références au 1er opus.
Car l'autre atout majeur de Black Mirror II, c'est son ambiance soignée, qui confère mysticisme et étrangeté à des environnements réalistes. La reconstitution de la petite ville portuaire du Maine arpentée dans les deux premiers chapitres, aux bâtiments typiques, est crédible et réussie. Les différents écrans de jeu, aux angles de vue bien étudiés et au design inspiré, bénéficient d'un souci prononcé du détail, ainsi que de quelques petites animations pour leur donner vie. Ils sont magnifiés par de somptueux éclairages évoluant avec l'heure de la journée ainsi que par des effets météo fort bien rendus. Les personnages sont moins convaincants : ils sont modélisés sans génie particulier et souffrent de déplacements trop rigides. Ils jouissent par contre d'une grande palette d'animations contextuelles. Dès votre arrivée à Willow Creek, une atmosphère plus lourde et plus angoissante s'installe, sans atteindre toutefois le niveau du premier Black Mirror. Cela s'explique par la transformation des lieux en un véritable parc à touristes, donnant lieu à de nombreux traits d'humour (le sanatorium réaménagé en hôtel, la galerie d'automates reconstituant les crimes effets spéciaux à l'appui). Il faut ajouter à cela le pragmatisme de Darren et ses remarques cinglantes qui désamorcent souvent la tension (ce qui ne plaira pas forcément à tout le monde), sans oublier la présence de thèmes musicaux plus lyriques qu'oppressants, à la manière de ce que proposait un Gabriel Knight II.

Black Mirror II
Ambiance garantie le soir à Willow Creek.
Black Mirror II est d'ailleurs à The Black Mirror ce que The Beast Within était à Sins of the Fathers, jusque dans son gameplay classique et relativement simpliste. L'interface est identique à celle du premier épisode, qui s'inspirait elle-même de celle des Chevaliers de Baphomet, un modèle du genre. Elle permet d'utiliser des objets ou d'aborder des sujets en cliquant sur les icônes dédiées dans une barre d'action escamotable. La prise en main est donc d'une facilité déconcertante. Quelques fonctionnalités ont été ajoutées afin de vous simplifier la vie : un journal (drôlement bien fichu) recense vos différents objectifs, une carte vous permet de rallier instantanément les lieux déjà visités et vous avez la possibilité (désormais incontournable) d'afficher les points d'intérêt à l'écran. Mais ce n'est pas tout : à l'instar du premier Black Mirror, les éléments du décor peuvent être examinés, souvent à plusieurs reprises, jusqu'à ce qu'ils n'aient plus rien à vous apprendre. Vous pouvez donc « épuiser » les interactions possibles à la manière de sujets de dialogue, jusqu'à ce qu'il ne subsiste que celles qui sont vous seront utiles. Un vrai cauchemar pour tout amateur de challenge. Dans le même esprit, il suffit trop souvent de regarder le contenu de son inventaire pour deviner la nature de la prochaine énigme. N'aurait-il pas mieux valu, comme le font certaines productions récentes, vous empêcher de ramasser les objets avant qu'ils ne vous soient utiles ?

Black Mirror II
Faites votre choix... mais dépêchez-vous !
Sans doute, mais ce n'est vraiment pas l'optique de The Black Mirror II, qui vise la simplicité. A côté de fréquents puzzles très convenus (développer des photos, s'infiltrer dans un lieu, reconstituer une lettre déchirée, ouvrir un coffre...), qui sollicitent peu votre matière grise, vous tombez parfois sur des énigmes plus corsées et brillamment conçues, dont l'intérêt intrinsèque est hélas sabordé par le guidage omniprésent de Darren, qui au mieux vous met sur la voie, et au pire vous détaille étape par étape ce qu'il convient de faire. Si ses suggestions ne sont pas assez claires, vous pouvez toujours vous référer au journal de quêtes pour y glaner des indices. Mais si a contrario vous avez compris précocement le « truc », impossible d'aller plus vite que la musique car rien ne se fait sans l'aval de Darren. Ce dirigisme important est d'autant plus irritant qu'il n'était pas indispensable à la progression, dont l'aspect réaliste et logique a l'insigne mérite de faire l'impasse sur les énigmes tordues et les associations d'objets improbables. On se console en imaginant que la réalisation d'un jeu de cette envergure a désormais un prix : celle de son accessibilité à un large public. Seule entorse à cette règle : les possibles game over. Dans des séquences que l'on qualifiera de QTE intelligents, Darren doit utiliser un objet dans une situation de panique, sous peine de mourir. Une excellente idée bien intégrée (sauvegarde automatique avant l'action) et utilisée avec parcimonie. La simplicité de Black Mirror II a toutefois un avantage, déjà observé dans Mata Hari : elle confère à la progression un meilleur rythme et une plus grande fluidité, même si vous avez parfois la désagréable impression d'assister à un film interactif. Comme la narration, particulièrement soignée, s'appuie sur une ambiance travaillée et des personnages plus consistants que de coutume, vous ne voyez pas passer la vingtaine d'heures nécessaires pour boucler l'aventure, ce qui, en dépit de tout, est le signe d'un jeu très réussi.

Les notes
  • Graphismes17/20

    Les nombreux écrans de jeu (une centaine, paraît-il) affichent de magnifiques décors très inspirés et criants de vérité, sublimés par des éclairages et des effets météo très réussis. On déplore par contre une certaine rigidité dans l’animation des personnages lorsqu’ils se déplacent. A noter - chose rare dans le genre - que le jeu gère la plupart des hautes résolutions, dont celles destinées aux écrans larges.

  • Jouabilité15/20

    Doté d'une interface on ne peut plus pratique ainsi que de nombreuses fonctionnalités destinées à simplifier la vie de l’utilisateur, le jeu bénéficie d'une accessibilité remarquable, qui risque a contrario de choquer les puristes, d’autant que les énigmes se résolvent bien trop facilement : aussi élaborées soient-elles, elles sont tuées dans l’oeuf par un guidage omniprésent.

  • Durée de vie16/20

    En dépit de ses énigmes peu difficiles, qui rendent la progression relativement rapide, Black Mirror II réussit le tour de force de proposer entre quinze et vingt heures de jeu (comptez en gros 2 à 3 heures pour venir à bout de chacun des six chapitres) en fonction de votre propension ou non à épuiser la somme astronomique des dialogues.

  • Bande son16/20

    Même si elle ne vaut pas celle de Mata Hari, l’ambiance sonore est une réussite. Black Mirror II propose de nombreux sons d’ambiance d’excellente facture, des doublages vocaux crédibles (en anglais) qui témoignent d’acteurs très impliqués, et des thèmes musicaux qui évoquent (sans les égaler) ceux composés par Robert Holmes pour la série des Gabriel Knight.

  • Scénario17/20

    Solidement ficelée et riche en rebondissements, l’intrigue est d’une qualité remarquable. Dès le prologue, vous êtes confronté à une ribambelle de personnages attachants et entraîné dans une série d’événements palpitants avec pour toile de fond le premier opus (auquel il vaut mieux avoir joué pour saisir toutes les subtilités). Dommage que la fin... risque de vous laisser sur votre faim.

Comme Mata Hari l’année précédente, Black Mirror II risque de faire couler beaucoup d’encre et d’opposer ceux qui n’y verront qu’un jeu d’aventure simpliste à ceux qui auront su faire leur deuil du challenge pour profiter d’une intrigue passionnante, portée par une réalisation superbe. Tout ce que l’on peut vous dire, c’est que nous avons pris un plaisir énorme à vivre cette expérience aux côtés de Darren Michaels, qu’on aurait bien aimé faire taire de temps en temps, mais qui se montre au final particulièrement attachant. Nous vous conseillons tout de même d’avoir joué au premier épisode pour saisir toutes les subtilités de cette suite, mais Micro Application a la bonne idée de proposer un coffret regroupant les deux épisodes pour un tarif très raisonnable. Les amateurs de défis peuvent passer leur chemin, les autres doivent se jeter dessus sans hésitation.

Note de la rédaction

16
15.1

L'avis des lecteurs (43)

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