Il aura fallu six années à Rockstar pour déterrer la licence Red Dead et imaginer une suite spirituelle à l'épisode Revolver. Spirituelle seulement car Redemption, en dehors d'un dessin très proche de son aîné, n'a pas grand-chose à voir avec le jeu d'action qui était sorti sur PS2. Plus ambitieux, plus riche, plus vaste et plus mûr, ce GTA-Like se présente comme l'une des plus grosses productions de l'année 2010, en mesure de conquérir le cœur de ceux qui ont aimé les aventures d'un certain Nico Bellic. Pour réussir cette mission, Red Dead Redemption nous transporte un bon siècle en arrière, à la frontière américano-mexicaine, en pleine "Revolución".
Vous êtes John Marston, un cow-boy aux traits abîmés par les cicatrices symboles de son passé de truand. En plein Ouest américain, notre héros va prendre part à une véritable chasse à l'homme à son insu. Sa femme et son fils lui ont été enlevés, le temps que John remplisse la part du contrat qui le lie aux autorités pourries de Blackwater. En effet, laissé pour mort par ses anciens acolytes, Marston n'a qu'un objectif : retrouver chaque membre de la bande et faire d'une pierre deux coups en se vengeant de l'abandon dont il a été victime et en éliminant ceux auxquels les shérifs du conté n'osent même pas se frotter. Ceux pour qui il aurait jadis donné sa vie sont désormais ses ennemis et de leur sort dépend sa liberté. John est marqué par le poids des homicides qu'il a commis lorsqu'il était hors-la-loi. Sous son Stetson, ganté comme il se doit, John est l'archétype même du pistolero que l'on retrouve dans chaque western spaghettis. Les cheveux mi-longs, mal rasé, encrassé par ses allées et venues dans la poussière du désert ouest américain, celui que l'on incarne avec grand plaisir dans Red Dead Redemption n'a pourtant rien du malfrat irrécupérable. Il aspire simplement à une vie de fermier, paisible, productive, retiré du cruel monde des fines gâchettes.
RDR a récupéré nombre de mécanismes de son cousin GTA IV. Le joueur se déplace en effet constamment sur une map immense que ne renierait pas un excellent MMO. Des miles et des miles d'étendues désertiques ponctuées par quelques localités du nom d'Armadillo ou de Chuparosa pour ne citer qu'elles. Coupée en deux par le Rio Bravo qui s'étend du nord-est au sud-ouest, cette carte est riche de toutes les cultures d'époque, occasionnant des changements de ton selon que l'on traverse un champ de cactus ou un simple pâturage, que l'on se rapproche d'un canyon ou de la civilisation. Appuyées par un cycle jour-nuit d'une beauté et d'une précision incomparables, ces variations de couleurs contribuent à faire de RDR un titre à très forte personnalité. Difficile de ne pas être charmé par des paysages d'une telle crédibilité, où toute la faune a élu domicile. Biches, bisons, cerfs, chevaux, couguars, coyotes, grizzlys, loups, ours, ratons laveurs, serpents, tatous... On trouve toutes sortes d'espèces sauvages en liberté. Une fois de plus, les développeurs de Rockstar ont imaginé tout un cycle, toute une vie en parallèle de l'histoire du jeu qui donnent l'impression au joueur de n'être finalement pas grand-chose, à tel point qu'il se sente minuscule dans cette gigantesque flore.
A l'aide, entre autres, de son fusil buffalo, John peut chasser n'importe quel animal et même faire des ravages dans un poulailler, tuer des animaux domestiques ou encore toutes sortes de volatiles (aigles, corbeaux, faucons, vautours...). L'intérêt qu'il peut retirer de cet exercice, c'est, après être passé par le dépeçage, la revente de peaux, de viandes, de plumes, de cœurs, de carapaces ou de fourrure aux commerces locaux. Armuriers, grossistes ou même docteurs ne seront jamais contre récupérer ces produits. Mais leur rôle premier est évidemment de vendre. Le toubib pourra vous refiler des médocs, du tabac à chiquer ou un tord-boyaux, notamment pour restaurer votre santé qui, contrairement à GTA IV, suit le principe de régénération automatique et progressive, sans jauge. L'armurier lui, vous fournira de quoi vous défendre et de quoi chasser. Carabines, cartouchières, couteaux de lancer, dynamite, fusils à canon, pistolets automatiques, revolvers et même appâts peuvent être achetés au fur et à mesure qu'ils sont débloqués en parallèle des différentes missions du jeu. Le magasin du coin lui, plus qu'un simple commerçant, vend toutes sortes d'objets améliorant la vie ou les compétences de John. Par exemple, en s'offrant une patte de lapin, notre cowboy s'assure de récolter davantage d'argent sur les corps qu'il fouille. S'il achète du tabac à chiquer (encore), c'est sa jauge de Sang Froid qui sera entièrement restaurée. Avant d'aborder ce mécanisme, précisons simplement que le commerce de Red Dead se présente davantage comme une distraction qu'un véritable passage forcé. Il est tout à fait possible de terminer le jeu sans avoir dépensé le moindre dollar, ce qui réduit considérablement l'importance de ces lieux.
Le Sang Froid, donc. Voilà l'âme de RDR, ce qui contribue grandement à faire des gunfights du jeu des instants exceptionnels. Il s'agit à la base d'un bullet time, utilisable avec parcimonie puisque limité et se restaurant automatiquement (mais lentement) ou manuellement à l'aide d'un objet prévu à cet effet. Dès lors qu'il l'utilise, le joueur peut marquer tous les ennemis qui lui font face à l'aide d'une simple touche et lorsqu'il a terminé, il lui suffit de tirer pour voir Marston dégommer un à un les malheureux qui ont été sélectionnés. L'effet est garanti, le résultat aussi, d'autant qu'au ralenti, vous pouvez aisément viser la tête afin d'assurer une mort par coup de feu. Ce mécanisme permet donc de renverser des situations compromises, notamment lorsque John se retrouve seul face aux forces de l'ordre américaines, face à l'armée mexicaine ou plus souvent, face aux bandits qu'il va devoir chasser un à un pour progresser dans sa quête. Il incombe alors au joueur de l'utiliser quand il en ressent le besoin, sachant que le Sang Froid est disponible aussi bien à pied qu'à cheval ou en diligence, ce dernier moyen de transport faisant office de taxi à la GTA, payant mais permettant de se déplacer rapidement en zappant le trajet. Il est aussi possible de se téléporter en positionnant un repère quelque part sur la carte puis en utilisant l'option trajet du campement. Le campement permet également de sauvegarder en campagne. Lorsqu'il est en ville, John peut louer des propriétés afin de sauver sa progression.
Mais le moyen de transport favori de John demeure sa monture. Il faut avouer qu'animé de la sorte, un cheval donne envie d'être privilégié, renvoyant aux oubliettes toutes les physiques animales vues dans de précédents titres qui mettent en avant des canassons. Chaque membre de la bête est indépendant, ce qui le rend beaucoup plus vivant et de fait, beaucoup plus précieux que l'on pouvait imaginer. Avant de monter pour la première fois, John doit capturer un cheval, à l'aide d'un lasso puis, en se tortillant tant bien que mal sur le dos de l'animal à l'aide du stick analogique gauche pour le dompter. Plus tard, il pourra carrément élever des chevaux ou s'offrir petit à petit une monture plus vive et plus puissante parmi un choix assez vaste de races : Ardennais, Bai de Cleveland, Canasson Lusitanien, Cheval du Kentucky, Demi-sang hongrois, Higland alezan, Hollandai à sang chaud, Pinto, Tersk, Trotteur américain, Turkoman... Bref, il y en a pour tous les goûts et pour tous les budgets, l'essentiel étant de veiller à ne pas trop en demander à sa monture. Pour cela, le joueur doit appuyer sur la touche de sprint en rythme en évitant de consommer toute la jauge d'endurance du cheval, faute de quoi celui-ci désarçonnera son maître sans hésitation. Sachez également qu'où il se trouve sur la map, John peut à tout moment siffler la bête pour qu'elle apparaisse au galop en quelques secondes.
De New Austin à Homestead en passant par Nuevo Paraiso ou West Elizabeth, le joueur va donc enchaîner les missions pour les uns ou les autres, se moquant bien de l'intérêt de ses partenaires d'un jour. Pour retrouver ceux qu'il cherche, John acceptera d'aider n'importe qui, se faisant même complice de l'armée mexicaine, spécialisée dans l'exécution de civils... Si l'ensemble des missions nécessite évidemment de sortir son arme à maintes reprises, d'autres se veulent plus calmes et ne font pas forcément progresser l'intrigue. Ainsi, il faudra vous armer de patience pour conduire un troupeau de vaches dans son enclos, leur propension à vous écouter variant en fonction du temps. Si un orage s'abat au-dessus de votre tête à ce moment, comptez deux fois plus de temps pour regrouper les unités égarées et particulièrement capricieuses. Toutefois, soyez rassuré, ce genre de missions ne prend pas le dessus sur le reste, souvent fait d'affrontements à chevaux, de duels utilisant le mécanisme du Sang Froid ou d'assauts vers des campements improvisés. En parallèle, il est possible de se distraire en ville en jouant au poker, au black jack, au jeu du couteau, au lancer de fers à cheval, aux bras de fer... Il est même possible d'aller regarder un film au cinéma ou d'aller boire un verre dans le saloon du coin !
Au cours de son aventure, John rencontre des personnages extrêmement développés, tous plus différents les uns que les autres, la plupart du temps des machistes, sales, sans amour-propre, prêts à tuer pour profiter d'une femme, pour trouver l'emplacement d'un trésor ou simplement, pour prendre le pouvoir en pleine guerre civile mexicaine. Il va aussi croiser la route de charlatans, de renégats, de fous et chaque échange, chaque cinématique dévoile beaucoup de leur caractère, en marge de dialogues toujours aussi inspirés mais franchement moins crus et délirants que ceux d'un GTA IV. Ici, il est davantage question d'honneur, de vengeance, de pouvoir, même si, aux quatre coins de la map, John va rencontrer des civils esseulés, peu concernés par cette lutte sans merci et donc les soucis seront plus terre à terre. Ne soyez donc pas surpris si, en plein désert, un quadragénaire vous demande de l'aide pour retrouver son cheval volé sous ses yeux ou si un inconnu a besoin que vous alliez cueillir de la camomille sauvage près du Rio Bravo pour en offrir un bouquet à sa dulcinée. Ces quêtes annexes seront à réussir impérativement si vous souhaitez atteindre les 100% accomplis, moyennant environ une quarantaine d'heures de jeu.
Mais Red Dead Redemption, c'est aussi un mode multijoueur d'une rare richesse. Comme pour GTA IV, Rockstar a tenu à soigner le Online en proposant aux joueurs de participer à une mine de modes de jeu dans cet environnement ouvert, transformant RDR en véritable MMO. Tout d'abord, ce multi permet de revivre en coopération, toutes les missions du mode solo. Premier bon point, d'autant que cette option est également disponible hors ligne mais pour un seul joueur. Le Online compte également un deathmatch, en solo comme en équipe, l'occasion d'utiliser comme il se doit les innombrables armes du jeu. Est également au rendez-vous un équivalent de Capture the flag. Ici, pas de drapeau à empoigner puis à replanter dans son propre camp mais un sac d'or à aller pêcher avant tout le monde sur la map puis à ramener dans son camp avant d'en avoir été dépossédé. Un mode qui a donné naissance à un dérivé dans lequel il faut ramener les fameux sacs dans des coffres pour empocher la somme qu'ils contiennent. Vous vous imaginez aisément que le pourtour des coffres est bien gardé et que la dernière ligne droite est souvent périlleuse. Notez que les joueurs peuvent choisir d'incarner aux choix des mineurs, des rebelles, le Dutch's gang, le Walton's gang, les voleurs de bétail, l'armée américaine, les fédéraux, les hommes de loi ou les marshalls, l'occasion de tester toutes les skins de RDR. Enfin, précisons qu'en parallèle des modes multi, il est tout à fait possible de se balader dans la "free roam", c'est-à-dire n'importe où sur la map, seul ou en bande et de s'attaquer à n'importe qui croisant votre chemin. Si ça, ce n'est pas l'esprit Far West, on n'y comprend plus rien...
- Graphismes18/20
Le souci du détail a primé dans Red Dead Redemption. En plus de bénéficier d'une identité que personne ne pourra lui enlever, le titre ne dérape que très rarement sur la technique. Bourré de personnalité, criant de vérité, exceptionnellement animé grâce aux moteurs RAGE et Euphoria, ce titre nous immerge sans aucune difficulté aux côtés de John Marston, dans cet immense ouest américain. Le cycle jour-nuit accouche de paysages d'une beauté incomparable et les couleurs rendent parfaitement hommage aux différentes cultures qui font vivre ces décors d'une rare finesse. Si quelques textures clippent un peu tardivement, l'ensemble est relativement bluffant, le terrain évoluant selon le temps et les passages. Mention spéciale aux visages des protagonistes ayant été soignés comme jamais.
- Jouabilité18/20
Si quelques éléments ont été repris de GTA IV, notamment le système de couverture et de déplacements dans de petits espaces encore un peu rigides, le gameplay de RDR compte suffisamment de nouveaux mécanismes et de subtilités pour que l'on évite de parler de copier-coller. Le Sang Froid, ce bullet-time si pratique en gunfight, apporte en ce sens énormément. La visée quant à elle, est paramétrable. Vous pourrez donc vivre l'aventure en manuel, en semi-automatique ou en automatique, en fonction de votre capacité à dégommer plus ou moins rapidement vos adversaires. Les missions étant parfaitement équilibrées, aucun sentiment de frustration n'apparaît. On aurait simplement souhaité une IA qui campe un peu moins lorsqu'elle est à pied.
- Durée de vie16/20
Comptez 40 heures pour terminer le jeu à 100% en solo. Ajoutez-y les nombreuses futures heures qu'il sera possible de passer en multi, à la recherche de points d'XP, que ce soit dans les différents modes ou en exploration. La possibilité de refaire toutes les missions du solo en coopération est également un plus non négligeable.
- Bande son20/20
Tout simplement parfaite. Doublages, bruitages et musiques ne toussotent pas le moindre défaut, pas la moindre fausse note. Le plus impressionnant demeure la capacité de Rockstar à faire vivre les différents environnements, insistant sur le bruit changeant des sabots des chevaux, sur le vent qui se lève discrètement ou encore, sur les terribles orages qui s'abattent parfois dans le désert ouest-américain. Le travail effectué a été monstrueux, les nombreux thèmes associés aux missions ou aux situations assumant parfaitement bien leur rôle du début à la fin de l'histoire. Quarante heures de bonheur pour vos oreilles, Quarante heures d'une ambiance sonore qui restera pour longtemps comme une référence absolue.
- Scénario17/20
Encore une fois, scénaristes et dialoguistes ont bossé durement pour nous offrir une aventure originale, enrichie par des personnages délicieux sans jamais virer dans la caricature facile. Chaque PNJ rencontré laisse une trace dans l'esprit du joueur qui se réjouit de les retrouver plusieurs heures après les avoir laissés, comme s'il les connaissait depuis plusieurs opus. L'histoire de Marston est unique et rend le cow-boy incroyablement attachant et c'est bien là l'essentiel.
Avec Red Dead Redemption, Rockstar signe un nouveau chef-d'œuvre sur consoles HD, sans doute un peu trop court. Si GTA a servi de base et de source d'inspiration, l'aventure de ce western spaghettis se suffit à elle-même car magistralement mise en scène. Doté d'une ambiance et d'une personnalité hallucinantes, RDR est un titre parfaitement équilibré, rendu extrêmement jouissif grâce à l'ingénieux mécanisme appelé Sang Froid. Le moindre espace de son terrain de jeu d'une taille record a été utilisé et aménagé à bon escient et aucun moment d'ennui est imposé au joueur, même durant les déplacements les plus insignifiants. On pourra simplement regretter que les interactions urbaines soient rendues gadgets par une difficulté un poil inférieure à nos espérances. Ceci étant, Red Dead Redemption s'impose comme un titre accessible à tous, capable de faire aimer les westerns à quiconque y était allergique et finalement, comme le GTA-Like de ce premier semestre 2010 à posséder impérativement. Merci Rockstar.