Insérez un fond de wargame, un zeste de STR, une pincée de FPS, rajoutez de la gestion et mélangez le tout avec du RPG. Vous obtiendrez "Birthright - Le Pacte des Ténèbres", un véritable cocktail vidéoludique ! Disponible en France en 1997 et alliant (avec plus ou moins de talent) tous ces types de gameplay, Birthright est une véritable bombe qui n'a hélas pas connu le succès qu'il méritait. Gros plan sur ce monument de la rejouabilité.
"Des nouvelles sur les troupes du Gorgon ? Et donne-moi ce fromage de chèvre à côté du pain pendant que tu y es. Comment ? Ils ont vaincu les elfes de Sielwode ? Je te l'avais dit que leur alliance avec les nains de Baruk-Azhik serait insuffisante. Heureusement que notre bon Régent est bien plus futé. J'arrive toujours pas à croire que nos troupes aient investi avec succès Trappe... Pardon ? Oui monsieur, notre bon Régent est parti à l'aventure la semaine dernière avec son vassal et ses lieutenants. Il a rapporté la Couronne de l'Empereur ! Si avec ça il n'est toujours pas reconnu digne de poser son royal fessier sur le Trône de Fer, j'mange plus de tartes aux myrtilles de ma vie !". Voilà à quoi peut ressembler une quelconque discussion d'un début de mois au fin fond d'un royaume d'Anuire... Batailles, invasions, alliances, espionnage, aventures peuvent être votre quotidien si vous succombez à l'appel de Birthright.
Basée sur une licence de jeu de rôle, l'histoire se déroule en Cerilia et plus particulièrement dans les royaumes d'Anuire. La vidéo d'introduction, très sympathique pour l'époque, vous explique les grandes lignes du background du jeu. Dans un monde où vivent humains, nains, elfes, trolls, gnomes et gobelins, une gigantesque bataille fit intervenir, onze siècles plus tôt, l'ensemble de ces peuples ainsi que leurs dieux respectifs. Pas assez satisfaits de ce joyeux massacre, les dieux décidèrent de se matérialiser directement sur le champ de bataille histoire de rendre cette dernière d'autant plus apocalyptique. Aucun dieu ne survécut et leurs essences divines se déversèrent sur les rares survivants de la bataille. Les plus touchés devinrent les nouveaux dieux. Les autres fondèrent les actuelles familles nobles. Enfin, ceux touchés par l'essence du dieu des ténèbres devinrent des monstres très puissants : les awnsheghliens (ce mot imprononçable signifie "sang des ténèbres"). Plusieurs siècles plus tard, le Gorgon, le pire des awnsheghliens (donc le grand méchant pas beau de l'histoire), tue l'empereur d'Anuire. Résultat, l'empire s'effrite en une multitude de royaumes rivaux, leurs régents espérant tous accéder au trône de fer et ainsi dominer les autres. Vous débuterez la partie en tant que régent d'un de ces royaumes et votre objectif est le suivant : accéder au trône. Pour cela il vous faudra faire vos preuves aux yeux de tous. Le profil d'un bon empereur : héroïsme personnel, brio militaire, sens politique et puissance économique.
Étudions maintenant les aspects pratiques du jeu. Une chose est certaine : nous ne sommes pas face à un jeu dit casual. Bien que disposant d'un didacticiel étoffé (mais insuffisant), le joueur peut se sentir un peu perdu les premières minutes de jeu. Il vous faudra plusieurs heures et quelques parties pour découvrir l'ensemble des fonctionnalités et cerner les nombreuses possibilités offertes. La fenêtre de base est une carte stratégique de l'ensemble des royaumes d'Anuire. C'est ici que vous passerez le plus clair de votre temps. Cette phase de jeu est en tour par tour : un tour équivaut à une semaine, trois tours correspondent à un mois. Cette première notion est importante car vos sauvegardes ne débuteront qu'en début de mois, au moment où vous récoltez vos revenus (provenant de vos impôts, tenures, pillages ou tributs) et payez la solde de vos armées. Il faudra choisir à bon escient l'action réalisée durant un tour de jeu. Vous devez, par exemple, déclarer la guerre à un royaume ennemi si vous souhaitez que vos troupes traversent sa frontière. L'aspect militaire vous permet de recruter des troupes et des lieutenants, de construire des châteaux et des routes pour vos troupes, de déclarer des guerres et investir des territoires ennemis afin d'étendre votre royaume. Les options économiques, elles, sont principalement centrées sur la gestion de vos tenures. Les tenures peuvent êtres des casernes, des guildes de commerce ou des temples. Une caserne sur vos terres améliorera vos impôts et, en terre ennemie, vous fournira des revenus de brigandage. Les guildes et temples sont également des sources de revenus. Vous pourrez donc améliorer vos tenures, en créer de nouvelles, contester les tenures adverses sur vos territoires ou créer des routes commerciales. La politique et la diplomatie sont tout aussi primordiales. Vous pourrez signer des alliances de niveaux différents, voire même négocier un serment de fidélité qui relie un suzerain à un royaume vassal. Vous pouvez également négocier avec des personnalités autonomes, propriétaires de tenures dans tout Anuire. Enfin la magie mérite également quelques lignes. Vous aurez accès à une bonne vingtaine de sorts de royaumes grâce à vos temples ou à des sources de magie (raser un château, lever des troupes de squelettes, immobiliser des troupes, et bien d'autres encore).
Cette gestion de votre royaume est, sans aucun doute, la phase la plus réussie du jeu. Les graphismes sont très fins et n'ont pas trop mal vieilli en douze ans. Néanmoins Birthright - Le Pacte des Ténèbres inclut également deux autres phases de jeu : les batailles et le mode Aventure. Les batailles ont lieu en temps réel sur un plateau constitué de plusieurs cases. Vous pourrez y faire déplacer et combattre vos troupes, lancer des volées de flèches d'archers ou permettre à vos magiciens d'inonder l'ennemi de boules de feu. Cette phase de jeu n'est pas si mal pour l'époque. Vous devrez prendre en compte la nature du terrain et le moral de vos troupes. L'usage du sprite pour une vue en 3D n'a pas supporté l'âge du temps en ce qui la concerne. La pixellisation pique légèrement les yeux mais reste dans l'ordre du supportable. Le mode Aventure a, pour sa part, très mal vieilli. Avec une vue à la première personne, vous allez ici parcourir donjons et châteaux à la recherche de trésors ou d'artefacts légendaires. Le succès de ces missions apporte réputation ou nouvelles options de jeu à votre royaume. A l'image d'un Doom, le moteur graphique de cette phase FPS mélange un décor en véritable 3D avec des personnages et objets en 2D. Cette insuffisance technique met au tapis l'ambition des développeurs. Ces séquences sont difficiles (impossible de reconnaître un passage secret entre deux énormes pixels par exemple), frustrantes et vite lassantes.
Et les défauts de Birthright - Le Pacte des Ténèbres ne se limitent hélas pas qu'aux graphismes et gameplay du mode Aventure. De nombreux bugs n'ont jamais trouvé de patch correctif. Ainsi le jeu se ferme automatiquement lorsque vous devenez trop puissant. En effet l'objectif du jeu est d'additionner un certain score de régence mais rien ne vous empêche de poursuivre le jeu en étant Empereur d'Anuire. Hélas le titre ne supporte pas un certain niveau de puissance. Impossible d'envahir les territoires du Gorgon par exemple. Très frustrant ! De plus l'intelligence artificielle est d'époque (comprenez par là pas "limitée"). Ne vous attendez pas à être pris par surprise, ni à comprendre pourquoi un royaume, cent fois plus riche que vous, n'investisse pas en masse dans des troupes militaires ou ne rachète pas de tenures… La complexité de la phase stratégie/gestion, pouvant paraître obscure les premières heures de jeu, et les insuffisances techniques du mode Aventure ont porté préjudices à la réputation du jeu qui ne reçut pas un succès suffisant.
Finissons cependant ce test sur la principale qualité de ce soft : sa toute puissante rejouabilité. Les très nombreuses options de jeu et ses royaumes diversifiés vous apporteront de nombreuses parties toujours différentes. Douze ans après sa sortie, une poignée de passionnés continue encore à y jouer (Birthright nécessite DosBox si vous utilisez un Windows de 64 bits). Ces derniers n'attendent qu'une chose : un remplaçant au moins aussi riche que Birthright et tirant parti des dernières avancées avec donc un moteur graphique et une meilleure intelligence artificielle.
- Graphismes13/20
Bilan mitigé. Les graphismes 2D de la phase stratégie/gestion sont toujours aussi délicats malgré la résolution d'écran limité. Les choses se gâtent avec la phase bataille : la bouillie de pixels peut piquer vos chastes prunelles. Enfin le moteur graphique obsolète du mode Aventure ne fait pas de cadeau et peut même entacher le plaisir de rejouer au jeu. L'insuffisance graphique du mode Aventure ampute de plusieurs points la notation.
- Jouabilité12/20
Bilan également mitigé. Certaines mauvaises langues qualifieront le jeu d'obscur, d'être confus et compliqué. Mais après quelques efforts d'investissement, la richesse du jeu vous illuminera et vous comblera. La jouabilité très mauvaise du mode Aventure ampute également la notation à ce niveau.
- Durée de vie19/20
Douze ans ! Douze ans et encore joué de nos jours par d'irréductibles joueurs. Lorsque les derniers hits vous lassent, retrouvez, avec un plaisir toujours renouvelé, les joies de Birthright dans une partie jamais identique.
- Bande son17/20
Birthright regroupe des bandes sons très réussis. Mention spécial aux graves cors lors de la phase stratégie/gestion. Aussi relaxant que stressant, on ne s'en lasse pas ! Bien sûr toutes les bandes-son ne sont pas réussies. Et c'est toujours le mode Aventure qui plombe l'ensemble avec plusieurs morceaux de synthétiseur très désuets et donc lassants. Enfin les bruitages et les voix sont des merveilles. Vous n'oublierez jamais le "Par Azrai, ces mortels déraisonnent ou ne tiennent-ils pas à la vie !" ou le lancinant "Quoi ? ! Ce mortel lui aussi serait las de vivre !" de deux awnsheghliens.
- Scénario18/20
On ne peut pas dire que le scénario vole au-dessus des pâquerettes. « Tout le monde veut dominer l’autre et un grand méchant nous manipule tous ». La note correspond plus au background riche et cohérent de la licence qu'elle utilise particulièrement bien.
Nous avons là tous les ingrédients pour détenir un hit sans précédent mais Birthright laisse une saveur d'inachevé. Jeu sans doute trop précurseur, les limites techniques de l'époque n'étaient pas à la hauteur de ses ambitions. Quoi qu’il en soit, si vous parvenez à passer outre ses défauts (rien ne vous empêche d’ignorer le mode Aventure) vous serez charmé par les nombreux styles de gameplay qui vous sont offerts et risquez d’en devenir accroc. Au final, Birthright mérite largement le coup d'œil et personne ne serait contre un lifting technologique !