Si la planète E.D.N. III n'a plus tout à fait l'aspect d'une boule à neige, c'est peut-être parce que les petits gars de Capcom ont tout fait pour faire monter la température ! Car Lost Planet 2 a beau reprendre paresseusement les bases de gameplay établies par son aîné, il n'en essaie pas moins de passer à la vitesse supérieure en misant quasi exclusivement sur la coopération et sur son multijoueur. Dépourvu de solo digne de ce nom, Lost Planet 2 est donc le produit d'un parti pris assez audacieux dont on verra dans les lignes qui suivent s'il tient vraiment la route.
Allez, avouez que vous ne vous souvenez plus vraiment du scénario du premier Lost Planet. Des pérégrinations de Wayne ne subsiste pour beaucoup de joueurs que l'impression d'avoir traversé un gigantesque tourbillon de violence pure. Massacrée par des cinématiques platement mises en scène et des personnages aussi charismatiques que des moules marinières, l'histoire du premier volet ne constituait finalement qu'un prétexte à des combats hallucinants contre des créatures de plusieurs dizaines de mètres et des hordes de pirates des neiges secondées par de puissants méchas. Eh bien, aussi dingue que ça puisse paraître Lost Planet 2 pourrait presque faire passer son aîné pour un chef-d'oeuvre de narration. En effet, le nouveau bébé de Capcom nous invite cette fois à suivre les aventures de cinq personnages différents, à travers six chapitres qui constituent autant de mini-campagnes. Le résultat, c'est que les trois-quarts du temps, on ne sait pas vraiment contre qui on se bat et encore moins pourquoi. Tout juste déduira-t-on que les pirates des neiges n'aiment pas les pirates de la jungle...
Car oui, au cas où vous n'auriez pas suivi, dix ans se sont écoulés depuis les événements du premier volet et la planète gelée a vu son climat modifié en profondeur, au point de voir naître de vastes forêts et de gigantesques déserts ! De fait, le seul véritable mérite de ce découpage sauvage du jeu en différentes campagnes est qu'il permet de nous offrir une bonne quantité de décors différents. Ce que Lost Planet perd en cohérence, il le compense donc par une variété salutaire. En cours d'aventure, vous vous retrouverez donc à gambader dans la neige comme au bon vieux temps, à courir dans la jungle avant de suivre le cours d'une jolie rivière, à dégommer des gardes dans les bas-fonds d'une cité-ruche ou à combattre des diplodocus aux attaques soniques dans les rues d'un village perdu au beau milieu d'un désert. Et si Lost Planet 2 ne fait plus exactement figure d'étalon graphique comme ce fut le cas pour le premier épisode, il parvient néanmoins à produire des ambiances extrêmement diverses, pour un résultat global des plus satisfaisants.
Bon, tout cela, c'est bien joli, mais vous devez maintenant vous demander ce que Lost Planet 2 a dans le ventre une fois la manette dans les mains. Eh bien, le fait est que le jeu se pilote exactement de la même manière que son aîné. Quel que soit le personnage placé sous notre contrôle, on retrouve donc des déplacements assez lourds, plus ou moins bien compensés par la présence d'un grappin, par la possibilité de se tourner à 90° d'une volte immédiate, par une course à la Gears of War et par la capacité à faire des roulades en se baissant puis en appuyant sur la touche de saut... Le seul changement notable tient à la façon dont fonctionne la jauge d'énergie thermique (th-én). Cette dernière ne baisse plus inexorablement comme c'était le cas dans le premier jeu et "l'harmonizer", le capteur de th-én, qui permettait de regagner de la vie quasi-instantanément en cas de blessure devra maintenant être activé à la main en appuyant longuement sur la touche start. Sans cela, votre "harmonizer" se contentera de vous faire regagner très lentement votre santé.
Bref, on se retrouve là en terrain connu, et c'est donc sans trop se poser de questions que l'on commencera à traverser les premiers niveaux. Seulement voilà, en quelques minutes, vous vous apercevrez que Lost Planet 2 n'est tout simplement pas fait pour être pratiqué en solo. Secondé en permanence par 3 bots dotés d'un potiron en guise de cerveau, on se rend vite compte que certains passages sont bien trop ardus et/ou trop déséquilibrés pour un simple mortel. Bon, c'est sûr, le coup de l'IA en mousse marche également pour l'ennemi, mais lui peut compter sur le nombre ou sur une puissance démesurée (dans le cas des Akrids tout du moins) pour compenser. Défendre quatre foreuses espacées d'une dizaine de mètres seulement prend tout simplement des airs de chemin de croix dès lors qu'on s'y attaque en Difficile. La seule option est donc de se brancher en ligne (ou d'inviter un pote pour jouer en écran splitté, avec des fenêtres tronquées comme dans RE 5) pour dégoter d'autres acharnés du fusil d'assaut en priant pour que le jeu devienne enfin jouable. C'est heureusement le cas, même si globalement, les combats contre les diverses factions humaines resteront toujours bien au dessous des affrontements contre les Akrids. Trop figées, ces scènes sont d'ailleurs vite oubliées lorsqu'il s'agit d'affronter les boss insectoïdes, et notamment les Akrids de catégorie G.
C'est là, et uniquement là, serait-on tenté de dire, que Lost Planet 2 parvient à briller. Combattre un géant de la taille d'un immeuble avec trois potes, en profitant d'un arsenal aussi abondant qu'impressionnant représente un pur moment de bonheur. En enfourchant un VS (les méchas de Lost Planet) ou en jouant du grappin pour se trouver un poste de tir, on fera en sorte de trouver le point faible du monstre et de combiner les assauts pour en venir à bout. Vous assisterez ainsi à des séquences dantesques lors desquelles une partie de l'équipe tentera de détruire les gigantesques pattes d'un Akrid tandis que l'autre se préparera à lui grimper dessus et à pénétrer dans ses entrailles pour le détruire de l'intérieur. Lost Planet 2 prend alors des airs de gigantesques Monster Hunter, fun à se damner et diablement exigeant. C'est à travers ces séquences que vous prendrez également conscience de la nécessité de maintenir votre jauge de combat en état. En fait, cette dernière correspond plus ou moins au total de "vies" dont dispose votre équipe. Chaque décès ôtera 500 points à ce capital et si la jauge se vide totalement, c'est le game over, avec obligation de repartir au début du chapitre. Ne rigolez pas, cela arrive plus rapidement qu'on ne le croit, même si le fait d'activer les postes de données répartis sur chaque carte (en martelant le même bouton) vous permettra de regonfler votre capital santé.
Dans ce contexte, on comprend tout l'intérêt de préserver son énergie thermique (et donc sa santé) le plus possible et parfois de venir en aide à un pote malmené. Il est ainsi possible, via un fusil spécial, de lui transférer un peu de th-én. A ce titre, Lost Planet 2 use d'ailleurs d'un procédé assez retors : certaines armes sont en fait stockées dans des caissons spéciaux qui nécessiteront d'être ouverts à grands coups de thermo-énergie. Aussi faudra-t-il toujours vous demander si vous êtes prêt à troquer de la santé potentielle contre une plus grande puissance de feu. Bref, vous l'avez compris, en dépit de quelques bonnes idées et d'affrontements intenses contre des boss aux proportions inimaginables, la partie campagne de Lost Planet 2 s'avère plutôt décevante. Le tout étant d'ailleurs achevé par quelques petits détails pénibles, comme l'impossibilité de rejoindre une partie en cours avant que les joueurs n'atteignent la fin d'un niveau, ce qui peut prendre un bon moment. Quant au multijoueur pur et dur, Lost Planet 2 se contente plus ou moins de recycler tout ce que l'on peut déjà trouver dans l'édition Colonies, et plus généralement dans les autres shooters sortis ces dernières années. Certaines des cartes les plus populaires sont même de retour, ce qui fera tout de même plaisir aux fans. Il est simplement dommage de constater que les menus de Lost Planet 2 soient si mal fichus. Vous y adapter et profiter des nombreuses possibilités de customisation de vos avatars demandera donc un peu de tâtonnement, ce qui est tout de même assez incroyable pour un titre de cette envergure.
- Graphismes15/20
Si Lost Planet premier du nom avait su nous faire frissonner par sa technique, il faut avouer que ce nouvel opus ne paraît pas aussi impressionnant face à une concurrence devenue beaucoup plus agressive. Le jeu est certes capable d'afficher des décors majestueux et des boss dont la taille et l'animation peuvent nous laisser béats d'admiration, mais il aligne également des niveaux bien moches et quelques effets un peu cheap. C'est en quelque sorte la contrepartie à des environnements extrêmement variés.
- Jouabilité13/20
Autant vous faire à l'idée, traverser Lost Planet 2 en solo n'a absolument aucun intérêt. Le jeu n'a d'ailleurs pas été pensé pour ça, comme le prouve la médiocrité de son IA et la nature des objectifs de chaque mission. En coop en revanche, le gros bébé baveux de Capcom devient tout de suite plus prenant, sans pour autant parvenir à insuffler beaucoup de vie aux affrontements contre les factions humaines. Heureusement que les boss Akrids sont là pour dynamiser l'aventure, donnant même parfois lieu à des séquences d'anthologie, en dépit du chaos ambiant (auquel la caméra n'est pas étrangère). Pour finir, sachez que le tout est malheureusement marqué par une prise en main assez lourdingue, avec trop d'actions différentes associées aux mêmes boutons, et par un level design qui ne se révèle pas toujours très heureux.
- Durée de vie15/20
En coop et en boostant un tantinet la difficulté, Lost Planet 2 peut potentiellement vous accrocher à votre écran pendant une bonne douzaine d'heures. Ses campagnes inégales lui assurent ensuite une rejouabilité partielle. Côté multi compétitif, on profite d'une offre plutôt conséquente, qui a d'ailleurs déjà fait ses preuves par le passé avec l'édition Colonies du premier volet notamment.
- Bande son16/20
La bande-son de Lost Planet 2 repose sur un mélange composé de musiques symphoniques d'excellente qualité, quoiqu'un peu trop génériques, et de bruitages qui parviennent à retranscrire avec brio la fureur des combats. Seules les répliques de certains combattants sur le terrain manquent de crédibilité. On appréciera en revanche les cris inhumains des Akrids, des cris qui suintent souvent la rage la plus absolue. Impressionnant.
- Scénario7/20
Les 6 campagnes de Lost Planet 2 ne donnent finalement lieu qu'à une succession assez insipide de missions disparates dont on ne comprend ni les tenants, ni les aboutissants. Les personnages et les situations défilent sans le moindre liant apparent et on finit inévitablement par se désintéresser de ce qu'on peine à qualifier de scénario.
Avec son IA médiocre et sa structure un peu bancale, Lost Planet 2 exclut d'emblée ceux qui ne peuvent pas jouer en ligne. En solo, ou même en écran splitté avec un pote, le jeu de Capcom ne convainc jamais et se révèle même souvent impraticable. Mais une fois sur le net, la donne change sensiblement. Le titre oscille alors entre des séquences très fades lors desquelles on affrontera des soldats mous du bulbe et de purs moments de folie contre des Akrids qui plus que jamais, constituent la seule attraction touristique digne de ce nom sur E.D.N. III. Le résultat paraît donc trop inégal pour son propre bien, d'autant que le jeu repose sur une maniabilité qui gagnerait franchement à évoluer. Reste le multijoueur compétitif, très efficace en dépit de son classicisme. En somme, on ressort déçu de cette expérience qui promettait pourtant beaucoup, même s'il est évident que les amateurs de coop et scoring verront sans doute en Lost Planet 2 une sorte de Graal vidéoludique. Mais il est peu probable que cela soit l'avis de la majorité.