En effet, la trilogie Xenosaga est bien souvent comparée, assez négativement d'ailleurs, à son illustre ancêtre. Il faut bien l'avouer, les deux premiers volets n'ont pas brillé par leur système de jeu ou leurs qualités techniques. En revanche, le scénario a toujours répondu aux attentes des joueurs en se situant très au-dessus des standards du jeu de rôle classique. Autant l'annoncer tout de suite, Xenosaga III ne déroge pas à la règle et propose pour cette conclusion un déroulement extrêmement soigné et complexe, dont l'envergure ainsi que la portée philosophique et dramatique apparaissent tout bonnement incroyables. L'histoire reprend un an après les événements relatés dans Xenosaga II : Jenseits von Gut und Bose. Shion Uzuki a quitté Vector Industries à la suite de désaccords vis-à-vis de certaines actions condamnables de ses employeurs. Elle travaille désormais pour un groupe d'indépendantistes nommé Scientia et mené par la fascinante Doctus, qui cherche à révéler au grand public les dessous peu reluisants de Vector. Un nouvel androïde pour le moins dangereux va faire son apparition, baptisé T-elos. Également au programme, un voyage dans le temps qui sera l'occasion pour Shion d'en apprendre plus sur son passé et pour le joueur de revivre le conflit de l'ancienne Miltia, au centre de bien des intrigues. Les références bibliques indissociables de la saga sont plus présentes que jamais, tout comme les nombreux questionnements philosophiques qui font écho aux sous-titres de chaque jeu de la série depuis son commencement et tirés d'œuvres du philosophe allemand Nietzsche. Néanmoins, il est certain, et c'était déjà valable pour l'épisode deux, que ceux qui n'ont pas joué aux volets précédents risquent fort d'être perdus au milieu de la masse d'informations et des relations très complexes existantes entre les personnages.

Heureusement, le jeu propose l'accès à une base de données très complète qui résume non seulement les deux premiers Xenosaga, mais permet aussi aux joueurs désireux de se plonger encore plus dans cet univers, d'apprendre de nombreuses choses par la biais de dossier et l'accès à toutes les vidéos présentes dans le dernier jeu. Même si cela peut aider les néophytes de l'univers Xenosaga, rien ne remplace le fait d'avoir joué aux précédents titres, un passage obligé pour vraiment saisir le scénario dans son ensemble. La plupart des questions posées par les épisodes antérieurs trouvent enfin leurs réponses ici, même si le soft se permet le luxe d'en poser de nouvelles et d'en laisser quelques unes en suspens. Ceci est d'autant plus incompréhensible qu'il aurait été très aisé pour ses créateurs d'y répondre, comme par exemple à propos de la véritable origine de Wilhelm, antagoniste dont le passé est des plus mystérieux‎. On en apprend en revanche beaucoup sur d'autres personnages, tels les très classieux Testaments ou le taciturne Canaan. S'il y a bien un reproche à faire au niveau des révélations scénaristiques du soft, c'est leur mauvaise répartition. En effet, le joueur se retrouve complètement perdu par l'avalanche d'informations capitales qui lui tombe dessus lors des dernières heures de l'aventure alors qu'il aurait fallu bien plus de temps pour tout assimiler. Le scénario gagne en dynamisme et en profondeur au fur et à mesure de l'avancement dans le jeu, tandis que le début plus lent est l'occasion pour le joueur de se familiariser avec le nouveau système de combat.

Après le système d'affrontements peu dynamique et assez ennuyant de Xenosaga II, les concepteurs ont décidé de revenir à quelque chose de plus classique tout en apportant quelques subtilités. Les ennemis sont visibles à l'écran et les combats se jouent à trois alliés et au tour par tour, l'ordre des attaquants s'affichant dans le coin supérieur gauche de l'écran. Au fur et à mesure qu'un camp porte des coups à l'autre, une jauge de boost se remplie. Au début de l'aventure, la jauge comporte trois niveaux. Cette jauge peut être utilisée soit pour effectuer un boost, c'est-à-dire de donner la possibilité à un personnage d'attaquer une nouvelle fois, soit pour effectuer une attaque spéciale surpuissante moyennant un ou plusieurs niveaux de la jauge. Ce système a pour effet de dynamiser les combats et de rajouter un aspect stratégique supplémentaire au soft, les ennemis bénéficiant également d'une jauge de boost. Autre indicateur important, la jauge de break. Ennemis et alliés voient leur jauge de break augmenter à chaque coup reçu. Lorsque cette jauge est remplie au maximum, le personnage passe en état de « Break » et se retrouve étourdi pendant plusieurs tours et ne peut donc pas attaquer. Il subit également de plus grands dégâts. Chaque personnage a également à sa disposition un éventail de techniques et de magies, appelées ici « Ether ». Chacun de ces types d'attaques s'effectue en consommant des « Ether Points » et possèdent différentes propriétés et effets de zone. Il est à déplorer que les techniques se ressemblent toutes, les animations étant bien souvent les mêmes à la différence près d'un effet graphique qui change.

L'autre facette importante des combats est celle qui s'effectue aux commandes des E.S, méchas géants à la puissance de feu impressionnante. Les combats se présentent de la même manière que ceux à pieds, mais les jauges de break et de boost disparaissent. A la place, une jauge d'Énergie et une jauge d'Anima font leur apparition. La jauge d'Énergie est un principe emprunté à Xenogears. Chaque E.S dispose d'attaque en fonction des armes qui lui sont équipées, et chaque coup avec ces armes consomme une certaine quantité d'Énergie. Les méchas sont donc capables d'enchaîner plusieurs coups, tant que leur jauge d'Énergie n'est pas vide. La jauge d'Anima quant à elle comporte jusqu'à trois niveaux et se remplit à chaque coup porté. Une fois remplie, il est possible de déclencher un des niveaux d'Éveil de l'Anima du robot pour lancer une attaque aussi impressionnante au niveau des dégâts que visuellement. Les E.S sont également capables d'effectuer des coopérations. Ainsi il n'est pas rare de voir un allié ou les deux venir porter un coup supplémentaire à l'adversaire après une attaque. Là encore, les joutes sont vraiment dynamiques et la possibilité de modifier les pièces d'équipement des méchas est vraiment un plus. En revanche les méchas ne peuvent pas utiliser de magies Ether ni obtenir de nouvelles techniques comme le font les personnages. En effet, les personnages acquièrent de nouvelles techniques lors de leur montée en niveaux, mais peuvent également en débloquer via une sorte de grille contenant ces nouvelles aptitudes. Elles se débloquent en utilisant les « Special Points » obtenus lors des combats.

Xenosaga III profite également d'améliorations par rapport à ses prédécesseurs lors des phases d'exploration. Il est possible d'effectuer des interactions avec les décors, en détruisant ou déplaçant certains éléments de ceux-ci. Avant chaque combat, il est possible de poser un piège, puis de le déclencher lorsqu'un ennemi passe à portée pour le figer et ainsi commencer la bataille par une attaque préventive. Des bornes sont présentes à intervalle régulier, permettant de parcourir à nouveau certains lieux déjà visités à la recherche de coffres cachés ou de portes secrètes. Les cartes des villes sur lesquelles il est possible de se déplacer sont toujours présentes, plus vastes et détaillées que jamais. Le design des E.S est vraiment classe et les personnages adoptent un rendu qui leur va à merveille, entre le style manga du premier volet et le réalisme du second.

S'il est bien un point sur lequel Xenosaga III a effectué un grand bon en avant, c'est sur les graphismes. Le soft dispose d'un tout nouveau moteur graphique et l'utilise à la perfection. Le jeu est réellement sublime sur Playstation 2. Il suffit de parcourir une ville de nuit ou une forêt pour s'en convaincre. Les effets graphiques et les effets de lumière en mettent plein les yeux. La mise en scène est la première à bénéficier de ce progrès. La caméra n'est pas modifiable, mais les angles de vue sont le plus souvent très pertinents et mettent en valeur les décors et le level design ainsi que les différentes cut-scenes et cinématiques, qui utilisent le moteur du jeu. Ces scènes où le joueur devient spectateur sont très présentes, comme à l'accoutumée dans la série, et le jeu annonce d'ailleurs 8 heures de cinématiques pour 30 heures de gameplay. Au niveau de la bande-son, les compositions de Yuki Kajiura s'accordent parfaitement à l'ambiance du jeu, certains morceaux étant absolument fantastiques. Notez que les cinématiques disposent d'un bon doublage, ce qui rajoute beaucoup à l'immersion. Les bruitages, notamment les bruits de pas, peuvent se montrer assez agaçants mais l'ensemble reste très appréciable.

Finalement, Takahashi a réussi à clôturer cette gigantesque saga par un épisode bien au-dessus des précédents au niveau de la réalisation, et parvient à conserver en même temps la profondeur et la complexité du scénario qui en ont fait la renommée. On ne peut que ressentir un pincement au cœur lorsque le générique de fin s'affiche à l'écran à l'issue de cet ultime volet, et on attend alors avec impatience la prochaine occasion de pouvoir se replonger dans un univers aussi dense et travaillé.