« Mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? ». Voilà en gros le titre de la série d'Acquire sur PSP dont voici déjà le second volet. Edité par NIS America, ce soft parodie sans vergogne les J-RPG en nous plaçant du côté des populations opprimées, persécutées depuis toujours par des héros sans pitié : les monstres ! Vous l'aurez compris, le background de ce titre est aussi délirant que déstabilisant, mais pas autant que son système de jeu !
My Lord 2 (pour faire court) a clairement été conçu par des gros fans de RPG old-school. Truffé jusqu'à la moelle de références liées au monde du jeu de rôle sur consoles, le soft prend un malin plaisir à ne jamais se prendre au sérieux. Tout est prétexte à renverser les codes depuis trop longtemps établis. Dans cette optique, Acquire réussit presque à nous convaincre que les méchants sont en réalité ceux que l'on prénomme héros. Ceux qui, munis de leurs lames flamboyantes et de leurs sortilèges impitoyables n'ont toujours eu qu'une seule idée en tête : anéantir les vilaines créatures qui se terrent dans les profondeurs insondables des donjons et qui tremblent de peur à l'idée d'être pourfendues par ces êtres avides de trésors et d'XP.
Il est donc grand temps de mettre un terme à cette injustice, à ce drame que vivent au quotidien ces créatures qui, après tout, n'ont de monstrueux que l'apparence. Complètement dépassé par la situation, le seigneur du mal fait appel au Dieu de la Destruction, vous-même (!), pour tenter de piéger les groupes de héros dans un donjon suffisamment labyrinthique pour qu'il devienne leur tombeau. Sous la forme d'une pioche (!!), vous allez donc creuser la terre afin de concevoir les galeries qui abriteront vos légions démoniaques. Car, comme le sol renferme des nutriments, la vie est possible, même dans les entrailles du Netherworld, et vous allez exploiter cela pour entretenir un véritable écosystème composé de larves, d'insectes et de démons, et régi par la loi la plus impitoyable de la nature : la chaîne alimentaire.
En dépit de ses nombreux clins d'oeil aux J-RPG, My Lord 2 n'est donc pas du tout un jeu de rôle mais plutôt un jeu de gestion et de stratégie. Ne pouvant rien faire de plus que piocher la terre, vous devrez compenser vos moyens limités par un esprit tactique à toute épreuve. Le plus important étant, dans un premier temps, de bien comprendre comment la construction de vos galeries va influer sur l'écosystème de vos monstres. Chaque mission se déroule généralement de la façon suivante. Vous partez de l'antre principal de votre donjon et vous devez excaver la terre du Netherworld en creusant le labyrinthe le plus inextricable qui soit pour mettre en sécurité votre bras droit, le seigneur du mal. Après quelques instants, les héros pénètrent dans votre souterrain et exterminent toutes les créatures qui se mettent en travers de leur route jusqu'à ce qu'ils trouvent votre protégé. A vous de les empêcher de le kidnapper en les obligeant à emprunter les chemins les plus dangereux de votre labyrinthe. Sur le chemin du retour, vous devez continuer de piocher la terre pour tenter de produire encore plus de créatures capables de réduire à zéro les points de vie des héros, sans quoi le suzerain est perdu et la mission échouée.
A partir de là, toute la subtilité du système de jeu réside dans le fait que la nature des monstres qui naissent dans le labyrinthe dépend directement de la forme que vous donnez à vos galeries. Au départ, le sol ne renferme que des nutriments qu'il faut excaver pour produire des mousses gluantes. Ces larves inoffensives ont un rôle clef dans l'évolution du donjon, car ce sont elles qui acheminent les nutriments à travers le labyrinthe. En creusant des galeries en T, H ou O, vous obligez les mousses à véhiculer une forte concentration de nutriments au même endroit, ce qui enrichit la terre et permet de produire des blocs plus chargés en ressources, et donc des monstres plus évolués. Mais tout cela a une contrepartie, car pour survivre, certaines créatures sont obligées d'en manger d'autres. Il faut donc veiller à ce que leur nombre leur permette de coexister le plus longtemps possible en respectant les principes de la chaîne alimentaire.
L'assimilation des mécanismes de base du gameplay requiert donc un certain temps d'adaptation pour qui n'a pas joué au premier volet. Présentés avec beaucoup d'humour, les niveaux d'entraînement sont justement là pour nous inculquer toutes les ficelles du système de jeu. Simple à première vue, le concept se révèle incroyablement complexe lorsqu'on prend en compte toutes les possibilités d'évolution qui nous sont offertes. Certains monstres ne se reproduisent que dans certaines conditions, d'autres se dévorent entre eux, et la plupart sont même capables de muter pour donner vie à des espèces anormales ou géantes. Parallèlement au bestiaire conçu à partir des mousses gluantes, il existe toute une ribambelle de créatures magiques (liliths, dragons...) qui naissent à partir du mana émis par les héros qui utilisent des sortilèges. Dans cet opus, des champignons peuvent également apparaître pour vous aider à recycler ce mana dans le but de créer de nouvelles espèces magiques. Des runes peuvent aussi être utilisées pour invoquer des démons spéciaux en isolant certains blocs riches en ressources. Autant dire qu'il vaut mieux creuser en sachant exactement quelles seront les conséquences de notre labeur, car il n'est pas toujours facile d'anticiper avec clairvoyance la façon dont les bestioles vont s'organiser entre elles pour survivre. Par conséquent, même si on débute presque toujours avec un tableau quasiment identique (un sol vierge comportant seulement quelques nutriments), aucune partie ne se ressemble.
S'il est coulé dans le moule de son prédécesseur, ce nouvel opus renferme toutefois davantage de possibilités et se révèle mieux construit. En mode Histoire, on n'est plus obligé d'enchaîner tous les niveaux sans pouvoir sauvegarder. Ces derniers sont répartis dans des mondes que l'on doit compléter au fur et à mesure, ce qui permet d'avancer de manière plus progressive. A chaque fois qu'un groupe de héros trépasse, vous avez la possibilité d'utiliser les coups de pioche non utilisés pour augmenter le niveau de vos créatures. Un bonus qui peut sérieusement faire la différence dans les niveaux les plus difficiles. Car s'ils sont un peu bêtes, les héros deviennent de plus en plus coriaces au fil de l'aventure, certains ayant même l'idée de placer des torches pour sécuriser le donjon ou de poser des points de sauvegarde que vous devrez vous empresser de supprimer ! Comptant un nombre de défis assez important, le soft abrite également la chambre du seigneur du mal qui permet d'expérimenter librement les possibilités offertes par le jeu. Véritable OVNI sur la scène du jeu vidéo, My Lord 2 pourra vraiment séduire les amateurs de concepts atypiques peu regardants sur l'aspect technique du soft.
- Graphismes10/20
La dimension rétro est appréciable mais le rendu visuel demeure carrément rebutant. Bien que visuellement austère, le titre se permet quelques petites améliorations graphiques par rapport au premier volet, comme l'ajout d'une fenêtre qui zoome sur les événements importants ou des gros plans sur les héros vaincus en fin de partie.
- Jouabilité16/20
My Lord 2 ne se contente pas de reprendre le concept établi par son prédécesseur. Les possibilités engendrées par la mutation des créatures et l'ajout de dizaines d'espèces différentes susceptibles d'apparaître rendent la maîtrise du jeu beaucoup plus complexe. Le comportement des héros est également plus difficile à appréhender.
- Durée de vie13/20
Le découpage du mode Histoire en plusieurs étapes de difficulté progressive permet de rentrer plus facilement dans le jeu, mais les défis et les entraînements sont toujours fortement recommandés. Les parties étant relativement courtes, on pourra tout de même se lasser rapidement.
- Bande son14/20
Dans un style rétro assumé, les ritournelles qui constituent la bande-son sont hélas bien trop peu nombreuses. Les voix yaourt rendent les répliques du seigneur du mal encore plus délectables.
- Scénario/
Le franc-parler du seigneur du mal et ses allusions multiples à différents médias rendent la découverte du titre assez plaisante, d'autant que les textes sont intégralement traduits en français. Par contre, il n'y a pas de scénario à proprement parler.
Si vous étiez passé à côté du premier épisode sur PSP, sachez que ce second volet de What Did I Do to Deserve This, My Lord!? est idéalement pensé pour découvrir la série. Truffé de références en tout genre et parodiant allègrement les poncifs du J-RPG, ce titre s'apparente avant tout à un jeu de gestion qui consiste à piéger des héros dans un labyrinthe peuplé de monstres. Toute la subtilité du concept réside dans la complexité de cet écosystème régi par la dure loi de la chaîne alimentaire.