Portal, en voilà un grand jeu, original dans son gameplay autant que dans son ambiance. Curieusement, il n'a pas encore fait d'émules. A part sans doute Twin Sector, ce qui est bien dommage.
Mais non Twin Sector n'est pas un clone malheureux de Portal. Ca n'a rien à voir, rien du tout. Dans Twin Sector déjà on joue une femme réveillée de sa stase par une intelligence artificielle qui va lui fournir un appareil lui permettant d'agir sur son environnement, engin grâce auquel elle pourra résoudre des puzzles mortels. Bon, d'accord, il y a peut-être une mince ressemblance mais ici, déjà, les couloirs tordus que vous traverserez ne sont pas une zone de test mais un complexe dans lequel une partie de l'humanité s'est faite congeler en attendant de pouvoir retourner à la surface d'une terre qui ne lui fournit plus de ressources. Et OSCAR, l'I.A. des lieux, ben il est gentil, lui. Quant à l'équipement qu'il vous prête, il ne produit pas de portails. Il s'agit en fait de deux gants aux propriétés kinétiques. L'un attire, l'autre repousse. Alors s'il vous plaît, cessez donc ces comparaisons douteuses qui viseraient à laisser croire que Twin Sector n'est qu'un clone particulièrement mal gaulé. Ce que nous allons nous empresser de démontrer, point par point.
En soi, l'idée de départ de Twin Sector n'est pas bête. Tout repose ainsi sur ces fameux gants. L'utilisation de base consiste à pouvoir attirer un objet à soi ou à le propulser avec force. Mais on peut faire un usage différent de ces outils. Pour atteindre un point en hauteur, il suffira de viser un mur et de concentrer l'énergie du gant pour être attiré vers le point ciblé. A contrario, si on souhaite se lancer dans le vide, il suffit de concentrer le gant droit pour que l'énergie émise amortisse une chute qui sinon serait mortelle. Il ne reste plus qu'à ajouter des grilles lasers qui bougent, du feu, des bouteilles de gaz à trimballer avec précaution ou encore des bonbonnes d'eau, mélanger le tout et zou, on obtient un puzzle-game pas dénué de potentiel.
Enfin, l'ennui c'est qu'il manque un ingrédient : du bon sens et une ambiance. Commençons par ce détail qui nous ramène inévitablement vers Portal avec son histoire absurde, une intelligence artificielle meurtrière mais aux répliques cultes et son inoubliable cake. Dans Twin Sector, on doit se farcir OSCAR, une IA gentille qui s'exprime avec une platitude neurasthénique et dont la plupart des propos n'ont absolument aucun intérêt. Ashley, l'héroïne, parle elle aussi, et le moins que l'on puisse dire c'est que si elle pouvait se taire on ne serait pas plus malheureux. Mais le pire de tout reste le manque total de personnalité du jeu. Quand on veut plonger le joueur dans un puzzle-game de ce type, il faut l'y scotcher et faire un effort pour que l'ensemble se tienne.
Que les environnements de Portal soient tordus avait du sens, il s'agissait de chambres de tests, mais malgré tout on s'interrogeait sur ce lieu étrange, que ceux de Twin Sector n'aient ni queue ni tête n'a en revanche aucun sens puisqu'il s'agit d'un complexe de survie. Or, le level design est constitué de couloirs vides, de zones qui semblent être copiées/collées les unes sur les autres et dont la constitution ressemble à tout sauf à quelque chose de fonctionnel. Du coup, la seule question que l'on se pose est la suivante : gné ? Parce que bon, franchement, qui place des interrupteurs au milieu d'un plafond de 3 mètres de haut ? Plus drôle, qui place des grilles lasers mortelles devant... un distributeur de bonbonnes d'eau ? Difficile de croire à cette sombre histoire de complexe de survie. Autant pour l'immersion donc qui est juste inexistante. Il faudra se rabattre sur le gameplay et ses frustrations.
Twin Sector repose en majeure partie sur la physique. Mais avec le vieillissant moteur Havok, il ne faut pas s'attendre à des miracles. Pour résumer : la physique est erratique et imprévisible. Manipuler des objets est une corvée qui vous mettra les nerfs en boule quand vous devrez empiler deux bidons pour faire un barrage et que lorsque vous aurez enfin pu placer le bidon supérieur dans la bonne position, il fera tomber celui du dessous. Projeter des objets sur un interrupteur peut très bien se dérouler comme sur des roulettes, comme exiger une dizaine de tentatives infructueuses. Quant aux sauts, fatalement, ils souffrent eux aussi de ces imprécisions. Si on ajoute la lourdeur des commandes, le couperet tombe : la prise en main de Twin Sector est catastrophique. Les actions les plus simples peuvent devenir un calvaire de frustration sans nom. En outre, une fois de plus, le manque de cohérence se fait jour. Pour briser une paroi en verre, vous pourrez jeter dessus à plusieurs reprises un objet lourd, mais lancer une bouteille de gaz prête à exploser ne marchera pas, bravo la physique. Et comme si ça ne suffisait pas, même le level design est foireux. Si on a déjà évoqué son manque d'inventivité, il faut encore préciser que certaines salles sont confuses au possible et que le jeu n'hésite pas à carrément nous imposer des allers-retours, comme si proposer un chemin de retour alternatif à celui emprunté au départ était vraiment une mission impossible pour les développeurs.
Et pour en rajouter une couche, citons les choix douteux proposés. En passant, là encore, ça sent le pompage raté de Portal à plein nez mais bon, bref. Deux ressources sont fréquemment utilisées dans le jeu : les bouteilles de gaz et les bonbonnes d'eau (en verre, pour qu'elles éclatent si on les cogne, ça n'a aucun sens mais là encore, passons). Ces ressources, on les trouve à la sortie d'un distributeur automatique. Chaque fois qu'une bouteille de gaz explose, une nouvelle apparaît, comme ça si vous avez raté votre coup, paf, vous n'êtes pas bloqué... a moins que vous n'ayez, en raison, au hasard d'une physique pourrie, perché votre dernière bouteille dans un coin inaccessible. Dans l'incapacité de la récupérer ou de la faire exploser, vous l'avez dans l'os puisque du coup le jeu ne vous en proposera pas une nouvelle. Donc en gros, dans ce complexe conçu par les pires architectes du monde pour la survie de l'humanité il y a des interrupteurs au plafond pour ouvrir les portes mais il n'y a pas de bouton commandant une bouteille de propane pour faire cuire les nouilles. C'est aussi débile que handicapant.
Ah ben, dites-donc, finalement si, Twin Sector n'est bien qu'un clone malheureux de Portal. Alors oui, certains puzzles sont bien vus, oui le potentiel de Twin Sector existe mais toute la mise en pratique est à revoir. De la prise en main à la construction jusqu'au moindre détail comme le fait qu'en cas de mort, le jeu s'obstine à recharger le dernier checkpoint et pas votre sauvegarde rapide manuelle. Un échec sur toute la ligne.
- Graphismes9/20
C'est laid, il n'y a pas d'autres mots. On dirait que les développeurs ont confondu le dépouillement de Portal avec la médiocrité de murs gris marron. Aucune inspiration, aucune crédibilité, on erre au sein de couloirs inutiles et peuplés de boîtes en fer et de bidons.
- Jouabilité9/20
Twin Sector compte presque intégralement sur une physique erratique qui ne réagit jamais deux fois de la même façon. Il est alors difficile d'ajuster aussi bien ses déplacements que ceux des objets. La prise en main n'est donc que frustration et agacement. Les puzzles sont pour la plupart peu inspirés, à quelques exceptions près.
- Durée de vie12/20
Avec ses quinze niveaux, Twin Sector a de quoi tenir une huitaine d'heures mais l'estimation est difficile, on peut mourir sans trop comprendre pourquoi à de nombreuses reprises.
- Bande son9/20
Le doublage est abominable. OSCAR n'a pas une once de personnalité. On est loin de GLADOS ou de HAL. Ashley s'exprime comme une gourde, les dialogues sont navrants. Les effets sonores semblent surgir d'un autre âge et les musiques s'oublient alors même qu'on est encore en train de les entendre.
- Scénario3/20
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, dans un jeu comme ça, l'immersion compte. Pas de chance, rien n'y fait, du doublage foireux aux dialogues plats en passant par l'incongruité des environnements, on n'y croit pas une seule seconde.
Sorte de sous-Portal, le talent et l'inventivité en moins, Twin Sector n'a qu'une seule chose à faire valoir : son potentiel. L'idée de départ est bonne. Il reste à l'exploiter habilement avec des puzzles intelligents, un background crédible, un level design qui ait du sens dans le gameplay ET dans le scénario, une physique qui tienne la route et donc des commandes qui fonctionnent, bref, tout ce qui lui manque en l'état.