Bien avant la série des « Total War », la fin des années 80 nous avait déjà gratifiés d’un titre, mélangeant avec succès stratégie au tour par tour et action en temps réel. S’inspirant de la bande dessinée « Les Tuniques Bleues », dont il reprend le style graphique et l’humour, « Nord et Sud » est édité par le Français Infogrames. Le jeu nous met à la tête des armées de l’Union abolitionniste ou des Confédérés esclavagistes, pour revivre la guerre de Sécession américaine de 1861.
Avant de vous lancer à la conquête des Etats-Unis, l'écran d'accueil permet de choisir sa faction, Nordistes ou Sudistes. On peut jouer contre un ami ou l'ordinateur, le niveau de ce dernier étant représenté par différents personnages assez loufoques, tirés de la bande dessinée éponyme. Il est aussi possible d'activer ou non certains événements spéciaux, ainsi que de fixer la date d'entrée dans le conflit entre 1861 et 1864, ce qui affecte le nombre et la disposition des troupes au début des hostilités. On peut enfin choisir si les batailles se déroulent en temps réel ou sont résolues automatiquement par l'ordinateur. Une fois satisfait, on valide ses choix en prenant un cliché avec le photographe de guerre.
Après une courte introduction historique, le joueur se retrouve sur une carte stratégique de l'est des Etats-Unis. Celle-ci est découpée en provinces représentant chacune un Etat, du Texas à l'océan Atlantique, des Grands Lacs à la Floride. Une ligne de chemin de fer traverse le pays et certains Etats disposent d'une gare gardée par un fort. Le contrôle d'au moins deux gares consécutives permet le passage d'un train, qui remplit les coffres d'or, permettant d'acheter des troupes que l'on placera sur la carte. A l'aide de la souris, le joueur peut alors les déplacer sur un Etat voisin pour en prendre le contrôle, à raison d'un déplacement par troupe et par tour, avant de laisser la main à l'autre joueur. Si cet Etat est déjà occupé par une troupe alliée, les deux fusionnent de manière irréversible. Si l'ennemi occupe la région en question, il va falloir en découdre en temps réel !
Place à l'action ! On se retrouve alors avec une vue aérienne fixe du champ de bataille et des belligérants. Le terrain varie en fonction de l'Etat où se déroule le combat et influe grandement sur le déroulement : vastes plaines, rivières ou canyons traversés par un pont. Une armée standard se compose de trois types d'unités : l'infanterie est lente, mais reste très mobile quel que soit le terrain. La cavalerie est plus rapide et très puissante au corps-à-corps, mais il est impossible d'interrompre la charge une fois lancée, les chevaux fonçant dans le canyon ou la rivière sans s'arrêter. Enfin, le canon ne se déplace que verticalement au fond du champ de bataille, mais peut tirer une dizaine de boulets aux effets dévastateurs sur toute la longueur du terrain. Il peut même détruire des points stratégiques comme un pont, le passage dudit pont devenant alors très risqué pour les autres troupes. Niveau contrôle, une touche du clavier permet de basculer entre les différentes troupes. On ne peut diriger qu'une seule unité à la fois, ce qui laisse les autres sans défense. Il est aussi possible de battre en retraite ou d'obtenir des renforts, si on est entré dans la bataille avec plus d'une troupe standard. Malgré des commandes limitées au mouvement et à un type d'attaque par unité, les combats sont très dynamiques, nécessitant une utilisation intelligente et rapide de ses soldats.
Autre élément du gameplay, la prise d'un fort se traduit par un mini-jeu de plates-formes/action. Le joueur dirige l'un de ses soldats à travers ce fort pour essayer d'atteindre le drapeau ennemi dans un temps limité et ainsi prendre le contrôle de la gare associée. Le fort est truffé d'obstacles visant à ralentir la progression du soldat infiltré. L'adversaire peut en outre envoyer des soldats en opposition pour gagner du temps en mettant notre cher bidasse à terre d'un uppercut ou via un coup de couteau bien senti. Le contrôle des personnages est certes mou et imprécis, comme sur d'autres productions d'Infogrames (Tintin sur la Lune), mais cela reste acceptable pour l'époque et ajoute à la difficulté. L'interception d'un train adverse donne lieu à une séquence d'action similaire, où votre soldat doit se frayer un chemin sur le toit des wagons jusqu'à la locomotive pour dérober son chargement d'or.
Des événements spéciaux sur la carte principale permettent aussi d'ajouter du piment aux parties : votre adversaire dispose d'une large supériorité numérique ? Une attaque d'Indiens ou de Mexicains vont lui décimer ses troupes postées près de la frontière à l'ouest. Vous êtes toujours en infériorité ? Prenez le contrôle de la Caroline du Nord et l'Europe vous enverra des renforts de temps en temps. Enfin, un orage peut se balader sur la carte immobilisant pour un tour les troupes de l'Etat affecté.
Elément essentiel, la bande dessinée et son humour sont omniprésents, et donnent un cachet original rendant le titre d'autant plus attachant : des vignettes de BD animées lancent les batailles ou soulignent les événements importants, la progression du joueur dans le fort est représentée par une godasse trouée, accompagnée de bruitages dignes de Vidéo Gag. A cela s'ajoutent les mimiques des personnages et bien d'autres. Cliquer sur le postérieur du photographe à l'écran de paramétrage fait d'ailleurs partie des rituels poilants d'avant match.
En résumé, le jeu constitue un subtil mélange de stratégie et d'action, soutenu par un gameplay efficace, convivial et fortement enrichi de l'aspect cartoon. A l'inverse d'un Pirates ! ou d'un Civilization dont il n'a pas la profondeur, les parties sont courtes et rythmées. Par ailleurs, le titre ne nécessite pas de fastidieux apprentissage, une petite demi-heure suffit pour assimiler les différentes mécaniques et engager ses premières batailles.
- Graphismes15/20
Les graphismes sont corrects sans être transcendants, mais restent fidèles à la bande dessinée offrant identité et cohérence à l’ensemble.
- Jouabilité15/20
Les mécanismes du jeu sont très bien huilés et suffisamment simples pour être maîtrisés rapidement. Seules quelques phases d’action sont plus délicates à contrôler. Le tout manque néanmoins de variété et de profondeur par rapport aux références de l’époque.
- Durée de vie10/20
Les parties sont très courtes, mais un peu à la manière d’un jeu de société, on ne se lasse pas d’y retourner de temps à autre, surtout avec un ami pour une séance de nostalgie et de rigolade.
- Bande son13/20
Assez basique, elle se limite à une musique d’intro et quelques bruitages ayant le mérite de coller à l’action ou d’appuyer le comique de manière convaincante.
- Scénario/
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En un mot, un jeu fort sympathique. Le titre a certes vieilli et peut paraître répétitif voire enfantin, mais il conserve un charme indéniable et reste l’un des meilleurs jeux de stratégie pour deux joueurs de cette époque.