En proposant une relecture différente de l'oeuvre de Lewis Caroll, Tim Burton s'est accaparé un univers afin de le remodeler selon sa propre vision des choses, sa propre sensibilité. Logique donc que l'adaptation vidéoludique suive le même chemin. Toutefois, si Etranges Libellules a tenu à conserver cette atmosphère gothique par le biais d'un vrai parti pris graphique, les développeurs n'en ont pas pour autant délaissé le fond. Récit d'un rêve oublié...
Il y a certains cauchemars qui se substituent aux rêves et qui ne s'arrêtent jamais. Il y a dix ans, Alice était tombée dans le terrier du lapin. A force d'abnégation, d'espoir et d'espièglerie, elle s'en était sortie et avait déjoué les plans machiavéliques de la reine de Coeur. Seulement voilà, l'Arrière-Pays subit actuellement une nouvelle crise. Le démoniaque Jabberwocky a fait main basse sur le royaume et c'est une fois de plus à vous, pauvre petite fille perdue, de dénouer la situation. Toutefois, vous ne serez pas seule puisque très rapidement, vous rencontrerez Le Lapin Blanc, La Chenille, Le Chapelier Fou ou bien encore le Chat-du-comté-de-Chester. Si chacun d'entre eux pourra être jouable à tout moment de la partie, sachez que les bougres se montreront complémentaires, ceci représentant le point le plus important d'Alice au Pays des Merveilles.
En effet, à mesure que vous évoluerez dans ce monde labyrinthique, une évidence s'imposera à vous : l'entraide est la meilleure des armes. Ainsi, si on optera plus facilement pour Le Lapin Blanc lors des combats contre les gardes de la Reine de Coeur, on devra par exemple incarner La Chenille pour inverser le champ gravitationnel de certains téléporteurs afin de pouvoir atteindre des endroits inaccessibles. Bref, vous comprendrez très rapidement comment utiliser votre maîtrise du temps, votre capacité à sauter plus loin, celle vous rendant invisible, etc. Toutefois, on regrettera que les développeurs n'aient pas poussé le concept un peu plus loin en intégrant des énigmes plus corsées. En effet, bien qu'on retrouve une inspiration Braid dans cet Alice au Pays des Merveilles, on sera le plus souvent confronté à des évidences, le plus difficile dans ce cas étant de retrouver son chemin parmi les différents mondes. Vous pourrez toutefois vous aider d'un marqueur en le positionnant sur une map, visible sur l'écran du haut, afin de ne pas oublier un élément important. En parallèle, à l'instar du chef-d'oeuvre de Number None Inc, il vous faudra découvrir des pièces de puzzle afin d'atteindre un autre lieu. Pour autant, vous ne devrez pas perdre de vue votre objectif principal : Alice.
Bien que la gamine, enfin, la jeune femme, ait grandi, elle n'en reste pas moins aussi paumée qu'il y a une dizaine d'années. En somme, vous devrez constamment la garder près de vous afin qu'elle ne se fasse pas aspirer par un des vortex de la Reine de Coeur. Si cet élément renvoie à un jeu comme Ico, on pourra cependant être légèrement agacé par l'absence d'initiative de l'enfant, cette dernière ayant tendance à s'arrêter net alors que vous n'êtes qu'à quelques mètres devant elle. A contrario, vous pourrez lui ordonner de ne pas bouger afin d'occire plus facilement un ennemi. Tout ceci mis bout à bout offrira une longévité relative à ce titre même si vous pourrez vous amuser à écumer chaque millimètre de chaque chapitre pour découvrir quelques bonus synonymes d'artworks. En somme, le bébé d'Etranges Libellules comporte quelques écueils heureusement rattrapés par un équilibrage quasi parfait entre réflexion et combat. Si ces derniers s'avèrent eux aussi limités à cause d'une petite palette de coups et esquives, on prendra néanmoins beaucoup de plaisir à arpenter cet univers terriblement fidèle au style de Burton et surtout respectueux des joueurs. Honnêtement nous n'en attendions pas autant. Une excellente surprise donc qui ravira autant les fans de l'oeuvre originale que le film de Burton, sans oublier ceux désirant un bon petit jeu dont la forme est aussi soignée que le fond.
- Graphismes16/20
L'approche graphique d'Alice au Pays des Merveilles sied magnifiquement à l'univers dépeint par le génial Tim Burton. Bien qu'on puisse lui reprocher une grande homogénéité, les différences les plus notables intervenant au niveau des teintes chromatiques, on ne pourra que féliciter les artistes d'Etranges Libellules qui sont parvenus à trouver le juste équilibre afin d'offrir un jeu plus grand public que son homologue Wii tout en respectant l'atmosphère gothique de l'oeuvre filmique via de simples aplats de couleurs.
- Jouabilité16/20
Sorte de mix à la croisée des chemins d'Ico et de Braid, Alice au Pays des Merveilles profite d'un gameplay intelligent et parfaitement huilé. Sans exploiter pleinement certaines idées à même d'amener des énigmes plus travaillées, l'absence relative de complexité lui permet d'être accessible par tous. La complémentarité des 4 personnages jouables étant bien utilisée, on appréciera de switcher de l'un à l'autre fin de résoudre quelques casse-tête ou d'explorer à fond les niveaux pour découvrir les bonus épars.
- Durée de vie12/20
Il est fort dommage que le challenge ne soit pas plus relevé d'autant que les checkpoints sont nombreux, bien placés et que la jouabilité s'avère très bonne. En somme, outre la pitite Alice que vous pourrez parfois perdre (et encore, il faut en vouloir), il est quasiment impossible de mourir, notre barre de vie ne servant ici absolument à rien vu qu'on est immortel. Notons qu'aucun mode coopératif n'est à l'honneur, ce qui est bien dommage vu que l'exercice s'y prêtait plutôt bien.
- Bande son13/20
Si la gamme de bruitages est limitée, la bande-son ne s'en sort guère mieux. Frustrant puisque le thème principal, inspiré des travaux de Danny Elfman, est très joli, colle parfaitement à l'ambiance mais se révèle être l'unique thème tout au long de l'aventure.
- Scénario13/20
Adapté du film de Tim Burton, lui-même libre adaptation du livre de Lewis Carroll, l'adaptation DS s'adresse à un jeune public tout en conservant les qualités du long-métrage et du livre. En soi, le jeu vaut plus pour son gameplay et son univers graphique que pour son histoire ici réduite à quelques dialogues.
Alice au Pays des Merveilles étonne à plus d'un titre. Alors qu'on pouvait s'attendre à un jeu vite programmé, vite oublié, il n'en est rien. Les développeurs se sont en effet évertués à retranscrire l'univers du film de Burton tout en le rendant plus accessible sans pour autant oublier d'y injecter un gameplay intelligent. S'inspirant par moments du somptueux Braid, profitant d'une charte graphique atypique et d'une progression limpide, le soft d'Etranges Libellules pique au vif. On regrettera un challenge peu élevé ou quelques idées qui auraient mérité d'être poussées mais au final, le résultat s'avère bien suffisant pour passer une excellent moment devant sa console, le tout étant complémentaire de l'expérience cinématographique.