Lissez vos moustaches blondes, lustrez votre casque à pointes, enduisez votre corps d’athlète d’huile chaude (en fait, oubliez ça) car voici Heimdall, le héros scandinave ! Êtes-vous prêt à affronter Loki et sa horde de démons ?
Rappelez-vous : à la fin du premier opus, l'aube sanglante du Ragnarok pointait à l'horizon. Heimdall II, en toute logique, débute donc en plein crépuscule des dieux. Loki, profitant de la faiblesse des Ases, met Midgard à feu et à sang. Odin s'en inquiète et se demande comment stopper le dieu renégat ? Il se souvient alors d'une amulette magique capable d'un tel prodige. Mais cette amulette a été brisée et ses morceaux éparpillés dans les différents univers, afin que nul ne puisse l'utiliser. Il faudra donc qu'un courageux héros se risque dans le couloir des mondes, en quête des différents fragments d'amulette. Face à l'échec lamentable de Baldur, le fils d'Odin, Heimdall écourte des vacances bien méritées. « Ça va, j'y vais, bande de Ases ! » proclame-t-il d'une voix mâle. Et en route pour l'aventure !
On ne change pas un concept qui gagne à moitié. Heimdall II, comme son prédécesseur, est un jeu d'action/RPG comportant bien tous les éléments mettant le rôliste en émoi : gestion d'équipement et d'équipe, commerce, quêtes diverses, magie... Mais chaque composante se trouve simplifiée au maximum. Par bien des côtés, on retrouve dans Heimdall II les qualités et les défauts qui faisaient le charme du premier opus. Avec des améliorations, bien sûr. Prenons la gestion d'équipe. Dans Heimdall, le héros était accompagné par quatre comparses inutiles, sortes de coffres sur pattes servant à stocker du matériel. Dans Heimdall II, miracle du génie humain, vous n'aurez plus qu'un seul compagnon inutile ! En effet, une belle Valkyrie seconde le héros, prête à s'activer durant le repos du guerrier. Le joueur peut changer de personnage à tout moment, transférant les objets, grâce à un menu/inventaire des plus intuitifs.
La Valkyrie est amusante avec sa mèche rebelle qui s'agite à chaque pas et ses formes généreuses de conception nordique... On se prend même à fredonner du Wagner en la dirigeant. Mais elle est aussi la grande sacrifiée du gameplay : très rares sont les moments où l'on éprouve le besoin de la contrôler. Elle ne possède aucune particularité, Heimdall la surpassant en tous points. Dommage, une vraie complémentarité aurait hissé le jeu à un niveau nettement supérieur.
L'autre grand regret vient du système de magie, une nouvelle fois anecdotique. Le système a pourtant évolué dans le bon sens. Au cours de son périple, Heimdall ramasse des runes qui traînent là, bêtement posées sur le sol. En fourrant son nez dans les grimoires et autres parchemins, également éparpillés un peu partout, il pourra composer, à l'aide des runes, des combinaisons de sorts défensifs ou offensifs. À vous de gérer vos sorts (jusqu'à quatre combinaisons possibles en simultané). L'idée est sympathique. Le joueur devra s'armer d'une feuille blanche et d'un stylo, afin de noter les différentes combinaisons et leurs effets, pour éviter de se laisser déborder par la masse de parchemins, les places dans l'inventaire étant comptées.
Mais voilà : l'essentiel du jeu consistera à noter et classer ces sorts, car dans les faits, vous n'en aurez presque jamais besoin. Bien sûr, un sort de guérison ou de protection peut se révéler ponctuellement utile. Mais les sorts offensifs sont, au mieux, optionnels. Le joueur obtiendra de bien meilleurs résultats en se plantant devant l'adversaire, et en lui laminant le crâne à coups d'épée. On aurait aimé récolter des sorts nécessaires, incontournables, permettant de réussir certaines énigmes ou de survivre à des combats plus tactiques. Rien de semblable à vous mettre sous la souris. Enfin, pas tout à fait. Le point d'orgue du jeu consiste justement à résoudre une énigme magique. Il faut décoder le langage et la logique des runes (chaque signe ayant sa signification propre) afin de désamorcer un piège mortel. Une énigme nécessitant l'emploi de vos neurones et de vos notes, qui prendront pour le coup tout leur sens.
Les trois mondes à explorer comportent beaucoup moins d'îles que dans le premier jeu, mais celles-ci sont mieux remplies, moins génériques. Les quêtes ne proposent rien de bien élaboré, car votre personnage ne possède aucune option de dialogue. Il s'agira, par exemple, de faire la paix entre deux royaumes, ou encore de libérer la fille d'un vieux pêcheur. Mais ces quêtes, même la plus anodine, bénéficient d'un background mythologique très agréable, bien servi par des décors colorés et originaux.
Combats et déplacements se gèrent entièrement à la souris. Les combats, qui ne sont plus en vue subjective, déroutent au début, car le personnage se déplace comme sur un damier et ne répond pas vraiment au quart de clic. Il faut insister pour bien se positionner et traiter l'ennemi suivant les coutumes d'accueil vikings (une hache entre les deux yeux). De plus, les combats se concentrent à des endroits bien précis. On doit vaincre une dizaine d'ennemis successifs, pour ensuite évoluer tranquillement dans le reste de l'île. Cela dit, passée la première heure, les combats ne présentent aucune difficulté. Enfin, les graphismes, toujours dans un style BD, sont de toute beauté et stimulent l'imagination. Le héros franchit le couloir des mondes, cheminant sur des ponts de pierre flottants dans le noir d'encre de l'univers, entre étoiles et nébuleuses. Point fort du jeu, cette ambiance mythologique, bien exploitée par les concepteurs, donne au soft un caractère unique et envoûtant.
Heimdall 2 est un jeu très plaisant. Mais, comme pour le 1, on regrette ce qu'il aurait pu être. On note cependant de nombreuses améliorations. Un troisième épisode aurait sans doute amené le concept à maturité, hélas, les Dieux n'en ont pas décidé ainsi…
- Graphismes16/20
Point fort du jeu. Des graphismes en style BD des plus agréables, colorés, variés, avec le souci évident du détail. On prend plaisir à évoluer dans ce monde en 2D isométrique, faisant la part belle à la blancheur nordique et aux décors mythologiques inspirés (mention spéciale pour le Bifrost).
- Jouabilité15/20
Si l’essentiel se contrôle à la souris comme dans un point & click des plus classiques, certaines commandes s’exécutent encore au clavier. Par exemple, la barre espace pour les attaques de longue portée, ou encore la touche « Entrer » pour utiliser un objet. Une jouabilité que le joueur maîtrisera en un rien de temps. Les déplacements du personnage, comme sur un vaste damier, surprennent, mais ne pénalisent pas vraiment le jeu.
- Durée de vie15/20
Moins d’îles à disposition, mais beaucoup mieux remplies, avec des environnements différents, une île ne se limitant pas à un donjon, comme dans Heimdall premier du nom. Les quelques énigmes et les pièges divers, assez simples pour la plupart, augmentent la durée de vie, en particulier la grosse énigme centrale, à base de runes à décoder, qui vous occupera un bon moment. Satisfaisant, dans l’ensemble.
- Bande son12/20
Les musiques, composées par Martin Iveson, sont excellentes, pleinement dans la rude ambiance nordique, mais elles sont bien trop rares… Malgré un effort indéniable, aussi bien sur la musique que sur les bruitages, Heimdall II souffre, comme son prédécesseur, de lacunes en ce domaine.
- Scénario14/20
Il s’agira, une nouvelle fois, de botter les fesses de ce galopin de Loki, qui s’obstine toujours à souhaiter la perte des Ases. Le jeu vaut plus pour son atmosphère particulière, faite de mythes et de casques à cornes, que pour son scénario proprement dit, somme toute plutôt basique.
Le joueur retrouvera avec plaisir l’héroïque Heimdall, toujours aussi mutique. Cette suite améliore et peaufine le concept original à tous points de vue. Certes, il s’agit toujours d’un RPG light, mâtiné d’action-arcade, mais on sent que ses mécanismes de jeu ont gagné en profondeur et en maturité. Un Heimdall 3 aurait sans doute propulsé notre musculeux scandinave au Walhalla, dans la galaxie des hits incontournables. Peut-être, un jour… ? Après tout, en mythologie, on ne meurt jamais vraiment !