Véritable prouesse technique pour l’époque, Ecco the Dolphin propose au joueur une expérience envoûtante dans un univers aquatique impitoyable, époustouflant de réalisme et de beauté. Un jeu audacieux qui n’hésite pas à prendre à contre-courant la vague de brutalité qui s’étend alors sur les consoles.
Sorti sur Megadrive en janvier 1993, Ecco the Dolphin a été développé par le studio Novotrade international. Il s'agit du premier-né d'une série créée par Ed Annunziata. La réalisation a fait l'objet d'un soin minutieux à tous les niveaux, à commencer par la pochette du jeu signée Boris Vallejo. L'originalité du jeu tient au fait que vous dirigez Ecco, un jeune dauphin souffleur qui doit partir à l'aventure pour retrouver les membres de sa famille, disparus au cours d'une mystérieuse tempête. Le cétacé évolue dans un environnement aquatique en 2D, avec un gameplay directement inspiré de son mode de vie. Il peut se déplacer librement dans toutes les directions, avec une vitesse de nage modulable. Si l'inertie du corps du dauphin est assez déconcertante, elle contribue grandement à donner l'impression qu'il se déplace en milieu aquatique. Ecco a la capacité de bondir hors de l'eau, pour franchir des récifs ou tout simplement effectuer quelques acrobaties aériennes ; il peut également plonger dans les profondeurs, s'aidant parfois d'un rocher en guise de lest pour lutter contre des courants ascensionnels.
Le but du jeu consiste à trouver son chemin au travers de vastes niveaux labyrinthiques, parsemés d'embûches. Tout d'abord des ennemis que Ecco peut soit contourner (requins, pieuvres...) soit charger (méduses, poissons-lunes...), le tout sans effusion de sang, le soft se voulant non violent. En second lieu, des obstacles physiques : le plus souvent, il s'agit d'un glyphe, une sorte de cristal géant, qui lui barre la route mais qui peut être délogé grâce au pouvoir conféré par un deuxième glyphe (ils vont toujours par deux) ; parfois, l'obstacle est une barrière de rochers qui peut être détruite, suivant le cas, à l'aide d'un coquillage spécial ou d'une couronne d'étoiles de mer.
De par sa condition de mammifère aquatique, Ecco doit penser à se nourrir en chargeant des bancs de petits poissons (pour regagner de la vie) et à remonter régulièrement jusqu'à la surface pour respirer : ces deux paramètres apparaissent à l'écran sous la forme de deux jauges, noire pour la vie et bleue pour l'oxygène. Notre dauphin peut mettre à profit ses capacités de chanteur pour communiquer avec ses alliés cétacés, décrypter les messages contenus à l'intérieur d'un troisième type de glyphe et solliciter certains coquillages restaurateurs de vie. Il peut également interpréter l'écho de son chant afin de sonder son environnement, suivant une manoeuvre appelée écholocation, ce qui se traduit par l'apparition d'une carte qui figure l'architecture d'une partie du niveau et indique la répartition éventuelle des ennemis, des poches d'air, des glyphes, etc. Autant d'informations qui facilitent l'exploration des niveaux.
Si le gameplay s'avère particulièrement novateur pour l'époque, c'est surtout sur ses graphismes qu'Ecco the Dolphin a bâti sa réputation. Celui-ci propose cinq types d'environnements : mers tempérées, mers polaires, ruines grecques, mers de la préhistoire et... vaisseau spatial, tous absolument somptueux et extrêmement détaillés. Fidèles à la réalité (vaisseau spatial mis à part), ils témoignent d'un gros effort de documentation de la part des développeurs (bien qu'il n'y ait jamais eu de trilobites dans les mers du Crétacé) et indiquent clairement leurs ambitions écologiques. Le livret du jeu propose d'ailleurs un aperçu sur le mode de vie des dauphins souffleurs, ainsi qu'un hommage au Commandant Cousteau. Le rendu de l'eau est convaincant, tant visuellement que physiquement. La modélisation des animaux est impeccable et s'harmonise parfaitement avec les environnements. Seules certaines animations auraient mérité un peu plus de soin : en effet, si les dauphins se meuvent avec une fluidité et une grâce déconcertantes, les requins sont un tantinet figés et le ptéranodon n'a de mobile que sa mâchoire. A noter également, une très bonne gestion de la lumière, qui diminue au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans les profondeurs.
Le jeu propose de superbes compositions musicales (treize au total), probablement inspirées du rock progressif, qui alternent entre la mélancolie et l'angoisse. Elles contribuent à donner au titre sa personnalité et son ambiance aquatique inquiétante si particulière. Les bruitages sont convaincants, notamment le chant du dauphin. Le jeu est également l'un des rares, à cette époque, à proposer un scénario bien développé, distillé au travers d'éléments de mise en scène tels que la mystérieuse tempête ou le voyage dans le temps, ainsi que par le biais de rencontres spectaculaires. Bien que les textes soient en anglais dans la version européenne, un livret de traduction complète des monologues aurait été fourni avec certains exemplaires du jeu. Quant à l'intrigue, si elle tient le joueur en haleine durant la première partie du jeu, elle s'essouffle progressivement durant la deuxième, notamment à cause de son orientation science-fiction.
Le jeu comporte 23 niveaux distincts, dont deux en auto-scrolling (défilement automatique), ainsi que trois quêtes annexes qui consistent à retrouver des dauphins perdus. Un système de mot de passe permet de reprendre une partie au début de n'importe quel niveau. Le jeu dispose, en effet, d'une durée de vie de l'ordre de la vingtaine d'heures, une longévité qui s'explique en grande partie par sa difficulté, particulièrement élevée : manque d'indications, rareté des points de respiration, hordes d'ennemis et boss infernaux. Il y a également certaines manoeuvres qui sont extrêmement laborieuses à effectuer, notamment les sauts d'un bassin à un autre, ainsi que le déplacement de certains objets tels que les couronnes d'étoiles de mer et les cubes de pierre. Au final, Ecco the Dolphin n'est pas un jeu des plus accessibles, mais ses nombreuses qualités et sa singularité en font un titre incontournable.
- Graphismes18/20
Les environnements aquatiques sont vraiment somptueux, réalistes, détaillés, colorés... Sans nul doute les plus beaux de la Megadrive. Ecco se meut avec beaucoup de fluidité et de grâce dans une eau presque palpable. Malgré tout, les animations de certains animaux sont un peu figées.
- Jouabilité16/20
La manette de la Megadrive est ici parfaitement bien exploitée. Passé le cap des premières heures, diriger Ecco devient assez naturel, et on prend plaisir à bondir hors de l’eau pour effectuer des acrobaties. Le plus souvent, mieux vaut opter pour les mouvements en finesse. Cela dit, le déplacement de certains objets s’avère particulièrement éprouvant pour les nerfs, tout comme les sauts par-dessus les obstacles les plus hauts.
- Durée de vie18/20
Même en la comparant aux productions actuelles, la durée de vie d’Ecco the Dolphin est consistante, en grande partie à cause de la difficulté particulièrement élevée, qui justifie grandement la présence d’un système de mot de passe. La quête des dauphins perdus permet de rallonger sensiblement le périple. Comptez au moins une vingtaine d’heures pour terminer le jeu.
- Bande son19/20
Alternant entre des compositions calmes, planantes, mélancoliques et d’autres plus angoissantes, la musique colle parfaitement avec l’ambiance aquatique du soft, et de fait contribue grandement au côté immersif du jeu et à sa personnalité. Les bruitages sont corrects.
- Scénario16/20
Une fois de plus, le jeu se démarque des autres productions de l’époque en proposant une véritable trame narrative qui justifie la succession des différents environnements. Dommage que celle-ci soit trop axée sur la science-fiction.
Sega frappe un grand coup avec Ecco the Dolphin, un jeu ambitieux qui aura marqué les esprits tant par l’originalité de son concept que par la beauté de ses graphismes et de sa musique qui, près de 20 ans après, émerveille toujours autant. Sa difficulté rédhibitoire et l’orientation SF de son scénario viennent cependant ternir la réalisation, pourtant exceptionnelle. Malgré ses imperfections, il reste un titre incontournable, indissociable du succès de la Megadrive.