Bien avant de s’intéresser à l’archéologie en compagnie d'une pilleuse de tombes aux attributs mammaires surdimensionnés (Tomb Raider, donc), Core Design éditait un jeu empreint de mythologie scandinave, un RPG/action original, développé par The 8th day. Voici donc le geste de Heimdall, l’impavide et musculeux héros nordique, en quête d’artefacts divins…
L'âge de Ragnarok pointe le bout de son chaos. Pour rééquilibrer les forces, Loki dérobe les armes des Dieux : le marteau de Thor, la lance de Frey, l'épée d'Odin. Il cache ces armes dans trois mondes, Midgard (monde des hommes), Utgard (monde des géants) et Asgard (demeure des Dieux). Ne pouvant marcher sur Terre durant l'âge de Ragnarok, les Dieux décident de créer un héros, Heimdall, afin de récupérer les armes divines. Après une jolie introduction, accompagnée d'une musique qui fleure bon la moustache blonde, Heimdall propose de jouer à trois mini-épreuves. En effet, au lieu de répartir un certain nombre de points pour définir les caractéristiques du héros (comme dans n'importe quel jeu de rôle), Heimdall offre un système plus original. Les capacités du héros seront déterminées par la réussite - ou l'échec - à trois épreuves : le lancer de haches, la chasse au cochon sauvage et le combat à l'épée. Le premier mini-jeu reste le plus amusant. Heimdall, rond comme une queue de pelle, doit trancher les tresses d'une serveuse slave attachée. L'ébriété du héros fait tressauter votre curseur, ce qui ne rend pas la tâche aisée. Les deux autres séquences sont pénalisées par les commandes du PC (sur Amiga et Atari, on avait droit au joystick) dont la mauvaise ergonomie force le respect (x, z, o, k pour déplacer le personnage).
Suivant ses performances, le joueur aura un choix d'équipiers plus ou moins vaste. Il devra opter pour cinq équipiers parmi les classes habituelles, sorciers, druides, guerriers... L'aventure commence alors pour de bon, Il s'agira d'explorer trois cartes du monde, composées chacune de neuf à douze îles. Chaque île comporte bon nombre de salles et de couloirs, bourrés de pièges, de monstres, de portes fermées (à ouvrir avec la bonne clé), et de coffres. Ces coffres permettent de se ravitailler en sorts runiques, vivres, armes et argent, qu'on aura tendance à stocker en masse dans l'inventaire. Les personnages ne pouvant porter que six objets chacun, on se trouve assez rapidement dépassé. Et là, le joueur prend conscience d'une première réalité de Heimdall : les équipiers sont des coffres ambulants, qui ne servent à rien, à part stocker les objets trouvés. Aucune raison de changer de personnage (F1, F2, F3 pour basculer de l'un à l'autre), Heimdall étant le plus puissant à tous les niveaux.
Lors des balades champêtres sur les îles de Midgard, nos héros rencontrent quantité d'ennemis dans les dédales des donjons. On peut contourner les ennemis, si l'espace le permet. Lorsqu'on décide de les affronter, l'écran d'exploration fait place à celui de combat, en vue subjective. L'accumulation des sorts de combats peut désarçonner. Mais une nouvelle fois, l'expérience du jeu nous ramène à une réalité plus prosaïque. La majorité des options disponibles ne servent à rien, comme le bouton « Défense », par exemple, inutile, car étant situé à l'opposé du bouton « Attaque ». Même en faisant preuve de la meilleure volonté du monde, finasser avec les sorts de combat n'apporte aucun résultat très probant non plus. Les affrontements se déroulant en temps réel, l'ennemi en profite pour tailler le héros en cubes, si le joueur se perd dans les clics de sélection. Bref, une seule méthode vraiment efficace, la fameuse méthode viking : le bourrinage. Une solide épée, des clics frénétiques sur « Attaque », voilà à quoi se résument les combats.
La grande majorité des sorts présente donc peu d'intérêt, et peut se vendre au marchand (un par carte) sans beaucoup de scrupules. Seuls importent les sorts de guérison, détection de portes, détection et désamorçage de pièges… Sans oublier certains sorts nécessaires à la progression du jeu, à ne surtout pas vendre : révélation, téléportation, désenchantement, eau et miniaturisation. Si l'on vend ces objets par erreur, on peut les retrouver dans leur coffre d'origine, ce qui permet de ne pas rester bloqué à jamais.
Classer Heimdall dans la catégorie des RPG peut paraître exagéré vu son caractère souvent sommaire. La plupart du temps, on arpente des couloirs, on bourre ses poches de clés et d'objets superflus, et on tombe dans des pièges stressants du type trappes cachées (sursaut assuré). Quelques énigmes émaillent l'aventure, mais rien de vraiment complexe. Elles nécessitent le plus souvent d'actionner des dalles dans un ordre déterminé, afin d'écarter certains obstacles. Rares sont les personnages amicaux offrant des quêtes annexes. Certains exigent des objets comme droit de passage, mais on peut toujours dégager la voie suivant la mode viking (à coups de hache dans le front, donc).
Néanmoins, Heimdall dégage une atmosphère particulière. Le joueur se déplace dans un univers silencieux, vide, hostile et mythologique, renforcé par des graphismes BD, assez agréables pour l'époque, qui compensent l'absence regrettable de musiques. De toute évidence, Heimdall souffre d'un gameplay sous-exploité, proposant une multitude d'options pour pas grand-chose. Malgré tout, le jeu reste plaisant et addictif, grâce à son inquiétante atmosphère de Ragnarok imminent, ses graphismes inspirés et l'originalité de son thème principal. Les jeux sur la mythologie nordique ne courant pas les ludothèques, ça varie un peu des univers conformistes de type heroïc-fantasy. Dans Heimdall, les gens ont des tresses blondes et des casques à cornes, ça change tout !
- Graphismes14/20
Les graphismes, en 2D isométrique, s’avèrent des plus agréables. Colorés et arrondis, le style BD adoucit quelque peu l’aride thème mythologique, qui promettait d’être riche en violence sanglante. Encore aujourd’hui, ces environnements et ces personnages stylisés, façon Astérix chez les Normands sauront séduire les joueurs.
- Jouabilité12/20
Passé les trois mini-épreuves, à la jouabilité douteuse sur PC, le jeu de The 8th day se prend en main sans aucune difficulté. Tout peut se contrôler à la souris, le clic droit servant à accéder à l’inventaire des personnages. Il reste néanmoins plus pratique de diriger notre demi-dieu avec les flèches du clavier. On regrettera que bon nombre d’options se révèlent parfaitement anecdotiques à l’usage, appauvrissant d’autant le gameplay.
- Durée de vie13/20
Les îles sont nombreuses, mais pas forcément bien remplies. Elles se résument souvent à un donjon de longueur variable. La durée de vie dépendra de vos capacités à résoudre les petites énigmes et à éviter les pièges mortels.
- Bande son8/20
De toute évidence, le budget du jeu n’a pas été investi dans la bande-son ! A part la musique d’introduction et celle de game over, aucune mélodie ne viendra adoucir votre voyage héroïque. Les bruitages sont tout aussi minimalistes, se limitant au bruit de vos pas. Le Ragnarok menace en silence.
- Scénario15/20
Le scénario en lui-même n’est guère développé : il s’agit de trouver les armes des dieux. Mais l’ambiance mythologique se trouve fort bien représentée, avec quelques séquences vraiment soignées, notamment celles permettant la découverte de chacune des armes divines.
Malgré un thème original, Heimdall déçoit par un gameplay mal maîtrisé qui se dégonfle assez vite. Il n’en reste pas moins un jeu à l’esthétique agréable et à l’ambiance prégnante, qui donne parfois envie de boire une petite bière dans le crâne de ses ennemis, en surfant sur le bifrost brûlant.