Suivant une logique implacable consistant à offrir quelques mois après le jeu original une version ++ de leur titre, Capcom lâche dans la nature son Resident Evil 5 : Gold Edition. Si certains souffleront devant cette vision très mercantile du marché, il faut avouer que cette mouture reste un excellent moyen pour ceux n'ayant pas encore acheté le jeu de base de se faire plaisir à moindre frais tout en profitant de nombreux ajouts venant gonfler la durée de vie.
On le sait depuis longtemps, les développements sur new-gen coûtent cher, très cher. De fait, les prises de risque, surtout en cette période de crise, restent minimes, les éditeurs/développeurs préférant miser sur les valeurs sûres quitte à sortir un produit formaté sans cette petite étincelle d'originalité censée raviver la flamme du plaisir. Resident Evil 5 : Gold Edition est assurément de ceux-là et à moins de faire preuve d'une totale mauvaise foi, il est impossible de ne pas voir en cet opus un "doppelganger" de Resident Evil 4 mâtiné de Gears of War. Et c'est là que le savoir-faire de Capcom prend le relais puisque si on souffle parfois en dodelinant de la tête devant certains choix, on peut difficilement critiquer la montée en puissance de l'oeuvre, rythmée par des affrontements dantesques ou des passages délicieusement éprouvants. Du coup, le paradoxe veut qu'on apprécie le jeu tout en pointant du doigt Capcom qui s'est à nouveau évertué à faire du neuf avec du vieux.
La première conséquence de ce manque d'ambition concerne directement le lieu de l'action, l'Afrique, qui est finalement peu utilisé afin d'introduire des situations originales. Si vous vous rappelez des histoires d'insolations évoquées par la firme au tout début du développement, sachez que cet élément a purement été zappé dans la version finale. Du coup du Berceau de la vie, il ne reste que la populace locale aussi remontée que celle de Resident Evil 4, quelques superbes décors ou bien encore deux ou trois hyènes aux dents longues. Maigre consolation d'autant qu'on se dit que RE 5 aurait pu se passer n'importe où dans le monde pour un résultat plus ou moins similaire vu que le mode d'infection passe à nouveau par les fameux Plagas, sortes de crevettes mutantes issues du précédent volet. L'histoire, donc, malgré des fantômes issus du passé, s'avère décevante, la société Umbrella étant simplement remplacée au pied levé par la multinationale Tricell. Si on se gardera bien de trop en révéler, disons que les seconds couteaux sont effacés, traités comme de la chaire à canon et que les ambitions mégalomaniaques d'un Wesker sous-exploité font écho à celles de la plupart des méchants d'opérette. Pouvoir, domination, sélection naturelle, tout se rejoint dans un final intéressant mais trop classique, clôturant d'une certaine façon la saga dans son entier. C'est déjà ça de pris.
En somme, le seul véritable apport scénaristique de Resident Evil 5 est d'amener un nouveau personnage du nom de Sheva Alomar avec laquelle vous aurez le plaisir de cohabiter pendant une quinzaine d'heures. A ce sujet, signalons que la durée de vie de cet épisode, légèrement inférieure à celle de RE 4, profite d'un bon potentiel de rejouabilité, surtout si vous désirez débloquer tous les modes de jeu ou bonus comme des dossiers ou figurines de chaque ennemi rencontré. A ce sujet, sachez que la version Gold Edition intègre un nouveau mode multijoueur, Réunion de mercenaires, avec de nouveaux personnages (Barry Burton, Rebecca Chambers et Excella Gionne), des figurines et costumes exclusifs et surtout les deux chapitres inédits disponibles depuis quelques semaines en téléchargement. Si ceux-ci sont inégaux, ils ont au moins le mérite d'être complémentaires. Ainsi, le premier, Perdu dans les cauchemars vous permettra de retrouver Jill et Chris dans une réplique du manoir Spencer en Europe. Relativement mou mais bourré de clins d'oeil et entretenant une atmosphère beaucoup plus angoissante que Resident Evil 5, il s'avère sympathique ne serait-ce que par le fait de retrouver un lieu familier et une nouvelle créature nous suivant tout au long de notre périple. Le second, Une Fuite désespérée, opte pour une approche beaucoup plus dynamique en ne laissant pas une seule seconde de répit au joueur. Incarnant au choix Jill ou Josh, militaire rencontré dans Resident Evil 5, il vous faudra alors atteindre un hélicoptère en passant par un vaste environnement infesté de créatures. Peu original mais diablement efficace surtout en mode Professionnel.
En outre, la grande nouveauté de ce segment est de disposer de mutltijoueur sous trois formes : online, multiconsole ou splitté. Un petit plus non négligeable car si l'IA s'avère correcte, l'aventure en coopération reste bien plus vivante qu'en solo. Dans tous les cas, ce mode coopératif reprend quelques idées du Partner System de Resident Evil Zero. Il sera par exemple permis de s'échanger des items, des armes ou des munitions. Seul hic, il est impossible de sélectionner un nombre de balles précis alors que le Zero le permettait. Toutefois, ceci n'est pas vraiment un problème puisque après quelques heures de jeu, vous aurez tôt fait d'avoir des armes différentes pour faire face aux diffèrent types d'ennemis. Là-dessus, RE 5 envoie du lourd avec les inévitables magnum bazooka, lance-grenades auxquels on rajoutera un arc, plusieurs types de mitraillettes ou une matraque électrique idéale pour étourdir un adversaire afin de lui placer une bonne droite à l'aide de QTE. Eh oui, comme on s'en doutait, on retrouve ces fameuses actions héritées de RE 4 elles-mêmes descendantes directes de celles de Shenmue. Ici, elles vous serviront à nouveau à franchir des obstacles, pousser des objets ou bien effectuer plusieurs "finish moves" une fois "headshoter" votre ennemi. Dans ce cas, il suffira de courir rapidement vers lui puis d'appuyer sur le bouton adéquat afin que Sheva ou Chris opère un "maouachiguerié", différent en fonction de l'endroit où vous vous tenez par rapport à l'adversaire.
Habile transition pour vous offrir quelques mots sur le bestiaire qui, tout en singeant celui de son aïeul, offre quand même quelques monstres fort impressionnants ou des hostiles bien typés. Ceci dit, les ennemis renvoient quasiment tous à ceux de Resident Evil 4 exception faite des chiens, hyènes, crocodiles ou boss bien évidemment. Là-dessus, on sent l'influence de Lost Planet de par le gigantisme démesuré de certaines monstruosités. L'influence, Gears of War, elle, se fera davantage ressentir lors de l'utilisation d'une arme à visée laser, reliée à un satellite et permettant l'envoi d'un rayon de la mort sur votre cible. Petite déception donc même si l'absence de surprise cède sa place à un bon paquet de morceaux de bravoure, surtout lorsqu'on se retrouve dans un espace cloisonné infesté de Lickers évolués et qui plus est extrêmement résistants. C'est d'ailleurs dans ces moments-là qu'on s'énerve devant une jouabilité bien trop lourde surtout après la claque Dead Space. Si on se souvient tous de la bonne blague de Capcom évoquant le désormais mythique "réajustement mental", on penchera plutôt pour un bon gros foutage de gueule. Le problème est qu'on ne comprend absolument pas la façon de penser des développeurs puisque pour la première fois dans l'histoire de la série, on peut se déplacer de deux manières différentes.
Tout d'abord, les vieux de la vieille seront heureux (sigh) de retrouver la maniabilité de trois tonnes symbolisée par un personnage se déplaçant avec la grâce d'un pachyderme ayant abusé des cacahouètes. Pour le coup, rien ne change, on bouge avec le stick gauche, on avance en appuyant sur un bouton, etc. Le second mode de déplacement s'articule autour de la gestion des deux sticks, le gauche servant à tourner, le droit à bouger, straffer. Super s'exclamera l'amateur éclairé sauf qu'une fois de plus, on ne peut pas tirer en bougeant. Honteux surtout quand on songe à la souplesse du gameplay de Dead Space une fois de plus. Rageant ensuite quand on doit constamment courir, effectuer un retournement à 180°, passer en mode visée et tirer. Bref, il est difficile de savoir pourquoi Capcom n'a pas inclus cette "feature" réclamée à cor et à cri. En passant, on conseillera de débuter en Facile pour pleinement apprécier le jeu puis de passer en Normal ou Difficile pour le challenge, les munitions étant beaucoup plus limitées et les ennemis bien plus féroces.
Finalement, tout en restant un bon jeu, Resident Evil 5 : Gold Edition n'arrive nullement à surpasser son modèle malgré la reprise de certains pans entiers de l'oeuvre de Shinji Mikami. Ironiquement, c'est dans ces instants qu'on se rend compte que la technicité d'une oeuvre ne prévaudra jamais sur le génie d'une mise en scène. De fait, l'affrontement avec El Gigante façon RE 5, qui arrive comme un cheveu sur la soupe, demeure beaucoup plus figé que celui de RE 4 sachant qu'on nous demande uniquement de rester campé sur nos positions, derrière une mitraillette lourde, tout en arrosant le barbu. Cette constatation vaut également pour l'achat d'objets pensé comme une sorte de briefing entre deux missions et ne s'intégrant plus du tout à l'aventure comme c'était le cas dans le précédent épisode. Néanmoins, on pourra toujours acheter des armes ou les améliorer (si tant est qu'on ne les ai pas trouvées dans un niveau composant les six chapitres de l'aventure), opter pour des sprays, des gilets, etc. Du coup, prenez le temps d'écumer les stages en recherchant les objets de valeur ou les piécettes qui vous serviront ensuite pour vos emplettes. Un trait de gameplay du passé ayant fait ses preuves tout comme la formule de Resident Evil 5 calquée sur celle de ses ancêtres. Est-ce un mal ? Oui et non car bien qu'on prenne son pied avec ce segment, on ne peut s'empêcher de se dire qu'à nouveau, la saga doit franchir un nouveau palier pour éviter de s'engluer dans une véritable redite. La fin du titre semble aller dans ce sens mais c'est seulement dans quelques années qu'on pourra affirmer si oui ou non Resident Evil s'est définitivement affranchi de son héritage. Pour l'heure, et malgré ses tares, Resident Evil 5 : Gold Edition reste un très bon investissement. Proposé à bas prix, disposant de nombreux ajouts très intéressants et donc d'une durée de vie accrue, on voit mal ce qui pourrait encore vous freiner dans votre achat, surtout si vous aviez décidé d'acquérir ce titre dans sa version de base.
- Graphismes17/20
Si le bestiaire et plusieurs environnements évoquent ceux de Resident Evil 4, Resident Evil 5 reste un jeu graphiquement somptueux utilisant pleinement les capacités de la machine. Peut-être pas le plus beau jeu de la PS3, surtout que quelques textures ou ombres (à l'image de DMC 4) font tiquer, mais un titre sachant néanmoins mixer superbes jeux de lumière, décors vastes et travaillés et modélisation de très beau niveau. Le savoir-faire Capcom fait encore recette.
- Jouabilité15/20
Bien qu'on nous offre deux types de maniabilité, aucune d'entre elles ne parvient à satisfaire à 100%. Pour autant, si vous êtes un adepte de la saga, cela ne devrait pas vous déranger outre mesure. Pour les autres, rien ne vaudra un petit réajustement mental. A part ça, les actions contextuelles accentuent le dynamisme de l'ensemble et le dérivé du Partner System du Zero permet quelques belles actions. Toutefois, l'IA parfois limitée de Shiva, qui hésite souvent à prendre d'elle même des objets, pourra agacer. Enfin, le multi représente un gros plus même si le coup du split screen à la CoD 5 s'avère une des idées les plus stupides jamais vues dans un jeu vidéo. Privilégiez le online ou la liaison entre deux consoles.
- Durée de vie17/20
L'aventure solo reste légèrement moins longue que celle de Resident Evil 4 mais la possibilité de la reprendre avec un ami est un plus non négligeable. Ensuite, bien qu'on boucle le tout en une douzaine d'heures, on pourra sans aucun problème y revenir afin de débloquer plusieurs bonus (items, figurines, etc) ou un mode de jeu supplémentaire hérité de Resident Evil 3 et 4. Enfin, les deux chapitres inédits et le surplus de personnages pour le mode Réunion de mercenaires sont des plus non négligeables pour booster la longévité du titre.
- Bande son16/20
Le doublage américain passe bien tout comme la gamme variée de bruitages. Les musiques sont également de grande qualité et se permettent même une surenchère de cuivres et de percussions inédite pour la série.
- Scénario11/20
Malgré le cadre exotique, le retour de Wesker et une conclusion amenant obligatoirement de grands changements pour la série, le scénario déçoit énormément. La faute à des seconds couteaux à peine esquissés, une relation Chris/Shiva stéréotypée, des fantômes du passé sous-exploités et une énorme impression de déjà-vu. De plus, la mise en scène des cinématiques, confiée à des Américains, s'avère souvent très classique ou brouillonne, la beauté des chorégraphies étant souvent sacrifiée sur l'autel du montage épileptique à grand renfort de gros plans s'enchaînant à la vitesse de l'éclair.
Que vous aimiez ou non la tournure qu'a pris la série Resident Evil, il serait idiot de ne pas céder aux sirènes du cinquième épisode dans son édition Gold. Fort de deux nouveaux chapitres, de plusieurs personnages supplémentaires pour le multi, de costumes et figurines inédits et d'une aventure principale non exempte de défauts mais se laissant aisément découvrir, Resident Evil 5 : Gold Edition reste un très bon plan vendu moins de 40 euros. Ceci ne nous empêchera pas de nous questionner sur l'avenir de la série mais si en parallèle, on peut se faire plaisir à moindres frais, autant ne pas hésiter.