A la fin des années 90, lorsqu’on parlait de simulations automobiles, tout le monde se tournait vers le PC et ses jeux très pointus comme Grand Prix, narguant le monde arcade des consoles. C’était sans compter sur la volonté de Sony et Polyphony Digital de frapper un grand coup pour imposer une nouvelle franchise : Gran Turismo.
Fruit de cinq longues années de développement, Gran Turismo bouleverse un secteur encore très pauvre en devenant la première vraie simulation auto sur consoles. Après le très arcade Motor Toon Grand Prix, le studio Polyphony Digital prépare son nouveau titre et se lance dans un long processus d'acquisitions de données de différents constructeurs automobiles. L'objectif est de proposer aux joueurs de vraies marques, de vrais véhicules, et de vraies caractéristiques, dans un souci maladif de précision. Le résultat vous sautera au visage dès votre premier regard sur le jeu qui est tout simplement magnifique. La modélisation des voitures est magistrale, et surpasse de loin tout ce que l'on avait pu voir auparavant sur consoles. Le souci du détail et la précision ne s'arrêtent pas au simple rendu visuel et se retrouvent jusque dans les caractéristiques réalistes des voitures avec notamment des transferts de masses lors des virages. Le rendu de Gran Turismo est simplement incroyable pour l'époque. Côté graphismes, on pourra tout de même reprocher des environnements un peu ternes mais ces décors ont la qualité d'offrir un champ de vision conséquent. La route apparaît loin devant vous et permet à chaque pilote d'appréhender sa trajectoire, primordiale dans ce jeu.
Mais où trouver de l'innovation dans un simple jeu de bagnoles ? Premièrement dans sa maniabilité. En parallèle des boutons classiques, vous pourrez jauger vos accélérations et vos freinages grâce au joystick droit de votre manette Dualshock. Cette petite innovation s'avère extrêmement jouable, et offre une maniabilité beaucoup plus précise. Cette précision vous sera d'ailleurs grandement utile pour manœuvrer face à vos adversaires (au nombre de 5) qui suivront bêtement une trajectoire prédéfinie, sans se préoccuper de vous, au risque de vous heurter. Précisons à ce sujet, que pour ne froisser aucun constructeur et encore moins la tôle de leurs voitures, Gran Turismo ne propose aucun dégât apparent. Vous aurez beau vous retrouver dans un monstrueux carambolage, votre bolide restera intact comme au premier jour.
Gran Turismo propose plusieurs styles de conduites selon la voiture utilisée. Evidemment, l'accélération ou la tenue de route sera modifiée en conséquence, mais également le temps de freinage, la puissance et bien sûr la marge de progression. Car dans ce jeu, vous devrez aussi bichonner votre voiture et lui offrir de nouvelles pièces (freins, pneus, etc.) ou changer tel ou tel élément afin d'augmenter ses caractéristiques, presque comme un personnage de jeu de rôle. Et cet aspect se retrouve d'ailleurs parfaitement imbriqué dans le déroulement du jeu, avec le mode Gran Turismo, véritable révolution dans le genre.
Dans la majorité des jeux de courses, le mode principal consiste en un mode Championnat, où l'on enchaîne les courses pour cumuler des points, et si à la fin du championnat, on a plus de points que tout le monde, on a gagné le championnat. Les équipes de Gran Turismo ont choisi de briser ces règles pour proposer un mode totalement novateur, tenant plus du jeu d'aventure que du jeu de sport auto. Cette aventure débute par l'obtention d'un permis. Servant de grand didacticiel, complètement intégré dans l'histoire et la structure « narrative » du titre, ces permis (au nombre de trois) vous proposent huit épreuves à réussir dans un temps imparti, en respectant certaines restrictions. Ce n'est qu'une fois votre permis obtenu que vous pourrez vous lancer dans le bain (de cambouis) et vous offrir votre première voiture. Le système de progression volontairement lent vous obligera à passer par des véhicules d'occasion pour vous lancer dans vos premières courses. Au fil de vos victoires et de l'argent gagné, vous pourrez améliorer votre voiture, et espérer remporter des courses de plus en plus difficiles jusqu'à acheter de nouvelles voitures plus prestigieuses et efficaces sur le bitume. Et ainsi de suite jusqu'à la fin.
Ce système à la fois simple et très complet ne plaira cependant pas à tout le monde. Certains pourrait effectivement lui reprocher d'être trop exigeant pour peu de résultats, et surtout de nous faire passer plus de temps dans le garage que sur la route. Ceux-là pourront alors se tourner vers le mode Arcade, beaucoup plus accessible, plus rapide, mais aussi moins complet. Alors que dans le mode Gran Turismo vous aurez 11 circuits différents et 178 véhicules (totalement titanesque à l'époque), ces chiffres seront nettement revus à la baisse dans le mode Arcade, sûrement pour inciter les joueurs à s'investir dans le mode Gran Turismo, véritable cœur du jeu. Rajoutez à tout cela le mode Duel où vous pourrez affronter un ami en écran splitté, ainsi que la course au chrono dans l'indémodable course Contre-la-montre. Au final, plusieurs dizaines d'heures de jeu seront nécessaires pour débloquer toutes les voitures et finir les dernières courses.
Plus qu'un énième et banal jeu de courses, Gran Turismo frappe par son perfectionnisme et sa générosité pour vous plonger au cœur de la course : du poids de votre voiture, à la précision de vos freinages, jusqu'au son du moteur différent selon l'engin, tout est là pour le plaisir du jour. Véritable simulation console, le jeu de Polyphony Digital est non seulement une prouesse technique, mais également le précurseur d'un système de progression tant repris aujourd'hui. Bourré de contenus, indubitablement chronophage, le bébé de Sony annonçait la naissance d'une des plus grandes franchises du jeu vidéo, dont le cinquième épisode se fait de plus en plus désirer sur Playstation 3.
- Graphismes18/20
Modélisation des voitures à couper le souffle, environnements détaillés quoiqu’un peu fades. Il n’y a rien à dire, Gran Turismo portait haut les couleurs de la Playstation en affichant un goût prononcé pour le détail. On pourra toutefois reprocher au jeu un aliasing trop présent, qui gâche le rendu final.
- Jouabilité16/20
Première vraie expérience simulation dans l’univers des consoles et des pads, Polyphony Digital nous offre là un grand jeu de courses. Profonde et complexe, l’expérience proposée par Gran Turismo dépasse le cadre du simple jeu de bagnole, pour élever le genre au rang de monument.
- Durée de vie18/20
Avec Gran Turismo ce sont des dizaines d’heures que vous allez passer dans votre garage, dans les différentes compétitions, ou bien en duel face à un ami. Aussi long qu’un jeu de rôle, l’aventure du mode Gran Turismo captivera les allumés de sport auto.
- Bande son15/20
Alors que les différents bruitages sont à la fois nombreux et divers, on pourra regretter les musiques en course un peu trop effacées, et les environnements incroyablement silencieux. Finalement l’essentiel de la bande-son passe par les bruits des engins, reproduits fidèlement afin de vous immerger totalement dans la course.
- Scénario/
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Le coup d’essai se transforme en coup de maître. Beau, fluide, complet, Gran Turismo approche le sans-faute, avec une durée de vie incroyable, et un gameplay novateur. Premier épisode d’une saga culte, Gran Turismo restera dans les annales comme le nouveau palier du genre, imposant ses codes comme de nouvelles références.