Nous sommes en 1991. Les sentais japonais comme Bioman cartonnent un peu partout dans le monde avec leur lot de super-héros déguisés en crayons de couleur vivants. Dans un autre domaine, le jeu d’arcade Shinobi connaît lui aussi un grand succès. Cette année-là, Sega sort en Europe une nouvelle console portable couleur, la Game Gear. Le rapport entre ces trois événements ? L’adaptation à la sauce sentai sur Game Gear du célèbre jeu d’arcade de Sega : Shinobi.
Originellement intitulé The GG Shinobi, sans doute pour le différencier de l'épisode normal, le titre mise bien plus sur la plate-forme que le Shinobi que l'on connaissait. Vous incarnez ici jusqu'à 5 shinobis de couleurs différentes à travers 4 niveaux que vous pouvez visiter dans l'ordre de votre choix avant de traverser le cinquième et ultime niveau. L'objet de ce parcours du combattant : délivrer vos petits copains réduits en esclavage par une force démoniaque, puis aller régler vos comptes avec la force démoniaque en question, ne serait-ce que pour éviter d'ébruiter que 4 des 5 shinobis ont joué simultanément les Princesses Peach en puissance. Question crédibilité ça en mettrait un sacré coup ! Au départ vous n'avez donc que le shinobi rouge et devez choisir dans quel ordre délivrer vos collègues sachant que la difficulté de certains niveaux dépend grandement des shinobis déjà à votre disposition.
Chaque shinobi se différencie en effet par une attaque, un mouvement spécial (à l'exception du rouge) et un pouvoir distinct, ce qui permet, une fois le jeu bien pris en main, d'être capable de se sortir d'à peu près n'importe quelle situation en un seul morceau. Si les attaques et les mouvements spéciaux sont utilisables très simplement et de manière illimitée, les pouvoirs sont, pour leur part, à invoquer en utilisant des bonus prévus à cet effet, bonus à ramasser au préalable, bien entendu. Au niveau des pouvoirs, le shinobi rouge peut faire trembler la terre, ce qui élimine tout ennemi à l'écran et détruit les murs fragiles ; le shinobi jaune provoque un éclair qui le rend invincible un petit moment ; le shinobi bleu se transforme en tornade qui peut voler et accéder ainsi à des zones cachées, etc. Ces pouvoirs sont néanmoins assez peu utilisés vu la quantité très limitée de bonus offerts par le jeu et le fait que votre stock se vide entièrement à chaque vie perdue. Seul le dernier niveau vous forcera à utiliser vos pouvoirs à la chaîne pour atteindre l'ultime vilain.
En plus d'être relativement riche, le gameplay se paye aussi le luxe d'être terriblement intuitif. Les sauts sont très précis et les coups sortent facilement après seulement quelques instants de pratique. On peut regretter à la limite le déplacement assez lent des shinobis et l'absence de possibilité de courir mais les niveaux étant très rarement composés de lignes droites et vides, on en fait rapidement le deuil. Qui dit "jeu facilement pris en main" ne dit pas forcément "jeu facilement terminé". Ici, le challenge reste honorable sans toutefois être hardcore. La difficulté repose grandement sur l'irréversibilité de certains de vos choix. Par exemple, si vous choisissez de jouer le niveau Harbour sans avoir d'abord délivré le shinobi rose, il vous sera très difficile d'atteindre un bonus vous rajoutant 2 cases de santé maximale. Et si vous terminez le niveau sans l'avoir récupéré, il vous faudra alors faire sans pour tout le reste du jeu. Notez d'ailleurs que la barre de vie est commune à tous les shinobis. Si vous prenez par exemple une rouste avec le shinobi rouge au point qu'il ne lui reste qu'une case de santé, inutile de changer de personnage, ce sera la même chose pour tous. Malgré tout, le jeu en soi reste assez simple, notamment dans les quatre premiers niveaux. Le cinquième, quant à lui, mettra vos talents de ninja multicolore à rude épreuve.
Côté visuel, le jeu est très soigné et les héros profitent d'animations plutôt fluides. Les décors, très agréables à parcourir, sont particulièrement fins et parviennent à être tout à fait colorés sans pour autant agresser les yeux. De son côté, le travail de Yuzo Koshiro (ActRaiser, Street of Rage…) sur la bande-son est plutôt convaincant, les musiques sont tantôt rythmées tantôt inquiétantes et l'immersion dans l'aventure est vraiment réussie, surtout pour un jeu de Game Gear. En fait, seule la durée de vie ternit ce joli tableau, les 4 premiers niveaux se divisent en deux courts tableaux plus un boss et se bouclent au total en une petite demi-heure à peine pour peu que vous les connaissiez bien et que vous ayez le bon shinobi au bon moment. Le dernier niveau est un peu plus long et labyrinthique. Comptez une autre demi-heure pour le parcourir, pour un total qui peine tout de même à dépasser l'heure. Cette durée de vie faiblarde est néanmoins légèrement compensée par l'absence de sauvegarde, ce qui vous oblige à recommencer le jeu si vous épuisez vos 3 continues alloués ou abandonnez en cours de route. La rejouabilité est assez étonnante pour un titre de ce type et de cette époque. On s'amusera par exemple à traverser les niveaux dans un ordre différent pour les visiter avec d'autres shinobis.
Au final, ce GG Shinobi s'avère être un excellent jeu que tout amateur de plates-formes nostalgique devrait essayer s'il arrive à passer outre le côté Bioman un peu kitch aujourd'hui et pourtant tellement séduisant à l'époque. A noter qu'une suite vit le jour environ un an après : (The GG) Shinobi II : The Silent Fury, aux mécanismes rigoureusement identiques mais aux niveaux plus axés sur la recherche ; un excellent moyen de prolonger cette expérience aussi brève que plaisante.
- Graphismes16/20
La variété des niveaux permet de parcourir des environnements aussi divers que détaillés, sauf peut-être quelques-uns en intérieur un peu vides. L'animation des personnages a elle aussi profité d'un soin particulier, mais au détriment de celle des ennemis plutôt raide.
- Jouabilité18/20
Le point fort du titre. Manier les 5 shinobis et maîtriser tous leurs coups est un jeu d’enfant. La possibilité de changer n’importe quand de personnage permet par ailleurs de s’adapter facilement à tous les pièges tendus par un level design très inspiré.
- Durée de vie11/20
Faiblarde même pour un jeu de l’époque, l’aventure se boucle en à peine une heure. Heureusement, la possibilité de parcourir les premiers niveaux dans différents ordres permet l’exploration potentielle de nouveaux passages à chaque partie. La difficulté relativement élevée du dernier niveau empêchera également une bonne partie des ninjas en herbe de voir le bout de l'aventure dès le premier essai.
- Bande son14/20
Sans être spécialement transcendantes, les musiques sont tout à fait honnêtes et plutôt entraînantes, ce qui profite indéniablement à l'immersion.
- Scénario/
Un héros ninja, 4 potes ninjas à délivrer et donc une ribambelle de méchants complètement improbables à occire.
Sans conteste un des grands classiques de la Game Gear, cette version portable de la célèbre saga n’a absolument pas à rougir de la comparaison avec ses homologues consoles ou arcades. Certes le titre cède au phénomène de mode des sentais de l’époque, mais il prend également le risque d’un changement profond dans le gameplay. Pari qui s’avère être totalement gagné, notamment grâce à une grande variété de mouvements possibles et des niveaux très bien construits.