Plus de 10 ans après avoir livré l'illustre Alien vs Predator sur PC, Rebellion tente de nouveau sa chance pour un nouvel épisode. Mais en dix ans, il s'en passe des choses. Un studio de développement peut par exemple perdre de sa superbe.
N'y allons pas par quatre chemins pour planter le décor de cette nouvelle déclinaison de la rencontre des deux machines à écorcher de l'espace. Toujours au coeur du problème, on trouve une fois de plus l'infâme société Weiland Yutani qui va de nouveau sacrifier tout un tas d'innocents colons à sa quête de la maîtrise des xénomorphes et de la technologie des Yautjas. Pour mettre la panade, il aura suffi à monsieur Weiland de faire deux choses idiotes en même temps. D'un côté, mener des expériences sur, euh, "l'élevage" des xénomorphes, de l'autre côté, aller grattouiller de trop près un temple Yautja situé à proximité. En une heure, c'est la catastrophe, les aliens sont libérés, et une petite bande de Predator se pointe sur la planète colonisée. Ne reste plus qu'à faire venir une escouade de marines coloniaux et hop, on peut commencer la teuf en se demandant si, quand même, il serait pas un peu gâteux le père Weiland.
Ce ne sont donc pas un, mais trois protagonistes que l'on incarnera ici, adoptant autant de points de vue différents sur la trame du jeu. Notez que l'on peut choisir d'enfiler chaque segment (marine, alien ou Predator) de bout en bout ou préférer alterner les missions. Simple question de goût personnel. Toutefois, en alternant, on s'expose à quelques confusions, les commandes variant sensiblement d'une race à une autre. Pour l'heure, penchons-nous sur le cas du marine qui offre le gameplay le plus classique. Perdu dans le noir avec sa lampe torche, le marine est lent, utilise des armes sans surprises et a tout intérêt à maîtriser l'art du sprint pour se tirer de bien des mauvais pas. Seul avantage pour le bougre : son détecteur de mouvements qui lui permet d'avoir une vague idée de la direction depuis laquelle il va se faire transpercer par un xénomorphe. Fragile, seul dans le noir, le marine vous offre sans surprises une campagne basée sur l'ambiance et la flippe, avec un certain accent survival-horror qui fonctionne relativement bien. Le problème, c'est que cette campagne est d'un classicisme à faire frémir et semble sortir d'un FPS de 1999. Ultra linéaire, sans possibilité de s'accroupir ou même de viser en iron sight, la campagne abuse par ailleurs de l'obscurité et de ficelles parfois trop grosses et prévisibles. Notez toutefois que c'est la plus longue des trois, avec environ 4 heures de jeu.
Enchaînons avec le Predator très axé sur la furtivité, grâce notamment à son équipement. Capable de se rendre quasiment invisible il peut aussi faire usage de son canon à plasma ou placer des mines, deux aptitudes qui nécessitent toutefois qu'il dépense de l'énergie dont il refera péniblement le plein sur des générateurs placés un peu partout dans les niveaux. En outre, ces deux armes ont le vilain défaut de faire sauter votre camouflage. On leur préférera donc la lance, le corps-à-corps ou encore, le redoutable disque dont le déplacement suit celui de votre regard. Enfin, la dernière force du Yautja réside dans sa façon de se mouvoir puisqu'il est capable de réaliser des bonds spectaculaires. On oscillera donc entre des mises à mort à distance, en hauteur, et des assassinats silencieux au corps-à-corps. Assez excitants au départ, cette campagne montre elle aussi ses limites en affichant une progression et des mécanismes bien trop redondants. De plus, si l'aspect furtif fonctionne avec les marines, une grosse partie du segment Predator nous oppose à des aliens qui ne sont pas dupés par le camouflage. Du coup, on passe beaucoup de temps à jouer au corps à corps avec une caméra qui s'emballe et surtout, l'éternel syndrome du combat rapproché dans un FPS. C'est ballot.
Reste le cas de la campagne alien, la plus courte et la moins intéressante. Capable de grimper sur toutes les surfaces, de sauter au plafond et surtout de se mouvoir à très grande vitesse, l'alien tire profit de l'obscurité. Relativement fragile, sa tactique consiste en général à isoler un marine pour l'attaquer par derrière ou lui massacrer la face. On saute au plafond, on se faufile dans une bouche d'aération, on retombe, crac, on tue et on se barre vite avant d'en prendre sur la tête. Clairement, ce dernier segment est celui qui pose le plus de problème. En premier lieu, c'est le moins varié dans les possibilités de gameplay, ce qui explique sans doute qu'il dure à peine 2 heures. Mais le plus gênant reste le manque de maîtrise dans la conception des commandes. Les choses s'arrangent une fois que l'on s'est habitué à se retrouver la tête en bas, mais souvent, on a le sentiment que l'alien bouge finalement trop vite et surtout n'importe comment. Le résultat est très brouillon et il faudra vite refréner son envie de mouvements nerveux et dynamiques au profit d'une approche un peu plus raisonnée.
Si chaque campagne a son lot de points forts et malheureusement de (gros) points faibles, elles ont aussi quelques points communs. A commencer par la faiblesse de la narration qui ne parvient jamais à nous faire entrer dans l'histoire. Le level design échoue lui aussi dans les trois cas. Ultra linéaire chez le marine et le Predator, il devient en plus confus quand on incarne l'alien. Quant à l'IA, elle est bien souvent à la ramasse, du moins celle des marines, les aliens s'en sortant mieux (en même temps, foncer/tuer, c'est pas bien compliqué). Mais globalement, c'est le manque de patate qui plombe le plus l'ensemble du jeu en solo. On pourra alors se tourner vers le multi pour tenter d'y trouver du réconfort... en vain. Ayant pour lui le mérite d'offrir pas mal de modes différents il a surtout l'horrible défaut d'être mal équilibré, donnant, oh surprise, la part belle au Predator au détriment des autres. Assez mou et sans grande saveur, ce multi a néanmoins quelques heures de fun à offrir mais est loin de répondre aux attentes qu'on aurait pu placer en lui.
- Graphismes12/20
La campagne marine fait illusion en évitant de nous laisser voir le détail des décors mais on déchante très vite dès que la lumière se pointe. Grossiers et sans âme ni variété, les environnements traversés vont du tunnel sombre à la jungle cubiste, c'est à peine correct.
- Jouabilité11/20
La promesse de trois gameplays différents est alléchante et presque tenue. Presque, parce que le gameplay marine est préhistorique, celui du Predator mal exploité à cause de l'IA défaillante et celui de l'alien mal fichu, le tout souffrant du même problème de level design fainéant.
- Durée de vie12/20
Comptez une dizaine d'heure pour terminer le solo. Le multi tout juste sympa offrira une petite plus-value au titre.
- Bande son14/20
Le doublage est limite, avec quelques passages plus ou moins navrants. En revanche, tous les effets sonores proviennent directement des films. A défaut d'être créatifs, les gens de Rebellion se sont montrés respectueux.
- Scénario10/20
Le scénario tient sur un timbre-poste mais on regrette surtout de constater à quelle vitesse l'ambiance retombe, ce qui n'aide pas à donner un peu de pêche au jeu.
Trois races, trois gameplays, mais trois fois moins développés. Chaque campagne a ses points forts mais qui s'accompagnent d'autant de points faibles très lourds. Qu'il s'agisse d'un gameplay daté ou d'une progression bancale, les bonnes idées de Rebellion marchent systématiquement sur un râteau et se le prennent en pleine tronche. Si on traverse le solo sans réels déplaisirs, on n'est jamais franchement enthousiaste face à tant de platitude. Quant au multijoueur plein de promesses, il souffre d'une réelle mollesse et de gros problèmes d'équilibrage.