« Il y a bien longtemps, dans le beau royaume d’Hyrule entouré de montagnes et de forêt, des légendes parlaient d’un Pouvoir d’or omniscient, caché dans un endroit secret. Beaucoup cherchèrent par les armes à pénétrer sur cette Terre d’Or secrète, mais personne n’en revint jamais. Un jour, un pouvoir diabolique s’exhala de la Terre d’Or et le roi ordonna à sept sages d'en sceller l'entrée pour toujours. Mais quand ces événements occultés par les brumes du temps devinrent légendes, un mystérieux sorcier nommé Aghanim parvint à briser le sceau. Il supprima le bon roi d’Hyrule et se mit à faire disparaître, un à un, les descendants des sept sages. L’accomplissement du destin de la Princesse Zelda se fait proche… »
Par ces quelques phrases, la légende qui donne son titre au jeu est posée. Une lutte manichéenne entre la Lumière et les Ténèbres menace de détruire à jamais le Royaume d'Hyrule, déjà orphelin de son Roi. La Princesse Zelda, elle, est montrée enfermée dans les geôles de son propre château, captive du maléfique Aghanim qui projette d'étendre son emprise sur le monde. Péril supplémentaire, la Terre d'Or s'ouvre à nouveau, et avec elle le chemin emprunté il y a bien longtemps par la maléfique aura qui l'avait originellement violée. Tout espoir semble perdu, jusqu'au moment où l'appel télépathique de Zelda est entendu par un homme d'âge mûr habitant une petite bâtisse aux abords du château. Armé d'un bouclier et d'une épée, il rassure l'enfant qui dort à côté de lui et part sous une pluie battante. Cet enfant, c'est vous, et après vous être emparé d'une lanterne rangée dans un coffre de la maison, vous décidez de suivre votre oncle, conscient du danger de la situation. Quelques minutes après, vous finissez par le trouver, incapable de poursuivre sa route : il vous confie alors ses armes et, quelques recommandations plus tard, vous êtes prêt à mener la plus grande aventure de votre vie.
Telles sont les premières minutes, tragiques, qui composent le début de la grande référence de l'action-aventure. En effet, après une tentative plus ou moins bien reçue de modifier la perspective dans Zelda II : The Adventure of Link, Nintendo a de nouveau opté pour une vue de dessus à l'occasion de cette première apparition de son héros au bonnet vert sur Super Nintendo. Le système de points d'expérience de type RPG est lui aussi abandonné et entérine définitivement le sort de la saga, qui jamais ne reviendra au système du second épisode. Il faut dire que tous les ingrédients sont là pour bâtir ce qui, aujourd'hui encore, reste pour beaucoup l'un des plus grands jeux de tous les temps. Comme on l'a vu, Nintendo a d'abord tenu à soigner tout particulièrement l'univers établi, dispensant des explications dans le livret de jeu lui-même afin de lui offrir une vraie cohérence. Si les intrigues des Zelda ont été, depuis, largement critiquées, force est de constater que A Link to the Past propose une quête aux allures de mythe qui tient le joueur en haleine du début à la fin. Composé en deux temps, le jeu se fend par ailleurs d'une richesse inédite en termes de scénario, avec une démultiplication des intrigues qui mènent au final à un seul et même objectif : le Pouvoir d'Or et la paix en Hyrule.
Graphiquement, la magie 16 bits est bel et bien présente et la richesse visuelle du titre est tout bonnement phénoménale. Habilement réparti en différentes régions, Hyrule se compose de zones bien distinctes qui offrent au joueur une véritable sensation de voyage, depuis le désert au sud-ouest jusqu'aux montagnes au nord-est. Chaque partie du monde possède ainsi une identité graphique propre qui réactive constamment le sentiment de découverte sans jamais lasser. De plus, la puissance de la Super Nintendo permet d'enrichir le jeu de tout un tas d'effets visuels qui renforcent encore la cohérence du monde : les montagnes bénéficient de leurs chutes de pierres, la forêt d'un filtre qui suggère la densité du feuillage à travers lequel le soleil peine à percer. Hyrule fourmille également de petits détails comme les buissons, les pierres ou les fissures dans les murs qui autorisent une certaine interactivité.
Les personnages, amis ou ennemis, jouissent de sprites bien détaillés et très colorés qui, même à notre époque, ne semblent pas démodés. Mais le tour de force du jeu est certainement de proposer deux mondes identiques et pourtant différents à travers lesquels le joueur peut naviguer à loisir par le biais de téléporteurs. En effet, le monde de la Lumière a son équivalent ténébreux où chaque élément possède son négatif : Link devient un lapin là où les soldats se transforment en squelettes, et les arbres troquent leur feuillage vert pour une ramée violette. Seuls quelques éléments géographiques changent çà et là, mais le fait est que la surface de jeu s'en trouve largement agrandie et donne lieu à des énigmes qui ne peuvent être résolues qu'en jonglant entre les deux univers.
Au niveau des mécaniques de jeu, A Link to the Past présente là aussi de véritables avancées par rapport à l'opus 8 bits. Beaucoup d'éléments ont été reconduits tels que les rupees, la monnaie d'Hyrule, l'épée, le bouclier, le bracelet de force ou encore les clefs. Mais, dans le même temps, le jeu s'est enrichi d'un nombre d'objets conséquent qui sont aujourd'hui des indémodables de la série. Parmi ceux-ci, on peut citer les bottes de Pégase, le grappin, ou encore les fameux bocaux qui permettent de conserver toutes sortes de liquides ou d'insectes afin de les revendre ou de les utiliser par la suite. Les cœurs, qui augmentaient la vie de Link dans les épisodes précédents, sont désormais répartis en fragments, et quatre d'entre eux doivent être récupérés pour lui ajouter une unité de vie. Mais le trait dominant de A Link to the Past reste la présence de donjons tortueux que le joueur doit parcourir pour espérer avancer dans l'aventure. Beaucoup plus complexes qu'auparavant, ceux-ci s'étendent sur plusieurs étages auxquels il est possible d'accéder par des escaliers ou des trous dans le sol. En dépit de la carte qui livre quelques informations pour s'orienter, le joueur aura tôt fait de s'égarer dans les dédales minutieusement réfléchis par les programmeurs, où veille un boss qui doit être battu grâce à l'objet récupéré dans ce même donjon.
Heureusement, le soft peut compter sur une maniabilité aux petits oignons. Link répond au doigt et à l'œil et le diriger est un véritable plaisir. Un bouton est entièrement dédié à l'épée, qui peut être chargée fin de déployer la fameuse attaque cyclone. Un autre permet d'utiliser certains objets contextuels comme les palmes ou le gant de force. Un dernier est réservé aux différents items recueillis au cours de l'aventure, son effet variant selon l'objet que le joueur aura décidé de lui assigner. Si l'on peut regretter que le bouton X et les deux gâchettes affichent tous trois la carte du monde, empêchant le joueur d'attribuer davantage d'objets aux boutons du pad, il est indéniable que Nintendo a mis un soin tout particulier à proposer un jeu à la jouabilité exemplaire. Certaines trouvailles sont même complètement géniales, comme les bottes de Pégase qui empêchent le joueur de s'agacer de la lenteur de Link en fonçant tête baissée dans les environnements du jeu.
D'ailleurs, c'est peut-être cette perfection dans la maîtrise du moindre de ses gestes qui donnera au joueur bien moins de fil à retordre que dans The Legend of Zelda sur NES, où le moindre chevalier en armure pouvait se révéler extrêmement compliqué à battre. A Link to the Past mise plutôt sur la réflexion induite par les nombreuses énigmes dans les donjons, et met l'accent sur l'exploration et le plaisir de la découverte. Certes, le jeu paraîtra facile à bon nombre de joueurs, qui souvent ne bloqueront que sur telle ou telle énigme de tel ou tel palais. Mais l'aventure de Link n'a pas pour vocation de dresser des embûches à la difficulté démesurée pour proposer une expérience de jeu unique. Elle se contente de mettre en place une quête qui se laisse tout simplement vivre et qui résonne encore de tout son génie presque vingt ans après sa création.
- Graphismes17/20
Le jeu est d’une beauté terrifiante en dépit de son apparente simplicité. Plus que tout, l’alternance entre les deux mondes résume bien le travail réalisé par Shigeru Miyamoto et son équipe. A Link to the Past, ce n’est pas un, mais deux univers aux esthétiques différentes. La perspective en vue de dessus est parfaitement maîtrisée et offre un confort de jeu tout particulier.
- Jouabilité19/20
Voilà l’épisode qui aura consacré la série des Zelda comme étant la référence incontournable du jeu d'exploration dans des donjons. Parfaitement réfléchis, ces espaces sont de véritables casse-tête pour le joueur qui ne saura plus à quel saint se vouer pour récupérer l’ultime petite clef qui lui manque encore pour accéder à la section suivante. En outre, de nombreuses idées viennent augmenter le plaisir de jeu, que ce soient les bottes de Pégase ou l’ocarina qui autorisent des déplacements plus rapides et évitent la monotonie des allers-retours.
- Durée de vie16/20
A Link to the Past est un jeu abouti qui propose de nombreuses heures de jeu, d’autant qu’il est possible de boucler l’aventure principale sans forcément trouver tous les objets ou quarts de cœur disséminés dans Hyrule, et plus particulièrement dans ses nombreuses grottes aux entrées cachées. La rejouabilité, elle, est évidemment infinie.
- Bande son19/20
Les compositions de Koji Kondo pour cet épisode ont véritablement marqué l’histoire de la série. « Hyrule Overture », le thème principal de The Legend of Zelda, est ici repris dans un morceau qui est resté gravé dans bien des esprits. Mais A Link to the Past, c’est aussi de nouvelles pistes que l’on retrouvera par la suite dans la série tant elles ont marqué leur époque. Parmi celles-ci, est-il vraiment utile de citer le thème du village Kokoriko ou celui du menu qui, depuis, est invariablement associé aux fées ?
- Scénario16/20
Sous des allures de mythe antique, l’intrigue se pose et captive le joueur sans pour autant atteindre des sommets de complexité. En accord avec le gameplay du jeu qui se trouve clairement séparé en deux temps, elle propose une aventure parfois surprenante que l’on prend plaisir à mener.
Plus qu’une référence, A Link to the Past a réussi à instaurer des éléments que l'on retrouvera systématiquement par la suite dans la série. Sa construction, qui associe trois donjons dans le monde de Lumière et sept autres dans le monde des Ténèbres, a largement été réutilisée. C’est notamment le cas d’Ocarina of Time qui, à l’issue de ses trois premiers donjons, emmène Link dans un monde totalement différent. Même chose pour Twilight Princess, où Link subit une métamorphose chaque fois qu’il bascule dans le monde du Crépuscule, tout comme il se changeait en lapin dans la mouture 16 bits. A Link to the Past a donc réussi le prodige de s’imposer comme l’épisode référence de la série, tout en sublimant les mécaniques de jeu instaurées par The Legend of Zelda. Un jeu mythique qui a donné à la licence la notoriété qu’elle a encore aujourd’hui.