Reconnu pour la série Hitman (et pour Freedom Fighters dans une moindre mesure), le studio danois IO Interactive s'est pourtant fourvoyé en 2007 avec Kane & Lynch : Dead Men. Malgré son ambiance cinématographique réussie et ses personnages torturés, le soft souffrait d'un gameplay pour le moins approximatif, avec une IA inexistante, un système de couverture perfectible et des sensations de tir peu convaincantes. Mais les développeurs ne veulent pas rester sur ce semi-échec. Au contraire, ils se sont retroussé les manches pour créer une suite beaucoup plus aboutie, qui gomme les défauts du premier épisode. Ce que nous avons vu au cours de cette présentation confirme que le retour de Kane & Lynch s'annonce réussi.
S'il est une chose qui était déjà réussie dans le premier Kane & Lynch, c'est bien l'ambiance, nous l'avons évoqué. Empruntant beaucoup au cinéma de Michael Mann (Heat et Collateral notamment), le titre se posait comme un polar efficace, servi par deux protagonistes à la personnalité très travaillée et de savoureux dialogues. Le titre multipliait également les scènes d'action classiques du genre : braquage, évasion, fusillades... On retrouve sans surprise ces ingrédients dans la suite, mais transposés dans un nouveau contexte. Alors que Dead Men nous emmenait aux États-Unis, au Japon et à Cuba, Dog Days se déroule intégralement à Shanghai. C'est ici que Lynch s'est installé, y trouvant même une petite amie. Il travaille pour un certain Glazer, un boss de la pègre d'origine britannique. Ce dernier met sur pied une opération avec l'aide d'une équipe européenne, et Lynch appelle son vieux comparse Kane à la rescousse pour bénéficier de son expertise militaire. Comme toujours lorsque la paire est réunie, les choses tournent à la catastrophe et les deux antihéros se retrouvent poursuivis par tout ce que la ville compte de voyous et de flics pendant deux jours et deux nuits.
Le cadre de Shanghai est assurément une des grandes forces du titre, avec son enchevêtrement d'échoppes bariolées, son marché aux poissons, son dédale de ruelles crasseuses et enfumées, avec sa foule et ses ordures... C'est une mégapole contrastée et chaotique, qui participe beaucoup à l'atmosphère qui se dégage du titre. Les développeurs ont évidemment fait des repérages sur place, mais n'ambitionnent pas de retranscrire fidèlement l'architecture de la ville. Au lieu de ça, ils nous proposent leur vision de Shanghai, visuellement très réussie. De ce point de vue, Kane & Lynch 2 tranche pourtant radicalement avec le premier épisode, et plus globalement avec l'ensemble de la production vidéoludique actuelle. Dead Men optait pour un rendu propre et une mise en scène léchée, une réalisation proche des standards cinématographiques dont le jeu s'inspirait. Avec Dog Days, IO Interactive se base sur le modèle du "user generated content", autrement dit des vidéos amateurs qui fleurissent sur Youtube. Cela avait déjà été aperçu dans le premier teaser diffusé, mais il s'agit bien de la direction artistique de l'intégralité du jeu. Ainsi, l'image se pare souvent d'un filtre granuleux, d'artefacts de compression, d'effets de lentille, voire d'une mosaïque en cas de mort trop violente. Lorsque le personnage court, la caméra de poursuite est tremblotante, comme si l'action était filmée caméra à l'épaule façon Cloverfield ou Rec. Tout cela confère au soft un aspect beaucoup plus réaliste, authentique, ce qui était la volonté affichée du studio. L'aspect sonore participe aussi au côté documentaire amateur : pas question d'entendre une musique grandiloquente pour soutenir l'action. La BO est composée de chansons pop chinoises, discrètement distillées par des appareils disséminés dans les niveaux. Conséquence de ce choix : il faudra faire sans le talentueux Jesper Kyd pour cette fois...
Ca c'est pour la forme, qui s'annonce sous les meilleurs auspices en plus d'être particulièrement originale. On peut déjà saluer IO Interactive pour cette prise de risque, qui fait de Kane & Lynch 2 un shooter ne ressemblant à aucun autre. Mais qu'en est-il du gameplay, qui ruinait tant l'expérience dans le premier opus ? Sans parler de bouleversement, il a été judicieusement remanié. Les développeurs nous ont d'ailleurs avoué qu'ils avaient bien pris conscience des défauts du jeu de base. Ne voulant pas faire les mêmes erreurs, ils ont multiplié les séances de playtests pour trouver la juste formule. En ressort un système de jeu fonctionnel bien plus convaincant que le précédent. Bien sûr, il s'agit toujours de dézinguer des hordes d'ennemis avec de multiples pétoires, mais sans les tares dont Dead Men était affublé. Le système de couverture, par exemple, est désormais activable grâce à un bouton, au lieu de s'actionner (ou pas) de façon automatique. La visée a aussi été améliorée. Quant à l'intelligence artificielle, elle se montre enfin à la hauteur. Dans un des niveaux présentés (une fusillade dans un restaurant), les ennemis n'hésitaient pas à courir se planquer au lieu de rester bêtement plantés en se faisant arroser. D'une manière générale, l'IA semble plus mobile, plus agressive, plus imprévisible. Parmi les nouveautés, notons surtout la fonctionnalité "down not dead", qui offre une seconde chance en cas de coup fatal. Il faut alors rapidement se mettre à l'abri pour espérer échapper à l'écran de game over. Ca remplace les injections d'adrénaline du 1, en quelque sorte. Et puisqu'on en est à évoquer les différences entre les deux jeux, signalons la disparition du système de gestion des coéquipiers hérité de Freedom Fighters, ce qui n'est pas une grosse perte. En revanche, la progression dans les niveaux semble toujours aussi linéaire malgré le contexte urbain, mais c'est la scénarisation qui veut ça.
Le principal changement reste toutefois qu'on incarne Lynch en guise de personnage principal. Mais cela n'a pas vraiment d'incidence sur le gameplay, les rumeurs évoquant des cachets à prendre pour éviter les crises de violence incontrôlables n'étant pas fondées. Quand on voit ce qu'une idée de ce genre donne dans Far Cry 2, on ne peut que s'en réjouir... Si Lynch a pris la place de Kane en solo, les deux sont évidemment jouables de concert en mode coopératif. A ce propos, la bonne nouvelle est que ce mode sera praticable en ligne cette fois, même si les développeurs n'ont pas délaissé le split screen pour autant. Toujours côté multi, le retour du mode Fragile Alliance a été confirmé, avec son concept jouissif faisant la part belle à la trahison. Néanmoins, nous n'avons pas pu en voir davantage à ce stade. IO Interactive organisera prochainement une autre session dédiée au multijoueur. Nous serons évidemment au rendez-vous.