Afin de compléter sa conquête des supports portables, Chinatown Wars, le dernier GTA en date, envahit l'iPhone. Après s'être brillamment imposé sur DS puis sur PSP comme l'un des meilleurs jeux d'action du moment, le jeu de Rockstar s'attaque à une machine encore en rodage. Les particularités de l'iPhone ont-elles bridé les développeurs ? Ou les ont-ils contournées avec aisance et efficacité ?
Chinatown Wars. Le titre est aussi éloquent que possible. Il renseigne à la fois sur le lieu de l'action, sur l'univers infiltré et sur l'identité du héros. Retour à Liberty City, la ville de tous les dangers, de tous les vices et de tous les trafics. Zoom sur les triades chinoises, un monde que les joueurs de la série ont déjà tutoyé dans GTA III. Enfin, bienvenue dans la peau de Huang Lee, un personnage qui n'a rien en commun avec ses prédécesseurs, si ce n'est de voir son profil se noircir à mesure qu'il se laisse engloutir par l'appât du gain et par l'envie de vengeance. Lorsque le jeune asiatique débarque dans ce New York à la sauce GTA, le joueur ne sait pas grand-chose de lui. Tout juste a-t-il le temps de faire connaissance avec Huang qu'il prend une balle dans la tête avant d'être laissé pour mort au fond des eaux de Liberty City. Le héros a par chance, et après avoir matraqué l'écran de l'iPhone pour briser la vitre de la voiture dans laquelle il est prisonnier, réussi à s'en tirer. Parachuté au milieu d'un conflit d'intérêts, il vient de perdre l'épée antique qu'il devait livrer à son oncle, un sésame qui devait permettre à ce dernier de prendre le contrôle des triades. Son père décédé, Huang va tenter de le venger tout en assurant ses arrières en enchaînant les missions pour le tout Chinatown, tel un électron libre. Du grand classique.
Les événements de Chinatown Wars ont lieu en même temps que ceux de GTA IV. Quelques rares références le confirment rapidement au joueur, toujours aussi finement. En plus de rendre une nouvelle fois hommage à Liberty City, cet opus est une sorte de retour aux sources puisque, support oblige, il se déroule en vue de dessus. Le passage des deux écrans de la DS au seul écran de l'iPhone a permis aux développeurs de revenir à des conventions plus traditionnelles. Ainsi, l'essentiel de l'ATH apparaît à l'écran, sans nuire à la lisibilité de l'action. En revanche, le jeu perd un peu d'intensité lorsqu'il s'agit de changer d'arme puisque cela se fait en appuyant sur la touche Pause qui fige l'écran pour faire apparaître la liste des munitions. La caméra de son côté, suit le joueur comme son ombre, de sorte à effectuer une rotation à chaque coup de volant. Idéal pour les courses-poursuites. A pied cette fois, c'est à l'utilisateur qu'il incombe de la replacer derrière lui à chaque fois qu'il le juge utile, en appuyant deux fois sur l'écran. Concrètement, les déplacements, la navigation et le rendu de l'action nous permettent d'affirmer que tout a été pensé en fonction du support. Si certaines actions sont parfois pénibles à réaliser aisément avec l'écran tactile de l'iPhone, la difficulté du jeu a été revue à la baisse afin d'éviter toute frustration. Mission presque accomplie.
Les bases du gameplay que sont les gunfights et les vols de voitures ressemblent de près aux mécanismes ultra connus des précédents GTA mais sur iPhone, c'est la pression de votre pouce sur l'écran tactile qui remplace une touche classique. Les actions plus secondaires s'effectuent de la même manière, un peu comme si vos doigts remplaçaient le stylet utilisé sur DS. Pour démarrer une voiture qu'il veut voler, Huang va devoir ouvrir un panneau en retirant des vis puis brancher un PDA lui permettant de pirater le code de l'antidémarrage avant de connecter des fils dénudés pour lancer le moteur. Idem pour tout un tas d'autres actions, comme le désamorçage de bombes, la fouille de véhicules ou de poubelles pour y trouver de l'argent ou de la drogue ou même la fabrication de Cocktails Molotov. En effet, en se rendant à une station, le joueur peut remplir des bouteilles d'essence pour se fabriquer ses propres projectiles. Pour ce faire, il utilise son doigt pour déplacer le pistolet depuis lequel le liquide gicle aléatoirement. La principale difficulté consiste à viser le plus précisément possible puisque le joueur ne peut arrêter le débit sans lâcher le pistolet. Les exemples de ce genre ne manquent pas mais interviennent à bon escient, histoire de ne pas pourrir le gameplay de "mini-jeux" incessants. Un autre exemple du soin apporté à l'exploitation intelligente des fonctionnalités de l'iPhone. Chinatown Wars ou comment rendre ludique ce qui ne l'est pas franchement à la base !
Tout joueur de GTA a l'habitude, au début de l'aventure, de devoir fouiner çà et là pour trouver des sources de rémunération, qu'elles soient clean ou non. C'est également le cas dans Chinatown Wars mais les récompenses pécuniaires quelque peu radines après le succès des missions le contraint à surveiller ses comptes tout au long de l'histoire. Cela aurait pu être un problème mais les développeurs du jeu l'ont semble-t-il voulu comme tel puisque ce point du gameplay permet de mettre en lumière le trafic de drogue. Élément essentiel de la progression du joueur, celui-ci lui permet, si tant est que vous ayez un peu de sang de commercial sans pitié qui coule dans vos veines, de garnir son compte de sommes parfois très importantes. Depuis les options de la map, l'utilisateur accède à tout un tas d'informations sur les dealers qui squattent les ruelles les plus sombres de Liberty City pour faire leur business. Pour commencer un trafic, il faut dans un premier temps acheter des doses. Blanche, coke, taz, LSD, beuh, calmants... Toutes les poudres ou cachetons qui font halluciner sont au rendez-vous. A vous ensuite d'utiliser les données de votre PDA pour refourguer la camelote au plus offrant et plus en manque, avant de réinvestir chez celui qui fait les meilleurs prix. Commence alors un commerce qui n'a pas de fin et qui peut rapporter très gros. Répartis un peu partout sur la map, les dealers refuseront en revanche de traiter avec vous si vous êtes pisté par les flics. Des flics qui pourront vous surprendre à tout moment. C'est le prix à payer. Enfin, sachez que vous pourrez toujours tenter de vous faire un peu de blé autrement, en jouant à des jeux de grattage, en livrant des nouilles ou en accomplissant les missions taxi/ambulance/police.
La police, parlons-en. S'il est de coutume de la semer en s'éloignant de la zone de recherche dans GTA IV, la confrontation est beaucoup plus directe dans Chinatown Wars. Certes, les Pay'n'Spray existent toujours et moyennant une petite contribution, vous permettent de changer de peinture pour passer incognito. Mais il existe un moyen plus brutal de se débarrasser des forces de l'ordre : en anéantissant leurs unités. Pour cela, le joueur doit ruser et attirer ses poursuivants vers des obstacles qui peuvent être des véhicules tiers afin de créer des accidents. En parallèle, pour faire baisser son indice de recherche d'une seule étoile, Huang doit éliminer autant de voitures de police qu'il a d'étoiles. Par exemple, pour trois étoiles de recherche, il lui faut anéantir six unités (3+2+1). Cela a pour conséquence directe de donner naissance à des courses-poursuites qui durent, bien que l'agressivité des flics puisse être facilement contenue. En revanche, s'ils parviennent à vous déloger de votre poste de conduite, minces sont les chances d'en réchapper, surtout sur iPhone où le joueur n'est pas aussi précis dans ses actions que sur DS ou PSP. Au final, on apprécie que Rockstar ait pensé à une nouvelle façon de s'ôter l'épine flic du pied dans Chinatown Wars, sans doute plus adaptée à la taille de la map (logiquement petite comparée à la map de Liberty City de GTA IV mais véritablement immense pour un jeu iPhone) qu'un découpage en zones de recherche.
Les deux éléments que nous venons d'aborder, à savoir le trafic de drogue et les courses-poursuites avec la police contribuent au rythme assez élevé de l'aventure. Pour ainsi dire, on ne voit guère le temps passer, bien que la map soit immense et calquée de près sur le modèle GTA IV de Liberty City. Toutefois, Chinatown Wars n'est pas parfait et toussote quelques petits défauts qui ne suffisent cependant pas à lui enlever sa qualité de jeu exceptionnel. En réalité, comme le stylet sur DS et le stick analogique sur PSP, l'écran de l'iPhone manque parfois de précision. Un problème d'ergonomie lié au support et pas au gameplay qui demeure très bien fichu, à tous les niveaux. Autre imperfection récurrente, l'étroitesse des rues de Liberty City qui débouche sur une conduite manquant de fluidité tant il est difficile d'éviter de rentrer fréquemment dans le trafic. La direction assistée (désactivable) tente bien de remédier à ce problème en replaçant automatiquement votre véhicule parallèlement à la route mais sans totale réussite. Enfin, on regrette que les conversations entre Huang et les autres protagonistes du jeu se contentent de dialogues écrits et ne soient pas doublés, ce qui est sans doute lié au support, un peu limité dans cet exercice.
- Graphismes17/20
Dans de bonnes mains, l'iPhone prouve qu'elle est capable de performances techniques tout à fait bluffantes. A deux ou trois exceptions près, l'animation est superbement fluide et Liberty City constamment en mouvements. Le cycle jour/nuit est tout à fait réussi et le style graphique colle parfaitement à l'univers de Chinatown et des triades. Huang n'est certes, pas le personnage le plus charismatique qui soit mais gageons que peu de héros lui arrivent à la cheville sur iPhone.
- Jouabilité18/20
Comme sur DS et PSP, Chinatown Wars s'adapte parfaitement à la machine d'Apple et à quelques détails près (le stick virtuel parfois imprécis ou la conduite casse-bonbons), le gameplay fin, varié, accrocheur. Encore une fois, Rockstar a excellé et le laps de temps que s'est accordé le développeur pour porter son titre phare a été parfaitement utilisé.
- Durée de vie14/20
Comptez une douzaine d'heures pour faire un tour complet de la question . Malheureusement, la durée de vie n'est pas boostée par le mulitjoueur puisque cette version n'en compte pas.
- Bande son16/20
Comme c'est de tradition, les radios offrent un son varié et de qualité. L'action profite elle aussi du savoir-faire des équipes de Rockstar pour s'accompagner de bruitages qui, au casque, se rapprochent du top niveau sur iPhone. Dommage que les dialogues demeurent muets !
- Scénario16/20
Sans doute un peu moins travaillé que le dernier GTA, le scénario de Chinatown Wars laisse davantage de place à l'humour et au second degré. Les échanges tournent rapidement à la multiplication de sarcasmes, via des caricatures absolument hilarantes.
Sans grande surprise, GTA : Chinatown Wars est une réussite totale. Nouvel exemple du savoir-faire des équipes de Rockstar, il va étonner et passionner sur iPhone autant qu'il a pu le faire sur DS et PSP. Évidemment, les possesseurs des versions DS ou PSP n'auront aucun intérêt à investir dans cet opus s'ils possèdent un iPhone, d'autant que ce volet est un peu moins jouable. Mais saluons les efforts de Rockstar qui n'oublie personne et fait coup double en étant à l'origine de l'un des meilleurs jeux d'action sur PSP, comme sur DS. On est simplement déçu de l'absence du multijoueur... Mais à 8€ pièce, ne crachons pas dans la soupe.