Alors que Cocktel Vision semblait avoir atteint son apogée avec l'excellente série Goblins, le développeur refait parler de lui en 1994 avec Woodruff et le Schnibble d'Azimuth : plus grand, plus fort et encore plus déjanté que son ascendant ! Ainsi, même si l'aventure prend place dans un univers différent que celui des célèbres lutins, les ressemblances graphiques entre les deux jeux sont trop nombreuses pour passer inaperçues. Officieusement Woodruff constitue donc une suite de cœur (et d'esprit) auprès de tous les fans de hobbits et d'humour très premier degré.
Fils adoptif du célèbre Azimuth (scientifique reconnu par la communauté), le jeune chérubin Woodruff devient rapidement un jeune adulte lorsque son père est kidnappé en pleine expérience de laboratoire par le Déconnetable ("grand méchant du jeu"). Ses sbires iront même jusqu'à "flinguer" son ours en peluche préféré pendant l'enlèvement. Il n'en faut pas plus pour le pousser dans la plus terrible des colères. C'est devant votre masure dévastée, amnésique, avec un physique de jeune homme mais 5 ans d'âge mental, et analphabète jusqu'aux pieds (puisque déchaussé), que votre aventure débute. Comment décrire le personnage de Woodruff sans évoquer une star punk dégénérée terriblement attachante ? Un croisement improbable entre Einstein, le Petit Poucet et Plastic Bertrand. Sa quête du Schnibble va bien vite se transformer en véritable croisade contre l'oppression du Déconnetable qui, en être abjecte classique et stéréotypé, a réduit à l'esclavage un pauvre peuple de mutants : les Bouzouks (à vos souhaits).
Guidé par l'envie de délivrer votre père et de venger la mort de votre pauvre Teddy bear, vous allez devoir remonter un à un les indices laissés par votre cher et regretté papounet. Ce qui semble être à première vue une vengeance personnelle va se transformer en un véritable soulèvement contre la dictature et l'oppression. En menant à bien votre quête, vous deviendrez le sauveur du petit peuple, tel un Spartacus des temps modernes. Ne vous inquiétez pas, le sérieux a été exclu de la licence : l'humour est omniprésent. Certes vous êtes un sauveur mais en tant que héros écervelé, Woodruff ne se prend pas la tête. Les dialogues, d'excellente facture, sont tout aussi réussis et burlesques que le monde dans lequel vous évoluez. Les références et jeux de mots pleuvent à tout rompre : prenons pour exemple le perroquet Miss Pooh-Lett perché juste en face d'un poster de femme dévêtue vous répondant tout naturellement "Gon gon gonzesse" lors de l'interaction.
Le jeu en lui-même est un jeu d'aventure point and click standard, facile à prendre en main. Alors que le clic gauche vous permettra d'interagir ou de vous déplacer, le clic droit, quant à lui, ouvrira votre inventaire malheureusement peu optimisé, les objets se plaçant aléatoirement un peu n'importe où. Vous disposez en outre d'un menu tout en haut de l'écran où s'affichent les différentes options de base (son, sauvegarde, chargement de données, quitter.) Malheureusement, le menu options reste assez primaire (réglages impossibles du volume des voix, des bruitages, impossibilité d'ajouter de sous-titres...). La réflexion est toujours de mise dans la résolution des énigmes, énigmes qui soit dit en passant, sont toutes plus farfelues les unes que les autres. Il n'est pas rare de devoir répéter plusieurs fois les mêmes actions pour obtenir un résultat différent. N'hésitez pas par ailleurs à multiplier les dialogues, impossible à zapper mais dont vous ne vous lasserez pas. Pour les néophytes du jeu d'aventure, il paraît impossible de terminer sans solution ce soft vraiment difficile. Le jeu ne s'adresse d'ailleurs pas à un jeune public.
Bien que nous soyons en 1994, Cocktel Vision nous propose des graphismes en haute résolution pour l'époque. L'écran de jeu aborde avec fierté 640x480 pixels ; seulement en 2010 n'espérez pas jouer en plein écran. Les graphismes style cartoon sont réellement excellents. Chaque tableau (une trentaine au total) est plus coloré et les détails et animations ne manquent pas. Le doublage est très travaillé : les comédiens sont à la fois convaincants et s'immergent parfaitement dans l'univers loufoque en nous inondant de "Crack Boom Quizz..." et autres bruitages. Un point négatif cependant au niveau de la bande sonore : elle ne compte malheureusement pas de thème accrocheur. Comptez environ une quinzaine d'heures pour en venir à bout si peu que vous ayez l'habitude du genre et un minimum d'intuition (ainsi qu'une petite aide quand vous séchez). Prévoyez 25 heures dans le cas contraire.
Woodruff est ainsi le digne héritier du savoir-faire de Coktel Vision dans le loufoque et la bizarrerie. Son humour lui confère un statut que peu de jeux ont atteint à travers l'histoire du jeu vidéo. Déjanté sans pour autant franchir la ligne de la crétinerie et de l'absurde, il concurrence les jeux d'aventure référence tels Monkey Island, ou plus récemment un Runaway. A noter qu'il est encore possible d'y jouer avec les derniers systèmes d'exploitation sortis ; il vous suffit juste d'activer la compatibilité avec Windows 95 et de lancer le soft en résolution 640*480 256 couleurs. Un point and click qui sera apprécié de tous les amateurs du genre foi de Schnibble !
- Graphismes12/20
Malgré une sortie il y a plus de 15 ans et un soft en 256 couleurs, le jeu reste agréable à regarder sur les écrans d'aujourd'hui. Très coloré dans un style cartoon dont on ne se lasse pas, Woodruff compte de nombreuses animations qui ne prennent pas une ride avec le temps. Dommage que certains objets de l'inventaire soient pixelisés et donc peu représentatifs.
- Jouabilité15/20
Intuitif et classique certes mais très efficace. Le jeu se prend en main dès les premiers clics. A noter que les écrans peuvent être traversés directement par un double clic, qualité très appréciable lorsque de nombreux allers-retours sont à envisagés.
- Durée de vie17/20
Une vingtaine d'heures en moyenne pour une première visite du jeu, moins d'une dizaine d'heures avec la solution, c'est plus que correcte pour ce style de jeu. A redécouvrir plusieurs années après.
- Bande son13/20
Des doublages presque parfaits et des bruitages très appropriés. Dommage qu'aucune musique ne vienne bercer notre ouïe. On notera l'absence de sous-titres qui parfois se fait ressentir.
- Scénario18/20
Gros point fort du jeu, le scénario semble initialement très classique mais bien vite un monde farfelu et déjanté vous ouvrira ses portes. L'immersion est totale et la mise en scène est impeccable.
Woodruff et le Schnibble d'Azimuth est un jeu mythique conseillé à tous les passionnés du genre. Un brin difficile pour les néophytes et parfois très rageant, vous tournerez en rond mais ne vous en lasserez pas. Ce soft saura vous charmer, vous énerver comme vous faire mourir de rire. A faire et à refaire.