« Tremblez mortels pixellisés ! Tremblez et craignez mon courroux ! Car je suis votre créateur et je possède droit de vie et de mort sur vos âmes virtuelles. Je peux modeler votre environnement pour favoriser votre développement ou au contraire pour vous contraindre à rester un peuple primitif. Je suis tout-puissant puisque je suis votre Dieu dans le monde de Populous ! »
C'est en ces termes que pourrait s'exprimer le joueur de Populous face aux petits êtres de pixels qui peuplent son écran. En effet, le jeu vous propose rien de moins que d'incarner une divinité, le genre de divinité avec des pouvoirs surnaturels à disposition et un peuple dévoué qui vous vénère et accessoirement qui vous craint. Le principe de Populous est à la fois simple tout en suivant des mécaniques relativement complexes. Votre peuple, composé en début de partie de 2 ou 3 individus, commence par s'installer sur une terre désolée parcourue par des vents hostiles, en plantant leurs tentes primitives entre deux rochers à flanc de colline. C'est alors que votre travail de Dieu commence. Votre premier but est de niveler le terrain autour de vos adorateurs en utilisant vos pouvoirs de base qui consistent à élever ou abaisser le sol. Les débuts seront difficiles car votre pouvoir, symbolisé par un curseur sur une sorte de réglette graduée, vous est donné par vos admirateurs, et comme ils sont pour l'instant très peu nombreux, chaque motte de terre soulevée vous coûtera de précieuses unités d'énergie divine. Au fur et à mesure que la colline sera rasée et transformée en gigantesque plaine, vous verrez les tentes de votre tribu se transformer en huttes, en chaumières, puis en grandes maisons, pour finir en châteaux. « Mais quel est l'intérêt de vivre dans un grand château au milieu d'une plaine quand on peut vivre paisiblement dans une petite maison dans la prairie ? » se demande Charles Ingalls.
Tout est une histoire de procréation. Une hutte ou une petite maison s'avère vite étroite quand vos fidèles ont des enfants. Ces derniers seront donc poussés hors du nid d'autant plus jeunes et faibles que la demeure familiale sera petite. En contrepartie, la cadence de reproduction sera plus rapide. Les jeunes ainsi éjectés iront construire une ou deux maisons, puis à bout de force, s'y reposeront le restant de leur petite vie de sprite. A contrario, les enfants de châtelains sont de véritables Tanguy, ne quittant pas l'enceinte du château avant la fleur de l'âge, bien nourris et bien costauds, fin prêts à affronter la rudesse du monde extérieur. En d'autres termes, leur cadence de reproduction est très lente mais les jeunes quittant leur château vont pouvoir aller construire à eux seuls une dizaine d'autres forteresses avant de sentir la fatigue dans leurs petits bras musclés ! Tout irait ainsi pour le mieux dans le meilleur des mondes si une autre divinité n'avait pas décidé de conquérir le même territoire que vous en y installant son propre peuple, tout de rouge vêtu, par opposition aux tuniques bleues portées par vos adorateurs. Mais fort heureusement, la ferveur croissante de votre tribu va vous permettre d'utiliser des pouvoirs divins de plus en plus destructeurs, à utiliser bien entendu sur les demeures ennemies…
La première aptitude destructrice que votre curseur d'énergie divine atteindra sera le tremblement de terre. A effectuer dans une zone de préférence densément peuplée par les rouges, sa zone d'effet est restreinte et il s'avère finalement peu destructeur car il se contente de créer des creux dans un espace préalablement nivelé par le Dieu concurrent. Mais plusieurs séismes déclenchés à la suite à différents endroits peuvent être très gênants. La création de marécages, quant à elle, offre un excellent rapport efficacité/coût énergétique, surtout lorsqu'ils sont profonds. Les petits hommes rouges vont tomber dedans et disparaître un à un jusqu'à ce que le Dieu adverse se rende compte du piège que vous lui avez tendu et répare tout cela, ce qui peut prendre parfois un certain temps. La création d'un chevalier est très efficace également, mais s'effectue en plusieurs étapes : demandez à vos fidèles de converger vers la croix papale, un symbole de votre puissance que vous pourrez placer où bon vous semble sur la carte quand vous aurez un leader dans votre tribu. Le premier bonhomme à atteindre la croix est désigné chef de votre peuple et se distingue facilement car il porte une petite croix sur son épaule. Les autres marcheurs arrivant ensuite sur votre chef vont alors curieusement fusionner avec ce dernier pour le rendre plus fort. Lorsque vous estimez qu'il est suffisamment costaud, vous pouvez le transformer en chevalier très résistant qui va aller carrément se battre en territoire ennemi, brûler les habitations et piller les cultures ! Vous pouvez également créer un volcan. Mais attention, il n'est pas question de voir ici des coulées de lave ou des projections de roches impressionnantes mais simplement de constater l'apparition soudaine d'un gros tas de terre parsemé de rochers, ce qui n'est finalement pas beaucoup plus efficace ni impressionnant qu'un séisme. Dommage si l'on considère la quantité d'énergie déployée pour un tel résultat ! Viennent ensuite les deux pouvoirs ultimes : le raz de marée et l'Armageddon. Le raz de marée fait monter la mer d'un niveau, submergeant définitivement toutes les terres situées au plus bas en noyant par la même occasion les malheureux (rouges comme bleus) qui s'y trouvaient. A utiliser avec prudence donc ! L'Armageddon déplace les croix papales des deux peuples en plein centre de la carte et les deux factions rivales abandonnent leurs demeures pour se diriger vers les symboles divins afin d'y livrer une ultime bataille. Le dernier fidèle survivant donne la victoire à son Dieu.
Outre les pouvoirs divins, vous avez accès à quantité d'autres commandes et options tactiques. Par défaut, votre peuple sera prioritairement bâtisseur, mais vous pouvez également lui demander d'aller en priorité essayer de conquérir par la force les demeures du peuple rouge qui sont à proximité, ou alors de s'unir afin d'être plus fort, ou encore de se diriger vers la croix papale comme nous l'avons déjà vu. L'option en forme de point d'interrogation permet d'obtenir des informations sur un habitant en particulier afin de voir sa force physique (barres orange puis jaunes), ou sur une demeure afin de vérifier l'indice de reproduction (un habitant est généré lorsque la barre verte est complète). Il est également possible de centrer rapidement l'écran sur votre chef de tribu ou sur vos chevaliers si vous en avez. Bref, les options sont nombreuses et il faut un certain temps avant de maîtriser toutes les commandes ! La prise en main n'est d'ailleurs pas aisée : le déplacement du curseur, tout comme le déclenchement des commandes souffrent d'un étrange effet d'inertie qui peut être fort désagréable. A noter que sur SNES le jeu n'est pas compatible avec la souris de la console sortie plus tard, la jouabilité à la manette étant du coup très différente de celle sur PC. La réalisation globale du titre n'est pas folichonne. Les graphismes des versions 16 bits sont à peine meilleurs que ceux de la version Master System, et certaines zones de la carte peuvent manquer de clarté lorsqu'elles sont un tant soit peu chargées de détails. La bande-son, de son côté, consiste en de soi-disant battements de cœur qui s'accélèrent lorsque vous êtes en mauvaise posture, et se révèle vite très pénible. La version SNES offre tout de même des environnements inédits et souvent comiques (par exemple le monde des petits cochons, le monde numérique où des consoles font office de demeures, la France pendant la Révolution, etc.) par rapport aux quatre terrains classiques qu'offrent les versions de base des autres machines (prairie, désert, neige et volcanique). De toute façon, il est clair que la force du jeu n'est pas dans sa réalisation mais dans le principe même du jeu. Il ne faut pas oublier que Populous est l'un des tout premiers « god-game » comme on les appelle maintenant, le premier gros bébé de l'excentrique Peter Molyneux, et un jeu terriblement original à l'époque de sa sortie. Après avoir passé outre une réalisation en demi-teinte, on découvre au final un jeu passionnant malgré son aspect répétitif inhérent au genre.
- Graphismes11/20
Les graphismes ne sont pas folichons et les animations se cantonnent au strict minimum. Même le déclenchement des différents pouvoirs divins n’est guère impressionnant.
- Jouabilité12/20
Un désagréable effet d’inertie du curseur est plus ou moins présent sur toutes les versions du titre. Il faut reconnaître que les versions consoles ont été travaillées pour ne pas être plus désagréables à jouer au pad que les versions PC à la souris, c’est déjà ça !
- Durée de vie18/20
C’est incontestablement le point fort de Populous ! Pour peu que vous adhériez au principe, le petit millier de niveaux que compte le jeu a de quoi vous scotcher à l’écran un bon moment. Il est même possible d’éditer ses propres niveaux en mode Custom ce qui rallongera encore la durée de vie déjà énorme du mode Conquest.
- Bande son5/20
La bande-son du jeu peut se résumer en un seul mot : « pénible ». En jouant, coupez donc le son pour mettre un bon CD, au risque de perdre les quelques indications utiles parfois données par de mauvais bruitages.
- Scénario/
Un Dieu n’a pas besoin de scénario pour créer et détruire…
Si vous réussissez à passer outre une réalisation tout juste passable, vous découvrirez un jeu à la fois riche, prenant et très long… Trop long peut-être car sur la durée Populous s’avère très répétitif. Il reste pourtant le glorieux ancêtre de très bons jeux tels que Black & White ou Spore.