Si la série des Metroid fait sans doute partie des plus connues et respectées du jeu vidéo, peu de joueurs européens ont connu le tout premier épisode de la série. Sorti début 1988 chez nous, un an et demi après le Japon, Metroid est pourtant un must-have qui a inventé ou popularisé de nombreux concepts qui seront utilisés dans des dizaines, voire des centaines de jeux toutes époques confondues. Mais à quoi ressemblait la première aventure de Samus Aran ?
En 1986, Nintendo est en plein boom. La firme nippone vient d'aligner en quelques mois Super Mario Bros et The Legend of Zelda, deux titres géniaux et révolutionnaires dont on savait déjà à l'époque qu'ils marqueraient le jeu vidéo de leur empreinte. Lors de sa sortie au Japon en août 1986, Metroid prétend être un savant mélange de ces deux softs, oscillant entre la plate-forme et la recherche. Même si le pari semble impossible, le titre de Nintendo va pourtant être bien plus que cela en scotchant des joueurs ébahis devant ses nombreuses qualités que nous allons détailler dans les prochaines lignes. Mais commençons par le commencement, l'histoire.
Dans un futur que l'on devine lointain, vous êtes Samus Aran, chasseur de primes voyageant à travers l'espace et œuvrant pour le bien. Vous travaillez régulièrement pour la Fédération Galactique, organisation qui tente de faire régner la paix aux quatre coins de la galaxie. C'est donc en toute logique que, lorsque l'organisation terroriste appelée « les Pirates de l'Espace » vole des spécimens de métroïdes dans une station de recherche, la Fédération Galactique fait appel à vous (et pour compliquer les choses, à vous seul) pour les retrouver et éliminer Mother Brain, le chef des Pirates. Mais qu'est-ce qu'un métroïde me demanderez-vous ? Après tout, quitte à risquer sa peau, autant savoir pourquoi, non ? Et bien un métroïde est une très vilaine bestiole, certes primitive, mais possédant l'unique et terrifiante capacité de pouvoir absorber toutes les forces vitales de n'importe quel organisme à une vitesse vertigineuse. Évidemment, un tel pouvoir utilisé à mauvais escient pourrait causer le chaos dans l'univers. Vous partez donc vers le repaire des Pirates de l'Espace sur la planète Zebes.
A peine arrivé sur cette planète hostile, vous ne pouvez que vous sentir désemparé. Votre unique arme ne tire pas à plus de cinq mètres et vous n'avez que quelques malheureux points de vie pour résister aux attaques de la faune locale. Le début de partie est très compliqué, et on aurait tôt fait de se sentir découragé par la difficulté old-school du soft. Pourtant, une des forces de Metroid vient de l'évolution constante de l'arsenal et des capacités de Samus Aran. Par exemple, au bout de quelques secondes de jeu, vous mettrez la main sur la fameuse Maru Mari (appelée Morph Ball dans les opus suivants), qui vous permet de vous rouler en boule pour passer dans différents recoins. Au fur et à mesure de vos pérégrinations, vous trouverez aussi des missiles, des améliorations de votre arme principale ou encore des modifications apportées à votre combinaison de base. Chacune de ces évolutions est une immense découverte qui vous remplira de joie, car non seulement elles vous facilitent drôlement la tâche face aux belliqueux ennemis, mais en plus elles vous permettent souvent de visiter des zones jusqu'alors inaccessibles, afin d'avancer dans le jeu. De plus, le level design est construit de telle façon que vous anticipez souvent ces découvertes, ce qui ne manquera pas de susciter une certaine attente et de faire palpiter votre fragile cœur de gamer.
Puisque l'on parle du level design, autant s'y attarder plus longuement. Il constitue sans conteste l'un des plus grands atouts de ce titre et restera une des innovations du jeu vidéo. Vous êtes dans un seul et même niveau tout au long du jeu, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de stages ou de temps de chargement. Dès le début de l'aventure, divers chemins s'offrent à Samus et il ne tient qu'à vous de les visiter. Mais les dédales labyrinthiques et tortueux des différentes zones de la planète Zebes sont tout sauf hasardeux. Tout le jeu est construit de manière à pousser le joueur à l'explorer de fond en comble. Chaque mur, chaque sol et chaque plafond peut dissimuler un passage secret menant vers une réserve de missiles supplémentaires, voire des améliorations sans lesquelles finir le jeu peut devenir un véritable enfer ! La perfidie des développeurs les a poussés à mettre de la fausse lave, dans laquelle il faudra pourtant plonger pour trouver des objets d'une importance capitale, alors que rien ne nous l'indique. Mais malgré les allers-retours incessants pour trouver notre chemin, le jeu réussit l'exploit de ne jamais devenir ennuyeux. Tout d'abord, les environnements sont variés et uniques. On voyage entre les zones ouvertes de Brinstar et la chaleur de Norfair. La tension monte lorsque l'on approche de Kraid et Ridley, ces deux boss étant cachés dans des repaires situés dans les profondeurs étouffantes de Zebes. Autant le dire, plus vous descendrez, plus vous sentirez la pression sur vos épaules. L'atmosphère du jeu est particulièrement éprouvante et suffocante, une prouesse hors du commun pour un jeu datant de 1986 ! Les graphismes ont certes vieilli et les clignotements sont nombreux, mais le style, qui n'est pas sans rappeler Alien par moment tout en ayant une identité propre, reste une réussite marquante.
Bien sûr, que serait l'environnement d'un soft sans une ambiance digne de ce nom ? Metroid est sans aucun doute l'un des jeux de l'époque qui aura bénéficié de la bande-son la plus poussée ! Les morceaux de Hirokazu « Hip » Tanaka sont d'une efficacité rare. A chaque retour à Brinstar, le thème épique de la zone vous fera pousser des ailes. Mais que dire du fameux Kraid's Lair Theme ? Ce lancinant morceau est un indémodable et il est étonnant de se rendre compte qu'après toutes ces années et les nombreux réarrangements, le thème original surprend toujours par son pouvoir immersif. Metroid semble donc être à la fois une réussite artistique et ludique. Mais pour profiter de toutes ses qualités, vous devrez contourner une difficulté corsée qui ne laisse que peu droit à l'erreur. Comme dit précédemment, les morts seront nombreuses, surtout pendant le premier tiers du jeu. Ensuite, l'obtention de nouveaux items facilite les choses, du moins, c'est ce que l'on croit avant d'arriver à Tourian. Effectivement, la dernière zone du jeu abrite les terribles métroïdes qui ne manqueront pas de vous provoquer des sueurs froides tant ils sont résistants, véloces et agressifs, précédant un combat final des plus ardus. L'autre chose qui rend Metroid difficile, c'est qu'il n'est pas aisé de remplir sa jauge de vie. Seuls les monstres lâchent, quand cela leur chante, quelques maigres ressources vitales. Le pire, c'est qu'à chaque mort, vous recommencerez avec votre vie au minimum et il vous faudra sans doute cinq bonnes minutes à tuer des ennemis sortant de tuyaux pour remplir toutes vos réserves d'énergie afin de repartir à l'assaut. C'est assez fastidieux.
Il faut aussi savoir que le jeu ne possède pas de sauvegarde. Pour palier à cela, les développeurs de Metroid ont créé un système de password qui permettait de reprendre là où on en était dans un jeu très long à finir pour l'époque. C'était encore une fois une innovation. Bref, comment dire du mal d'un tel jeu ? Malgré sa maniabilité que l'on pourrait considérer aujourd'hui comme rigide, Metroid est un véritable pilier du jeu de plates-formes/action, se permettant de renouveler le genre grâce à un côté exploration qui fait tout son charme. Bien que l'ambiance unique de la série ait surtout été magnifiée par Super Metroid, le premier opus réussit déjà à nous plonger dans son atmosphère pesante, bien aidée par une bande-son sombre et lugubre. Que l'on soit aficionados de la série ou pas, le titre de Nintendo ne peut pas laisser indifférent et marquera votre mémoire de joueur même 24 ans après sa sortie initiale. Vous n'avez plus qu'à aller botter les fesses de ces satanés Pirates de l'Espace !
- Graphismes16/20
Les décors sont variés et tout semble être vivant des murs au plafond. C’est un peu la marque de fabrique des Metroid et en cela, le premier opus est une réussite. C’est à la fois sombre et coloré, tout en restant définitivement en accord avec l’environnement général. Le véritable problème vient d’incessants clignotements qui font disparaître des éléments importants, principalement Samus Aran en cas de contact avec un ennemi.
- Jouabilité19/20
Le game design est honteusement prodigieux. S’y retrouver dans les couloirs vous demandera certes de la patience, mais fouiller chaque recoin de la planète Zebes est un véritable plaisir et l’évolution de l’arsenal et de l’équipement nous permet de redécouvrir chaque zone avec un autre œil. Les commandes sont simples mais efficaces. Le Morph Ball est un élément de gameplay très novateur et fait partie des icônes de la série. Par contre, la difficulté hardcore risque d’en repousser plus d’un, surtout au début, mais le jeu en vaut la chandelle.
- Durée de vie18/20
Il vous faudra près de 7-8 heures pour finir Metroid à 100%. Quand on pense que ce n’est pas loin de certaines productions actuelles (non, je ne citerai pas de noms), il est évident que Metroid est un des jeux les plus longs de son époque. Comme pour The Legend Of Zelda, les développeurs ont dû créer un système pour pouvoir reprendre sa partie là où on en était. De plus, le jeu contient 6 fins différentes selon la vitesse à laquelle vous le finissez, vous incitant à recommencer le jeu pour faire un meilleur temps.
- Bande son19/20
Metroid doit énormément à sa bande-son. Le travail de Hirokazu Tanaka est exemplaire tant les quelques thèmes collent bien aux environnements qui leur correspondent. Le Kraid’s Lair Theme est sans aucun doute le plus réussi et le plus culte. Certaines thèmes ont été réutilisés pratiquement tels quels même dans les opus les plus récents, gage de qualité. La petite musique qui indique que l’on approche d’un objet important est ingénieuse. Petit clin d’œil au père Mario concernant la musique des boss.
- Scénario15/20
Même s’il est extrêmement basique, le scénario est suffisant pour lancer la difficile tâche de Samus Aran sur la planète Zebes. La phase finale du jeu est inattendue et plutôt stressante. De plus, un point pourtant très important de l’histoire ne sera révélé que si vous finissez le jeu en moins de cinq heures. Même si tout le monde connait cet élément aujourd’hui, ce fut une jolie surprise à l’époque.
Attention, chef-d’œuvre ! Metroid est sans aucun doute l’un des jeux les plus novateurs de tous les temps. L’ingénieux mélange de plates-formes, d'action et d'exploration est une trouvaille tellement parfaite qu’il est encore utilisé aujourd’hui dans de nombreux jeux (la série des Castlevania sur portable en tête). Ajoutez à cela une ambiance marquante, une extraordinaire bande-son et une durée de vie plus qu’honorable et vous obtenez de l’or en cartouche comme on n’en voit pas tous les jours. Même aujourd’hui, la profondeur du titre de Nintendo n’a pas pris une ride et Metroid reste sans doute le meilleur épisode de la série avec le troisième opus. Il ne vous reste plus qu’à vérifier tout cela par vous-même.