Qui a dit que les voies de la création étaient impénétrables ? Pas les développeurs de 5th Cell en tout cas, qui vous proposent d'incarner une nouvelle fois le démiurge d'un petit monde, véritable génie du pinceau. Dans Dessine ton Aventure, la suite de Drawn to Life sur DS, vous pouvez à nouveau laisser libre cours à votre fantaisie et dessiner vous-même le héros que vous allez contrôler, ainsi que certains éléments du jeu. Mais quid des nouveautés ?
Dans Drawn to Life : The Next Chapter, retitré Dessine ton Aventure pour la France, vous incarnez toujours le Créateur du paisible monde des Raposa, petits personnages ressemblant à des lapins. Après les événements du premier opus, vous auriez bien passé le reste de votre existence éternelle à dormir d'un sommeil léthargique, mais vous voilà à nouveau réveillé par les prières de Mari, la petite Raposa qui a repris la succession de son défunt père à la mairie du village. Le vil et fourbe Wilfre vient encore de faire des siennes ! Cette fois, il n'a pas recouvert les lieux d'épaisses ténèbres, mais ce qui est arrivé est peut-être encore pire : il en a fait disparaître toutes les couleurs, rendant le village dangereux et inhabitable. Et par-dessus le marché, une partie des habitants a mystérieusement disparu. Les rescapés sont donc obligés de se réfugier sur un bateau-tortue. Ce navire pour le moins original leur permet d'accoster les îles environnantes et de les explorer à la recherche des couleurs et de leurs amis. Mais sans vous, le Créateur, les Raposa ne sont rien. Et comme vous ne pouvez intervenir directement, il vous faut créer un avatar afin de les aider.
Armé de votre stylet, vous voilà donc invité à dessiner votre héros sur un patron rectangulaire avec pour seul guide ses futurs points d'articulation. L'éditeur proposé par 5th Cell est toujours aussi simple d'utilisation, mais il est par ailleurs toujours aussi limité. Si les outils proposés vous permettent de choisir la couleur et l'épaisseur du trait, de colorier une zone, de gommer, ou encore de modifier le niveau de zoom (pour peaufiner votre création pixel par pixel), l'absence d'un outil aussi élémentaire qu'un générateur de formes géométriques (pourtant présent dans la version Wii) se fait une fois de plus ressentir. Mais que la crainte de la page blanche ne vous inquiète pas trop : l'éditeur vous donne la possibilité de partir de quelques modèles de base que vous pouvez modifier à loisir. Il propose également quelques nouveautés fantaisistes, comme la possibilité de doter votre création de membres supplémentaires, ou bien encore d'étirer ces derniers à votre convenance. Cela a tendance à rendre son animation encore moins convaincante. En même temps, son look de pantin grunge désarticulé lui confère un côté grotesque et décalé qui vous rappelle sans cesse qu'il s'agit de votre création. Et quelles que soient vos compétences de dessinateur, c'est un vrai bonheur de gosse que de la voir prendre vie sous vos yeux émerveillés.
Comme son prédécesseur, Dessine ton Aventure propose deux types de visualisation en fonction des environnements traversés : une 2D aérienne pour les phases d'aventure, et une 2D latérale, avec défilement horizontal, pour les niveaux de plates-formes. Les phases d'aventure ont été retravaillées et se montrent plus efficaces dans cette suite. Les situations sont une fois encore très neuneues (jeune public oblige) et les dialogues plus abondants que jamais, mais les personnages sont toujours aussi attachants, tandis que l'histoire et la mise en scène ont bénéficié d'un soin tout particulier. Chacune des îles où vous accostez est l'occasion de vivre une sous-trame intéressante, qui amène votre héros et ses amis à aider les autochtones. Ajoutez à cela quelques séquences émouvantes, une grosse trahison doublée d'un twist surprenant et pour peu, vous vous croiriez dans un Final Fantasy pour enfants. Les phases d'aventure ne sont donc plus le prétexte à introduire le niveau de plates-formes suivant, ce qui est très appréciable. Petit reproche tout de même : autour de Mari et Jowee, Dessine ton Aventure fait intervenir de nombreux personnages issus du premier épisode sans jamais vous expliquer vraiment qui ils sont : les nouveaux-venus risquent d'avoir un peu de mal à comprendre leur rôle, heureusement secondaire.
A côté de ça, la progression en tant que telle est particulièrement amusante. Les îles sur lesquelles vous intervenez sont autant de pages blanches auxquelles vous devez redonner des couleurs. Pour ce faire, il vous faut obtenir des gouttes de peinture disséminées au cœur des différents niveaux de plates-formes. Chaque zone de l'île nécessite un certain nombre de gouttes ; dès que vous avez le compte, il vous suffit de la crayonner grossièrement au stylet pour la voir retrouver ses couleurs. Les coloriages étaient un peu plus exigeants dans l'épisode précédent, mais au moins le jeu se rend-il accessible aux plus jeunes. Quoi qu'il en soit, pour chaque zone ravivée, vous déverrouillez l'accès à de nouveaux niveaux, pour certains optionnels. A mesure que l'île reprend des couleurs et que l'histoire évolue, vous êtes parfois amené à dessiner certains de ses éléments : un oiseau, un phare, un bateau... Ces créations sont intégrées directement aux splendides décors, particulièrement fouillés, à côté desquels elles jurent un peu. Mais c'est votre patte à vous ! C'est pourquoi on regrette que ces options de personnalisation soient beaucoup moins présentes que dans le premier Drawn to Life, où on dessinait soi-même de nombreux éléments du village des Raposa.
Les niveaux de plates-formes sont pour leur part toujours aussi convenus. Ils sont truffés d'obstacles éculés et d'ennemis idiots sur lesquels il est possible de sauter ou de tirer. Votre héros ne dispose pas de jauge de vie, mais perd progressivement ses vêtements en cas de contact avec l'ennemi, clin d'œil à l'antique Ghosts'n Goblins et point d'orgue d'un gameplay old-school assumé à 100 %. Le jeu serait donc des plus classiques s'il ne vous proposait régulièrement de dessiner vous-même les éléments qui permettent à votre héros de progresser (plates-formes mouvantes, anneaux de propulsion...), mais aussi ses armes et ses moyens de locomotion. Votre créativité peut être bridée par une forme prédéfinie que vous ne pouvez que colorier, mais le jeu vous laisse le plus souvent maîtriser votre création de A à Z (sur une surface déterminée toutefois). Quelques nouveautés propres à ce second opus viennent enrichir un peu le gameplay. Pour commencer, vous bénéficiez dorénavant de séquences dites de "dessin actif" où il vous faut tracer directement sur le décor les plates-formes nécessaires. Vous utilisez pour cela de l'encre en quantité limitée, dont les différentes couleurs correspondent chacune à un effet donné. Cette fonctionnalité a déjà été expérimentée de façon plus convaincante dans d'autres titres DS. Ici, le rendu et la jouabilité sont plutôt confus.
Autre nouveauté : votre héros gagne la possibilité de se transformer en goutte d'eau ou en araignée (à dessiner vous-même, cela va de soi). Ces métamorphoses, qui lui octroient de nouvelles capacités de mouvement, permettent d'implémenter quelques puzzles dans les niveaux. Ces derniers restent assez simples et plus courts que dans le premier opus. Ils sont en contrepartie plus variés et plus nombreux : chacune des îles à visiter contient une dizaine de niveaux, dont un combat contre un boss, ce qui assure au titre une durée de vie plus solide que celle de son prédécesseur. Qui plus est, chaque niveau peut être rejoué à loisir, ne serait-ce que pour y dénicher la médaille cachée ou le Raposa égaré, objectifs facultatifs. Sachez enfin qu'avec les pièces que vous accumulez, vous pouvez acheter de nouvelles armes ou des modèles de personnages prédéfinis. Côté réalisation, c'est tout à fait satisfaisant, comme vous le confirmera notre pavé technique. Mention spéciale aux musiques du jeu, très réussies. Au final, en dépit de l'aspect convenu de ses séquences de plates-formes et de quelques menus défauts (dialogues trop longs, présence d'une seule sauvegarde), Dessine ton Aventure est une digne suite de Drawn to Life, qui fera un excellent cadeau de Noël pour des enfants créatifs.
- Graphismes14/20
Dessine ton Aventure affiche des graphismes très réussis durant les phases d'aventure, et un peu moins convaincants (car trop génériques) durant les phases de plates-formes. Mais le plaisir réside surtout dans la possibilité de laisser libre cours à votre imagination, sachant que vos créations les plus folles et les plus incongrues seront parfaitement intégrées au jeu.
- Jouabilité13/20
Même si les séquences de plates-formes s'enrichissent de quelques nouveautés, le gameplay n'est pas des plus élaborés. Son côté old-school, pleinement assumé par les développeurs, rebutera les uns et séduira les autres. Le jeu se laissera toutefois prendre en main facilement par les plus jeunes, excepté dans les phases de "dessin actif" où l'ergonomie laisse à désirer.
- Durée de vie14/20
La durée de vie du titre est largement supérieure à celle de son prédécesseur. Les niveaux, plus nombreux et plus variés, sont plus agréables à rejouer et il y a tout un tas de petites choses à débloquer. Enfin, il faut bien avouer que les phases de dialogues interminables rajoutent encore à la longévité du jeu.
- Bande son15/20
Les thèmes musicaux font mieux que se laisser écouter : variés, entraînants et parfaitement adaptés à l'univers du jeu, ils parviennent régulièrement à charmer vos oreilles. Le babillage des Raposa est mignon comme tout et les bruitages, issus pour l'essentiel du premier opus, ne sont pas en reste.
- Scénario14/20
Dessine ton Aventure se destine en priorité aux enfants. Pas étonnant d'y retrouver des personnages drôles et attachants et des dialogues gentiment neuneus. Les quelques retournements de situation et la séquence finale étonnamment mature sont autant d'entorses bienvenues à cet univers naïf et sucré.
Plus long, plus riche et mieux scénarisé, Dessine ton Aventure est la digne suite de Drawn to Life. Au-delà de l'univers fantaisiste et coloré, de la simplicité des phases de plates-formes et de la possibilité de voir ses créations s'animer, qui raviront une fois de plus les enfants, les joueurs plus chevronnés pourront aussi apprécier un jeu qui n'est pas dénué d'un certain charme rétro et de quelques surprises ponctuelles. Il est vrai que les nouveautés ne s'y bousculent pas au portillon, et que le jeu souffre de quelques petits défauts, comme l'abondance de dialogues, la personnalisation moins poussée des environnements et la présence d'un unique slot de sauvegarde. Mais c'est toujours un vrai bonheur de gosse que de voir ses créations les plus folles ou les plus incongrues prendre vie sous ses yeux émerveillés.