Sur Pandore, vaste étendue désertique, les lois s'écrivent chaque jour avec le sang des faibles. Planète étrange aux allures de Far West post-apocalyptique, ce sinistre caillou sera néanmoins le théâtre d'une stupéfiante aventure. La vôtre, et peut-être même celle des potes qui auront le courage d'arpenter ce monde à vos côtés pour tenter de retrouver l'Arche, un trésor alien inestimable enfoui sous terre. Ainsi, qui que vous soyez, bienvenue dans Borderlands, un titre unique à la croisée des chemins entre le FPS et le jeu de rôle.
Borderlands est effectivement né d'une ambition folle, celle de mêler deux genres bien distincts en un tout cohérent. Et force est de constater que le résultat de ce pari est pour le moins convaincant. Alors certes, il ne faut pas attendre de Borderlands une histoire touffue, marquée par de terribles révélations et d'incroyables retournements de situation. On n'espérera pas plus du jeu qu'il nous offre des séquences "Call of Dutyiesques" bourrées de scripts et de folies visuelles. Non, pour tout dire, le gros bébé de Gearbox s'apparente davantage à un gros défouloir, dans lequel on tuera des hordes de bad guys et de bestioles baveuses pour le simple plaisir de faire grimper nos statistiques et de s'approprier des flingues toujours plus puissants. Ni plus ni moins. Cela dit, si Borderlands ne nous propose pas de scénario digne de ce nom, il parvient tout de même à donner vie à un univers délirant qui emprunte autant à Mad Max qu'à l'excellente série Firefly. Mature et extrêmement violent en dépit d'un cel shading que l'on associerait volontiers à un titre au ton plus léger, Borderlands présente un univers peuplé de tueurs psychopathes regroupés dans des bases crasseuses décorées de restes humains. Le titre profite d'ailleurs d'un design particulièrement délirant qui achève de donner vie à ce monde de jobards meurtriers.
Et quand on parle de jobards justement, autant faire les présentations avec les 4 chasseurs de trésors qu'il sera possible d'incarner dans le jeu. Chacun de ces énergumènes possède ses armes de prédilection et profite de surcroît d'une compétence spéciale qu'il pourra évidemment faire évoluer au fil de ses pérégrinations. Chaque classe (puisqu'au fond, c'est de cela qu'il s'agit) accédera même à des objets et mods spécifiques qui révéleront d'ailleurs leur plein potentiel lorsqu'on traversera le soft en coopération. Bref, sachez donc, jeunes aventuriers, que vous pourrez partir à la chasse dans les bottes de Brick le Furieux, une montagne de muscles adepte des armes lourdes et capable de pulvériser du mob à la seule force de ses poings d'acier. Radicalement opposé au bourrin de service, Mordecai préfère largement un bon fusil de snipe et un joli petit flingue. Le bougre est en plus accompagné d'un oiseau de proie qu'il enverra volontiers picorer les yeux des ennemis trop entreprenants. Le troisième larron répond au doux nom de Roland. C'est le soldat du groupe et c'est aussi le personnage le plus polyvalent. A l'aise dans toutes les situations, le bonhomme privilégie toutefois les fusils d'assaut et les bons vieux pompes. Il peut également déployer une tourelle automatique associée à un petit bouclier bien pratique pour se soustraire un temps aux bastos adverses. Enfin, comme un pétale de rose perdu dans les égouts, on découvre Lilith la Sirène, dont le pécher mignon se trouve être les pétoires spéciales aux munitions incendiaires, explosives, électriques ou corrosives. Mais la particularité de la belle, c'est de pouvoir déclencher l'hyperphase, et donc de devenir invisible et très rapide pendant un bref moment tout en infligeant des dommages aux ennemis à proximité.
Tous ces joyeux drilles disposent d'un arbre de compétences unique, divisé en trois branches et que vous pourrez faire fleurir en prenant des niveaux. Chaque fois que vous passerez un nouveau palier, votre héros deviendra plus résistant et plus puissant et bénéficiera d'un point de compétence à allouer comme bon vous semblera. Lilith par exemple, pourra choisir de regagner de la santé lorsqu'elle déclenchera l'hyperphase. Mordecai pourra quant à lui faire de son oiseau un véritable petit vampire, capable de voler des points de vie à l'ennemi pour en faire profiter le patron. Charmant. Les options sont nombreuses, toujours utiles et ne déséquilibrent jamais le jeu en rendant votre personnage trop puissant. Pouvoir développer son guerrier est incontestablement l'un des plus grands plaisirs de Borderlands. Mais que faire pour engranger de l'expérience et booster votre héros vous demandez-vous sans doute ? C'est pourtant simple, il vous faudra tuer, tuer, et encore tuer. On se livrera à ce joyeux passe-temps en parcourant librement un monde vaste et divisé en secteurs plus ou moins dangereux, ou en terminant de nombreuses quêtes, calquées, il faut bien l'avouer, sur le plus basique des MMO. Collecter des cristaux, brûler la cervelle de 10 skags, ces chiens errants qui pullulent dans le désert, récupérer tel fusil, abattre tel chef de gang... Le jeu intègre même un système de défis bien basiques (tuer 1000 ennemis au corps-à-corps, écraser 25 personnes en buggie) qui vous permettront d'obtenir toujours plus de points d'EXP. Pour le coup, Borderlands ne fait plus preuve de la moindre originalité.
On prendra néanmoins beaucoup de plaisir à dégommer des hordes d'ennemis avant de se jeter sur les innombrables objets que ces derniers ne manqueront jamais de faire tomber en expirant. Pistolets, fusils de snipe, shotguns, fusils d'assaut, SMG, RPG, grenades, munitions, mods pour les grenades (pour les rendre adhésives ou même capables de se téléporter directement aux pieds de votre cible du moment), mods directs pour vos compétences ou boucliers plus puissants aux fonctionnalités diverses (régénération de santé, résistance accrue aux projectiles enflammés, etc.). Il suffit d'ailleurs de pointer un objet pour voir s'ouvrir une fenêtre résumant toutes ses caractéristiques : puissance, cadence de feu, taille du chargeur, dispersion plus quelques petites étrangetés, comme la possibilité de profiter de bonus lorsqu'on matraquera un méchant à coups de crosse. Le tri demandera donc du temps mais ne posera pas vraiment de problèmes, du fait d'un ingénieux code couleur. Une caractéristique marquée en vert dénotera une amélioration par rapport à votre matos actuel, tandis que du rouge indiquera quelque chose de moins performant. Ces multiples items pourront également être dénichés en farfouillant dans les endroits les plus divers : boîtes à lettres, caisses, tas de détritus voire cuvettes de toilette. Dans Borderlands, tout peut contenir des armes, des munitions ou des dollars, dollars qu'on ira d'ailleurs dépenser dans les distributeurs d'armes du coin, en profitant parfois d'offres limitées dans le temps.
Là encore, le titre de Gearbox se révèle terriblement prenant. De fait, on tend rapidement à oublier la forme des ennemis, pourtant variés et fun à combattre, pour ne plus voir en eux qu'une source d'EXP et de nouvelles armes. Emporté par cette pluie particulièrement jouissive d'ustensiles de guerre, l'humble auteur de ces lignes en oublierait presque de parler des fusillades en elles-mêmes. Or de ce côté-là, Borderlands fait encore une fois bien son boulot, même si les inquiétudes que certains n'avaient pas manqué de manifester en visionnant les récentes vidéos de gameplay de la bête prennent parfois corps. L'IA des ennemis dans Borderlands est assez quelconque, ces derniers se contentant souvent de foncer vers vous tête baissée, en ligne droite. Les maîtres incontestés de ce comportement sont d'ailleurs les boss, évidemment capables d'encaisser plus de 200 kilos de plomb avant de rendre l'âme (et de dropper un max de loot comme dirait l'autre). Reste qu'en général, le nombre des ennemis et leur variété imposent au joueur d'être extrêmement prudent, d'assurer les tirs à la tête, synonymes de "coups critiques", et de se préserver autant que possible. Cerné par 5 nabots incendiaires, arrosé par un sniper placé sur une corniche tout en regardant d'un oeil une brute et son hachoir se rapprocher à pas lourds, on devra souvent la jouer fine pour s'en sortir vivant. La victoire, pour peu que les ennemis aient un niveau supérieur au vôtre, devient alors grisante. On appréciera notamment le fait de pouvoir, au culot et au talent, affronter un ennemi beaucoup plus fort pour au final, générer un raz de marée d'EXP. Cela dit, même avec toute la bonne volonté du monde, certains adversaires vous seront inaccessibles sans avoir passé quelque temps à leveller.
Borderlands parvient néanmoins à maintenir un structure suffisamment cohérente pour ne pas vous obliger pas à passer des heures à tuer du skag. Il suffira plus généralement de vous rendre au tableau des quêtes des grandes villes et de sélectionner quelques missions adaptées à votre niveau, où fondamentalement, on tuera autre chose que des clébards... Bref, en dépit de sa répétitivité parfois digne d'un MMO coréen, le bébé de Gearbox reste un petit plaisir à traverser. Comparaison assez douteuse, qui permettra néanmoins de faire la transition vers l'ultime force de Borderlands : son multijoueur. Comme nous l'évoquions déjà, le titre peut être effectivement parcouru en coopération à 4 en local ou sur le net. Or c'est là, véritablement, que le jeu révèle tout son intérêt. Car malgré quelques grosses lacunes, comme l'impossibilité de partager de l'argent ou de donner des armes à vos potes autrement qu'en les jetant sur le sol, Borderlands prend alors des airs de magnifique aventure. La puissance des adversaires se calquera sur la force de votre groupe, qui pourra accueillir des personnages de tout niveau. Notez d'ailleurs qu'il est tout à fait possible d'utiliser les héros que vous aurez développés en solo. Dans tous les cas, on devra jouer intelligemment en protégeant les plus faibles, en partageant les munitions et en laissant les bonnes armes à ceux qui sauront le mieux en tirer parti.
Du coup Borderlands ne pourra vraiment s'apprécier qu'avec une bande de potes. Encore que, si au cours d'une partie peuplée de parfaits inconnus, vous en veniez à jeter votre dévolu sur la même pétoire, un petit échange de coups de crosses fera basculer le jeu en mode duel. Bon, certes, vous ne récupérerez pas nécessairement l'objet du litige, mais vous pourrez au moins vous défouler un peu contre le sagouin. Et si vous perdez le duel, vous ne souffrirez que d'une perte de points de vie. Bref, Borderlands ne manque pas d'arguments et nous pourrions encore blablater un moment sur les véhicules au maniement perfectible mais indispensables ou sur toutes les richesses d'un monde qu'il faudra entre 30 et 60 heures pour traverser. Avec son design ravageur, ses combats réussis, ses tonnes d'objets à collecter et son système de progression gratifiant, nul doute que Borderlands saura satisfaire des tripotées d'aventuriers. Comme quoi Gearbox est bel et bien parvenu à tenir son pari. Chapeau bas messieurs.
- Graphismes16/20
Gearbox a été bien inspiré en annonçant la refonte complète du style graphique de son bébé pour se tourner vers le cel shading. La technique est ici parfaitement maîtrisée et donne vie à un univers crasseux, aux airs de western post-apocalyptique. Le design ne plaira pas à tout le monde, mais il offre à Borderlands ce que beaucoup de jeux recherchent, sans toutefois y parvenir : une véritable identité. Et si Pandore pourra paraître un peu trop uniforme, avec son interminable désert et des rochers effilés pointés vers le ciel, la planète nous donnera toujours quelques petits détails rigolos pour compenser, comme ce boss qui se sert d'un panneau "safety first" en guise de pagne...
- Jouabilité17/20
Borderlands est un petit bijou pour celui qui aime à dégommer du monstre avant de lui faire les poches. Sorte de shoot'n slash à la Hellgate : London, mais en nettement plus inspiré, le titre mélange joyeusement les genres et finit par déboucher sur quelque chose de terriblement rafraîchissant. Un tour de force pour un jeu dont l'action prend place au beau milieu d'un désert ! Notez cependant que le plaisir de parcourir Pandore sera décuplé lorsque vous le ferez avec des potes, en coopération.
- Durée de vie16/20
Si vous êtes du genre à fouiner dans les moindres recoins d'un jeu pour en extirper tous les secrets, alors Borderlands pourra facilement vous occuper pendant des jours et des jours, voire même des mois. Le titre regorge d'items, de quêtes et de petits secrets qui ne se révéleront qu'aux joueurs les plus attentifs. Mais la grande force du jeu vient incontestablement de son multijoueur, qu'on pourra pratiquer à quatre pendant un bon bout de temps.
- Bande son15/20
Bruitages de qualité et doublages convaincants contribuent à donner de la consistance à un univers déjanté et impitoyable. On regrette simplement que les répliques des différents personnages ne soient pas assez nombreuses. Côté musique, Borderlands assure également le coup avec des compositions de très bonne facture bien qu'un petit peu trop en retrait dans certains environnements.
- Scénario14/20
Si l'histoire de base ne vaut pas tripette et aboutira à une conclusion archi décevante, on aura cependant plaisir à se plonger dans un univers hybride, entre Mad Max et Firefly. Borderlands, même s'il donne vie à un univers ultra violent, possède un charme très particulier.
Tout au long de son développement, Borderlands nous aura tour à tour inquiétés et intrigués. Mais Gearbox est finalement parvenu à remplir son contrat en mélangeant avec bonheur FPS et jeu de rôle. Le résultat de cette union délicate n'est pas sans défaut, mais la formule est tellement rafraîchissante qu'il serait presque criminel de passer à côté. Déjà très dynamique, riche et bien réalisé, Borderlands crève littéralement l'écran lorsqu'on le pratique avec une bande de potes. Nous ne saurons donc que trop vous conseiller de former un petit groupe de combattants avec vos connaissances et de les entraîner à votre suite dans les étendues inhospitalières de Pandore. Vous ne le regretterez pas.