Fermez les yeux et laissez-vous bercer par la douce mélodie. Imaginez alors que vous volez librement au milieu des nuages de coton, en survolant un océan azuré. Dans votre bec, deux baluchons laissent entrevoir les visages rieurs de jeunes bambins portant d'étranges casquettes. Car même les plus grands héros de l'histoire vidéoludique ont été un jour des enfants.
Soyons clairs : malgré la gratification du pré-titre « Super Mario World 2 » en Europe et aux États-Unis, la filiation de Yoshi's Island avec son illustre aîné reste relativement subtile. Nous sommes ici dans une préquelle, qui nous conduit à revivre les aventures d'un groupe de Yoshi, et ce bien avant que le duo de moustachus italiens le plus célèbre de l'univers ne soit en âge d'aller écrabouiller quelques Koopas. En effet, le titre nous plonge bien des années avant les premières aventures des frères plombiers, à une époque où ils n'étaient guère plus hauts que trois pommes. Alors que la cigogne remplissait son devoir de transport de bambins, un laquais de Bébé Bowser, le vil Kamek, surgit alors du ciel obscur pour s'emparer de la cigogne et des jeunes jumeaux… ou tout du moins d'un des deux. Car dans le tumulte de la collision, le sorcier ne va pas réaliser que le pauvre bébé Mario chute dans le vide. Mais par un heureux concours de circonstances, il finira sur le dos d'un Yoshi qui, après concertation avec ses semblables, décidera d'entamer la plus grande course de relais de l'histoire pour tenter de sauver Luigi, captif des Magikoopas.
Voilà ce qu'il en retourne pour le scénario de ce Yoshi's Island. Vous l'aurez donc compris, il n'est nulle question ici de contrôler un plombier bondissant. C'est la célèbre monture de Super Mario World qui tient le rôle principal et cela entraînera donc une petite révision de vos classiques. Non content de bouger, sauter, planer un court instant et écraser ses ennemis à l'aide d'une bonne « attaque rodéo », le tout avec maestria, la principale caractéristique des Yoshi sera l'utilisation des œufs. En effet, les petits dinosaures peuvent utiliser leur langue pour gober la plupart des ennemis et les transformer en accessoires ovoïdes des plus utiles. Fondement même du jeu, ils vous serviront bien évidemment à combattre vos adversaires, mais aussi à toucher les divers bonus qui peuplent les niveaux. Par ailleurs, il sera également possible de jouer sur divers effets de ricochet pour attendre des items qui semblaient, de prime abord, inaccessibles. Enfin, les œufs vous serviront également à rattraper votre petit passager.
Exit le système de « mortalité » des précédents opus. Si un ennemi vous touche, c'est ce pauvre Bébé Mario qui en fera les frais. Expulsé de votre dos en braillant, vous ne disposerez alors que d'une poignée de secondes, correspondant aux nombres d'étoiles que vous avez ramassé dans le niveau, pour le récupérer avant que les sbires Magikoopas ne l'emportent à jamais. Bien évidement, le grand saut dans un précipice béant ou la vaine tentative d'imitation du fakir sur son tapis à clous ne vous garantiront pas un avenir des plus prospères. Heureusement, vous pourrez compter sur les diverses transformations que subiront vos Yoshi tout au long de l'aventure. Hélicoptère, sous-marin ou encore taupe-foreuse, ce polymorphisme vous sera d'une grande aide pour progresser, tout en apportant une touche d'originalité des plus agréables. Bébé Mario pourra lui aussi remplir sa part du travail en se transformant en mini Super Mario, ce qui vous permettra de filer comme le vent tout en profitant des effets de l'étoile d'invincibilité si chère à notre plombier. Tout cela ne représente qu'un petit aperçu de ce que vous serez amené à voir ou à faire, afin de surmonter les différents obstacles qui s'érigeront devant vous. Car votre découverte de l'île devra se faire avec attention, les pièges ne manquant pas dans les niveaux de toute beauté de ce Yoshi's Island.
En effet, ce jeu est une pure merveille, un titre à l'esthétisme et à l'ambiance inoubliables. L'univers est un véritable conte enchanteur où tout est dessiné du plus délicat coup de crayon et colorié des plus chatoyantes pastels. Oui le style est enfantin, mais après ? Tout le monde a su garder au fond de lui cette nostalgie enfantine qui nous fait parcourir avec émerveillement les contrées si diverses de l'île des Yoshi, et l'humour omniprésent saura dérider les plus rigides d'entre vous. De la jungle à la montagne, en passant par les grottes et le désert, les globe-trotters que nous sommes en auront pour leurs frais. Profitant des dernières innovations techniques de l'époque, Yoshi's Island saura également offrir à nos mirettes ébahies de splendides éléments graphiques. En effet, le Super FX2 permet moult effets de distorsion, transparence et autres animations en 3D isométrique qui viendront pimenter encore plus votre petit écran. A côté de cela, la terre conquise des jeux de plates-formes à la Mario se dévoile devant vous. Nous retrouvons donc avec joie les niveaux au scrolling automatique, une pléthore de monstres sympathiques et animés à merveille, et des boss gigantesques et originaux qui ponctueront les milieux et fins des six mondes que vous aurez à parcourir.
Là, nous touchons du doigt l'un des rares « défaut » du titre. En effet, Yoshi's Island ne comporte que 48 niveaux, ce qui représente tout juste la moitié du précédent opus. Cependant, vous trouvez dans chacun d'entre eux divers items à ramasser. Cette chasse aux objets n'est pourtant pas limitée à votre seule satisfaction d'avoir fini le jeu à fond. En effet, chaque monde comporte un niveau caché plus ardu que les autres, et qui ne se déverrouillera que si vous avez terminé les autres à 100%. A vous donc les joies de la prospection de la collecte, tout de même facilitées par l'abandon du chronomètre des anciens volets. Citons en vrac vingt pièces rouges, trente étoiles (les fameuses qui vous serviront de crédit-temps pour rattraper Bébé Mario) et cinq fleurs. Ces dernières serviront également de bonus pour le portail de fin. Car comme cet ensemble de qualités n'était visiblement pas suffisant pour les équipes de Nintendo, les développeurs ont également rajouté divers petits jeux bonus, à la fin et au milieu de certains niveaux. Loin d'être indispensables, ils vous permettront cependant de glaner divers objets qui vous aideront dans votre quête. La liste est par ailleurs longue et variée : loupe de détection des pièces rouges, pastèques de feu, de glace, ou tout simplement remplies de pépins destructeurs, bonus pour remplir votre jauge d'étoiles, etc.
Il ne manquerait, pour que la scène soit parfaite, qu'une orchestration de maître. Cela tombe bien, car la bande-son n'est pas en reste. En parfaite adéquation avec ces paysages enchanteurs et colorés, les compositions de Koji Kondo sont des plus entraînantes et se fredonnent facilement. Les bruitages sont de tout aussi bon aloi et tombent parfaitement juste, qu'il s'agisse du « cri » particulier des Yoshi ou des braillements stridents du pauvre Bébé Mario qui seront à eux seuls une raison valable pour que vous ne vous fassiez pas toucher. Si vous vous étiez un jour demandé à quoi pourrait ressembler un conte de fées selon Nintendo, empressez vous donc de vous lancer dans l'exploration de ce Yoshi's Island. Car tous les ingrédients ont répondu présents, dévoilant ainsi tout le potentiel du soft. Des paysages merveilleux aux héros sympathiques, en passant par le comparse à sauver et les affreux qui tentent de vous en empêcher, il ne vous reste plus qu'à prendre votre plus belle plume et à rédiger, manette en main, cette merveilleuse histoire qui se doit d'être racontée à tous, aux petits comme aux plus grands. Car après tout, qui osera nier que l'émerveillement et le plaisir ludique n'ont pas d'âge ?
- Graphismes19/20
Véritable explosion de couleurs pastels et de décors enchanteurs, Yoshi's Island pousse une super NES que l'on pensait vieillissante dans ses derniers retranchements. Les animations de tous les personnages sont gérées d'une main de maître et le super FX 2 parvient même à nous surprendre avec des effets en 3D isométrique du plus bel effet.
- Jouabilité19/20
S'il y a bien un point sur lequel ce jeu ne peut nier sa parenté avec ses illustres aînés, c'est bien sur sa maniabilité exceptionnelle. Tout se gère avec une facilité déconcertante, et des nombreuses phases originales viennent rajouter des sensations nouvelles à une expérience déjà grandiose.
- Durée de vie16/20
Avec 54 niveaux une fois tous les bonus débloqués, Yoshi's Island n'est pas la plus longue des aventures de Mario, loin de là. Par ailleurs, le titre n'est en rien infranchissable et les boss ne représentent pas de véritable menace. Cependant, trouver l'ensemble des items dans chaque stage vous conduira à errer un bon moment sur l'île des dinosaures multicolores.
- Bande son17/20
Rythmées et entraînantes, les compositions de Koji Kondo sont la parfaite transposition d'un environnement coloré en musique. Mais elles savent aussi se faire plus sombres lorsque la situation s'y prête, comme dans les cavernes et les châteaux, tout en restant aussi inoubliables.
- Scénario/
Secourir le frère de Mario n'est guère plus original que de porter assistance à la princesse Peach. Le titre s'offre cependant le luxe de proposer une bonne dose d'humour, certes pas vraiment recherché, mais qui tombe toujours à point nommé.
Cinq ans après la sortie du sacro-saint Super Mario World, qui avait su lancer la Super NES avec éclat, nous voilà dans une époque charnière où les consoles 32 bits et les jeux en 3D s'imposent peu à peu. Mais débarque alors Yoshi's Island qui offrira à la petite console grise l'une des plus belles fins de vie que l'on puisse souhaiter pour un tel support. Il aura fallu quatre années de développement, mais aux vues des prestations offertes, nul doute que les gens de Nintendo n'ont pas chômé. Beau, riche et incroyablement enchanteur, ce n'est pas pour rien qu'il est aujourd'hui encore considéré comme l'un, si ce n'est le meilleur jeu de la Super NES. Sa réputation, en rien usurpée, aura su traverser les années, charmer des générations de joueurs et hisser cette merveille au pinacle du jeu vidéo.