Après avoir rendu un bien bel hommage aux mythes scandinaves avec Odin Sphere, l'équipe de Vanillaware ose une fois encore nous éblouir avec un titre qui prend désormais pour cadre le folklore ancestral japonais. Et si Muramasa impressionne déjà par sa réalisation 2D magnifique, il fascine également par le caractère survolté de son gameplay.
Muramasa : The Demon Blade nous fait remonter le temps jusqu'à l'ère féodale Genroku. Une période sombre pour le peuple japonais oppressé par un shogun avide de puissance et terrifié par la réapparition des démons. C'est dans ce contexte propice aux exploits guerriers que va se jouer le destin de Kisuke, un assassin en fuite qui a tout oublié de son passé, et celui de Momohime, une princesse possédée par l'esprit d'un épéiste diabolique. De province en province, tous deux vont, chacun de leur côté, sillonner le Japon à la recherche des 108 sabres maudits dont parle la légende. Menés en solitaire, leurs parcours respectifs seront tout de même amenés à se croiser tandis que les corps sans vie de leurs adversaires s'entasseront par centaines dans leur sillage.
Fruit du savoir-faire de l'équipe de Vanillaware (Odin Sphere, Grim Grimoire, Princess Crown), connue et respectée pour sa maîtrise sans égale de la 2D, Muramasa est un véritable chef-d'oeuvre sur le plan visuel. Profitant d'une image au format 16/9 et d'une animation frénétique que ne vient ternir aucun ralentissement ni aucun chargement, le soft reflète le talent de ses géniteurs en nous offrant la plus belle 2D qu'on ait eu la chance de contempler depuis le sublime Odin Sphere. Difficile de croire que la Wii soit à même d'afficher une telle splendeur graphique, chaque nouvel environnement du jeu nous donnant une occasion supplémentaire de nous extasier devant la finesse du détail dont font preuve ces décors tous plus magnifiques les uns que les autres. Les paysages dépeints dans Muramasa sont à se damner tant ils captivent notre regard. Les humides forêts de bambous laissent place à des champs de blé balayés par le vent, annonçant la venue du crépuscule. Un rayon de soleil transperce un amas de branches noueuses qui abrite de sinistres "tengus" attentifs à vos moindres mouvements. Les feuilles d'érables qui couvrent le ruisseau voisin dissimulent la cachette de crapauds géants, non loin d'une allée de cerisiers en fleurs où se dessine l'entrée d'une cité éclairée par des lampions. Au-delà des remparts acérés d'un antique château féodal, on est saisi par la hauteur démesurée d'une tour dont les parois se déforment à l'envi. Plus loin, c'est carrément l'ascension d'un mont enveloppé de brume et de papillons qui débouche sur un couloir tapissé de paravents peints à la main...
Inutile de poursuivre plus avant cette énumération destinée uniquement à vous donner une idée de l'exceptionnelle réalisation de Muramasa. Le contraste entre la majesté des environnements et le caractère grotesque du bestiaire folklorique nippon rend d'ailleurs l'ensemble on ne peut plus intrigant. Surtout que les jeux de lumière et les humeurs du ciel changeant viennent parfois transcender les paysages, là où les intérieurs rivalisent de génie pour nous surprendre à l'aide d'effets de distorsion ou de transparence assez saisissants. Mais la beauté du titre ne doit en aucun cas nous faire oublier l'action qui se déroule sous nos yeux. Armés de trois katanas qu'ils manient avec une maîtrise innée, Kisuke et Momohime traversent les environnements à toute vitesse, tailladant de ci et de là pour nourrir leurs sabres des âmes dont ils ont besoin pour dévoiler leur plein potentiel. L'obtention de ces âmes constitue en effet l'une des conditions requises pour forger les 108 katanas que nos héros vont pouvoir acquérir au fil de leur progression. Le choix de ces armes est d'autant plus important que leur maniement ainsi que les pouvoirs magiques qu'ils renferment diffèrent d'un katana à un autre, tout comme leur potentiel offensif.
Kisuke et Momohime devenant de plus en plus puissants à mesure qu'ils engrangent de l'expérience, ils auront besoin de sabres de plus en plus solides pour terrasser les boss colossaux qui se mettront en travers de leur chemin. Mais la résistance d'une lame n'est pas absolue et il arrivera parfois qu'un katana se brise sous l'impact d'une attaque ennemie. C'est là que le fait de manier trois sabres prend tout son sens puisqu'il suffit de changer d'arme pour laisser le temps à la lame brisée de se régénérer. Qui plus est, le changement de sabre occasionne régulièrement le déclenchement d'un pouvoir spécial qui lacère littéralement l'écran et tous les ennemis qui s'y trouvent. Sans entrer dans les détails, le gameplay de Muramasa est admirable à tous les niveaux. Quel que soit le maniement choisi (Wiimote/Nunchuk, pad Gamecube ou manette classique), les déplacements s'effectuent avec une telle aisance qu'on s'extasie presque devant la fougue dont font preuve nos deux héros lorsqu'ils entament leur ballet mortel. Pour autant, les gestes qu'il est possible d'exécuter n'en sont pas moins nombreux et propices aux combos à rallonge, un combat effectué avec style étant toujours mieux récompensé qu'une victoire sans panache. Ajoutez à cela la notion de résistance des sabres évoquée plus haut et vous obtenez un gameplay subtil et efficace qui enterre la plupart des beat'em all sortis ces derniers temps.
Car Muramasa lorgne davantage du côté du beat'em all pur et dur que de l'action-RPG, en dépit de la gestion évolutive des personnages et de leurs katanas. Le gain d'expérience et la montée de niveau des deux héros n'influent réellement que sur leurs caractéristiques physiques, les pouvoirs magiques étant directement liés aux armes qu'il faut forger via l'arborescence des 108 katanas. Comme dans Odin Sphere, la dégustation de plats locaux chez les restaurateurs n'est pas là que pour le fun. Le fait de se nourrir a en effet un impact réel sur le développement de l'esprit des personnages, et il est plus que recommandé d'acquérir quelques recettes pour concocter ses propres plats à l'abri des regards indiscrets. D'une manière générale, les quelques autochtones croisés au détour d'un village perdu entre deux contrées hostiles pourront vous offrir leurs services en tant que porteurs, marchands ou restaurateurs. Enfin, des singes isolés vous guideront parfois vers des sources chaudes, l'endroit rêvé pour se relaxer entre deux passes d'armes âprement disputées. Notez que le jeu est ainsi fait qu'on peut parfaitement mener les aventures des deux personnages en parallèle, mais aussi passer du mode Musô (normal) au mode Shura (difficile) à tout moment. Un peu court si on se contente de traverser le jeu en ligne droite en courant d'une province à l'autre, Muramasa peut heureusement compter sur la présence des deux scénarios ainsi que sur la collecte optionnelle des 108 sabres maudits pour prolonger le plaisir de jeu. Distribuée plus tôt que prévu dans notre pays, la dernière merveille de Vanillaware est de ces jeux dont on se souviendra encore longtemps.
- Graphismes19/20
Avec sa réalisation 2D magnifique, Muramasa réussit l'exploit de surclasser le pourtant sublime Odin Sphere, surtout que la fluidité de l'animation n'est jamais prise en défaut. En puisant dans le folklore ancestral japonais, le titre s'offre une atmosphère unique en son genre qui témoigne de l'inspiration des développeurs pour ces paysages nippons aux allures irréelles.
- Jouabilité18/20
Quel que soit le type de maniement choisi, les mouvements des personnages s'assimilent très rapidement et on se retrouve bien vite à taillader les écrans comme un damné. Les techniques réalisables sont propices aux combos à rallonge et incitent à jouer avec style, tandis que la notion de résistance des sabres apporte au gameplay toute la subtilité qu'il lui fallait pour révéler toute son efficacité.
- Durée de vie14/20
Même s'il ne faut pas plus de 8 à 10 heures pour terminer le jeu en ligne droite avec un des deux personnages, il est intéressant de se lancer à nouveau dans l'action avec le second protagoniste, histoire de ne rien laisser passer de ce que les développeurs ont eu le génie de nous concocter. Qui plus est, une fois le boss final détruit, le jeu est loin d'être terminé puisque le soft ne trouve son aboutissement réel que dans l'obtention des 108 sabres démoniaques. Trois modes de difficulté sont également proposés (dont un à débloquer).
- Bande son17/20
Capable d'évoluer selon le degré d'intensité de l'action, la musique composée par Hitoshi Sakimoto (Vagrant Story, Final Fantasy XII, Odin Sphere, Valkyria Chronicles...) est une composante clé de l'atmosphère si pittoresque de Muramasa. Les voix japonaises étaient heureusement conservées sur la version reçue pour effectuer ce test.
- Scénario15/20
Beaucoup moins dense que les histoires entremêlées d'Odin Sphere, le scénario de Murasama nous conte le destin de deux personnages qui sillonnent le Japon féodal en quête des 108 katanas maudits. Le contexte choisi est d'autant plus intéressant qu'il profite de l'omniprésence du bestiaire folklorique nippon avec ses monstres cornus et ses créatures spectrales.
Avec Muramasa : The Demon Blade, nous sommes en présence d'un titre majeur qui laissera incontestablement son empreinte dans le paysage du jeu vidéo. Imaginé par les créateurs d'Odin Sphere, le soft rend un vibrant hommage aux croyances folkloriques japonaises en s'appuyant sur une réalisation graphique stupéfiante. Aussi jouissif à prendre en main que fascinant à regarder, le titre de Vanillaware est LE jeu d'action à ne surtout pas manquer sur Wii.