Après avoir permis aux joueurs PC d'évoluer de la forme de vie la plus primitive jusqu'au plus haut niveau d'existence intergalactique, Spore revoit ses ambitions à la baisse à l'occasion de son arrivée sur Wii. Reprise de la phase créature au travers d'une aventure qui mêle mini-jeux et séquences de plates-formes, Spore Hero se destine clairement aux enfants.
Bien qu'elle fût incontestablement la plus originale, la seconde phase de Spore sur PC n'était sans doute pas la plus réussie. La survie de votre créature dans un milieu hostile, ses interactions avec les autres espèces, l'influence réciproque de sa morphologie et de son comportement : tout cela était très intéressant. Mais l'ensemble se voyait un peu gâché par la possibilité de changer à loisir les éléments d'évolution de votre créature comme si c'étaient des pièces de Lego. Destinée à contenter le grand public, cette permissivité sabordait le propos évolutionniste du jeu. Les joueurs adultes, exigeants et sensés feront donc l'impasse sur Spore Hero, qui reprend la phase créature de la version PC en mettant l'accent sur les mini-jeux et en renforçant encore son aspect Playskool. Cette version Wii s'adresse à l'évidence aux enfants, susceptibles d'apprécier ce mélange d'aventure et de plates-formes, mignon, coloré et plein d'humour. Le problème, c'est que ce n'est pas parce qu'on est jeune qu'on n'aime pas mettre du sens à ce qu'on fait. Et en l'occurrence, cela risque d'être difficile dans un jeu où l'absurde est trop souvent synonyme de crétin. En même temps, s'il fallait un cerveau pour jouer à la plupart des jeux vidéo, ça se saurait.
Spore Hero se veut être un jeu d'aventure, bien que son pitch soit aussi épais que du papier à cigarettes. Des météores bleus et rouges s'écrasent un jour sur une planète peuplée de différentes espèces. Les premiers provoquent des évolutions sur les créatures à proximité, tandis que les seconds les rendent agressives. Il y a plus grave : une créature maléfique, sortie d'un météore rouge, tente de corrompre toute la planète. Heureusement, dans un météore bleu, une tribu pacifique a trouvé un oeuf qui contenait une petite créature inconnue. Et ce héros, seul apte à sauver ce monde inconnu du danger qui le menace, c'est vous ! Il vous faudra toutefois évoluer suffisamment pour pouvoir affronter, à plusieurs reprises durant votre aventure, ce Némésis qui gagnera lui aussi en puissance. Tout au long de vos pérégrinations dans les différentes zones du jeu (plus ou moins ouvertes mais pas forcément très étendues), vous croisez des individus qui vous confient des missions, vous lancent des défis ou vous attaquent sans sommation. Chacun de vos succès alloue un élément d'évolution à votre créature. Gagner un oeil ou une bouche pour avoir dansé la lambada avec l'espèce du coin n'est peut-être pas ce qu'il y a de plus logique, mais il faudra vous y faire. On regrette également que les situations vous imposent généralement l'usage de la force ou de la diplomatie. Quoi qu'il en soit, Spore Hero propose plus de 300 améliorations à débloquer vu que celles du Pack d'Eléments Etranges et Mignons sur PC ont été incluses. Comme dans le jeu original, certaines d'entre elles peuvent être trouvées sur les tas d'ossements disséminés ci et là.
L'un des atouts de l'opus PC résidait dans son éditeur fonctionnel et puissant, que Spore Hero a le bon goût de préserver au maximum. Il vous permet de modeler votre créature selon vos souhaits en lui choisissant une forme de base (parmi la trentaine disponible), en sélectionnant et en assemblant les éléments qui la composent et enfin en la coloriant au moyen de textures prédéfinies. Les morceaux de cristaux bleus que vous récoltez à droite et à gauche font office de points d'ADN, à dépenser pour "acheter" les éléments en question (débloqués au préalable), sachant que la limite de complexité a elle aussi été conservée. Si certaines parties du corps de votre créature sont purement esthétiques, d'autres vous octroient des aptitudes précises tournées vers le combat (morsure, charge...) ou le déplacement (double-saut, vol plané, nage...). Cela permet à Spore Hero de se doter d'une progression à la Zelda : à mesure que vous acquérez certaines capacités, vous avez l'occasion de revenir visiter des zones préalablement inaccessibles, qui recèlent bien souvent de nouveaux éléments d'évolution. L'éditeur de créatures est également mis à contribution dans le cadre de certaines missions. La quête de La Belle et la Bête, pour ne citer qu'elle, vous propose par exemple de relooker une créature pour la rendre plus virile et plus attirante aux yeux de sa fiancée. Sachez que Spore Hero propose également une Sporepedia qui n'en a hélas que le nom, dans la mesure où il vous est impossible de partager vos créations en ligne avec d'autres joueurs. Cette lacune est préjudiciable, tant l'aspect communautaire représentait un des arguments du jeu sur PC.
Spore Hero n'est pas le genre de titre où vous découvrez encore des subtilités de gameplay à l'issue de plusieurs heures de jeu : ici, la messe est dite dès la fin de la première zone, qui fait figure de didacticiel. Les mini-jeux proposés (course, danse, chant...) sont amusants un temps, mais vite répétitifs. Sans être transcendantes, les phases de combat sont légèrement plus convaincantes. Elles adoptent une vue latérale qui évoque les jeux de baston et proposent une palette de coups qui sont fonction des éléments équipés sur votre créature. Cela fonctionne plutôt bien, d'autant que le challenge n'est pas totalement absent, même s'il reste accessible aux plus jeunes. Une option permet de s'y adonner à deux sur la même Wii, sans que cela représente pour autant une valeur ajoutée. L'ensemble de ces activités utilise correctement le couple Wiimote/Nunchuk, qu'on se plait à agiter avec conviction pour faire tomber des pommes, danser en rythme ou effectuer un coup de pied sauté. De manière générale, la réalisation est plus que correcte. Si l'aspect technique est entaché de quelques problèmes de caméra et de collisions perfectibles, le jeu se défend sur le plan artistique avec des environnements plutôt jolis et un aspect sonore très réussi. Bref, Spore Hero ne souffre pas de défaut majeur, c'est juste que l'appauvrissement de ses ambitions s'accompagne de celui de son intérêt intrinsèque, même pour des enfants. Comme nous le présagions dans le test du jeu d'origine, Spore est un tout dont les différentes parties, considérées individuellement, peuvent avoir du mal à soulever l'enthousiasme. Nous en avons la preuve aujourd'hui.
- Graphismes14/20
Les environnements sont plutôt jolis ; leur aspect naïf et coloré plaira aux enfants, qui ne devraient pas faire grand cas des problèmes de caméra et des chutes de framerate dans les zones les plus ouvertes et les plus chargées en détails. Les créatures sont bien modélisées et bien animées et les quelques séquences cinématiques bien réalisées.
- Jouabilité13/20
La prise en main est bonne ; l'utilisation du couple Wiimote/Nunchuk est bien pensée à défaut d'être révolutionnaire. Si la souplesse et la complétude de l'éditeur de créatures épate toujours autant, on ne peut pas en dire autant du gameplay. Peu recherché, il a du mal à relever une aventure qui ne ménage pas assez de surprises.
- Durée de vie12/20
La durée de vie n'était pas le point fort de Spore sur PC, et cet opus Wii ne s'en tire pas vraiment mieux. Il n'offre guère plus d'une dizaine d'heures de jeu, voire douze pour qui tentera de récupérer le maximum d'éléments d'évolution. Plus linéaire qu'il n'en a l'air, le jeu ne dispose pas d'un réel potentiel de rejouabilité et souffre de l'absence de fonctionnalités communautaires.
- Bande son16/20
La bande-son est indéniablement l'aspect le plus réussi de Spore Hero. Les thèmes musicaux entraînants et les bruitages réussis assurent l'ambiance, tandis que les couinements et autres gargarismes grotesques des créatures que vous croisez provoquent l'hilarité.
- Scénario7/20
Spore Hero propose un semblant d'histoire sans grand intérêt. Certaines quêtes sont amusantes, mais l'ensemble est absurde et sans saveur. On finit par accumuler les éléments d'évolution sans grande conviction, en s'interrogeant sur la finalité du propos. Espérons que les enfants y seront plus réceptifs, mais ce n'est pas gagné.
Il était inévitable que la licence Spore soit, à l'image des Sims, pressée comme un citron. Mais à l'occasion de son arrivée sur Wii, on attendait quelque chose de plus original et de plus ambitieux que cette reprise de la phase créature de l'opus PC. Dégagée de la continuité dans laquelle elle s'inscrivait, elle ne produit plus le même effet, d'autant qu'elle se met au service d'un principe absurde qui consiste à aligner défis et mini-jeux pour cumuler les éléments d'évolution. Spore Hero ne souffre objectivement d'aucun défaut majeur, mais il a pourtant un peu de mal à soulever notre enthousiasme. Gageons que les plus jeunes seront davantage réceptifs au propos.