En 2000 sortait Majesty, un jeu de stratégie original pour son système de contrôle indirect des unités et son univers fantasy décalé. Malgré ses qualités, on ne peut pas dire que Majesty ait profondément marqué, peu nombreux sont les joueurs qui s'en souviennent aujourd'hui. Pourtant, 9 ans plus tard et contre toute attente, un second volet débarque. Espérons que ce Majesty 2 connaisse un plus grand succès que son ancêtre, car il le mérite bien.
Le royaume médiéval fantastique d'Ardania était en paix. Une longue lignée de sages souverains en avait vaincu tous les ennemis, le territoire était désormais prospère. N'importe quel être sensé se serait satisfait de cette situation, mais pas le roi Léonard : Comment l'Histoire allait-elle pouvoir retenir son nom s'il n'avait l'occasion de s'illustrer en guerroyant ? Fort de ces réflexions, le roi décida donc d'invoquer un démon et de le vaincre. Les hérauts du royaume n'auraient ensuite plus qu'à colporter ses louanges aux quatre coins d'Ardania. La suite est évidemment prévisible : c'est le roi qui est défait et le démon s'installe sur le trône, plongeant le pays dans le chaos. Avouez que c'est ballot. On ne dira jamais assez à quel point l'orgueil d'un dirigeant peut nuire à la santé de ses administrés... Par bonheur, il reste encore un espoir : vous. Autant dire que c'est mal barré !
Avec un tel contexte, on pourrait croire que Majesty 2 baigne dans une atmosphère sombre et désespérée à la Seigneur des Anneaux. Il n'en est rien : si le titre emprunte bien tous les codes de la fantasy érigés par Tolkien, c'est pour mieux les détourner. Tout comme son grand frère, Majesty 2 joue la carte de l'humour. Un peu trop timidement toutefois, le jeu ne va pas aussi loin dans la parodie que King's Bounty : The Legend par exemple. On regrette que les développeurs ne se soient pas lâchés un peu plus. Quelques situations font sourire, c'est déjà ça. Visuellement, le soft baigne aussi dans une ambiance légère, avec un design cartoon coloré qui rappelle Warcraft III. D'un bref coup d'œil, le joueur non initié pourrait d'ailleurs trouver d'autres similitudes avec le jeu de stratégie de Blizzard. Paysans retapant leurs chaumières, héros qui parcourent la carte pour exterminer des monstres et gagner de l'expérience, forge pour améliorer armes et armures... Mais alors, c'est tout pareil ?
Eh bien non ! En effet, Majesty 2 se distingue des STR lamba par le génial système de contrôle indirect des unités inventé par l'épisode original. Ainsi, n'espérez pas envoyer un soldat d'un clic où bon vous semble : le bougre n'obéira pas ! Au lieu de cela, il vaquera à ses occupations de manière autonome. Vous allez me dire : où est l'interactivité là-dedans ? Faut-il se contenter de créer des troupes et d'assister, impuissant, au déroulement de la partie sous le contrôle de l'IA ? Non, car le jeu vous fournit un outil pour inciter vos ouailles à agir de telle ou telle façon : des drapeaux. Vous voulez découvrir un coin de la carte ? Placez-y un drapeau exploration avec une récompense suffisante à la clé, et une unité devrait vite être attirée par l'argent promis. De la même façon, des drapeaux d'attaque et de défense vous permettent de désigner des objectifs à détruire ou à protéger. Plus le montant proposé est important, plus nombreuses seront les troupes à venir, c'est aussi simple que cela. Déroutant au premier abord, ce mécanisme se révèle pourtant très convaincant à l'usage, d'autant que l'intelligence artificielle assure généralement. Bien sûr, il y a toujours quelques passages frustrants, quand une soigneuse proche de ses petits camarades blessés ne prend pas la peine d'aller à leur secours par exemple... Dans ces moments frustrants, on aimerait pouvoir prendre la main en donnant un ordre direct, mais c'est impossible.
Un autre domaine dans lequel Majesty 2 se distingue du tout-venant est la gestion économique, réduite à sa plus simple expression. Une seule ressource, l'or, rentre automatiquement grâce au percepteur qui va collecter l'impôt chez les paysans et aux caravanes en provenance des comptoirs commerciaux (qu'il faudra préalablement sécuriser cependant). Libéré d'une récolte manuelle, le joueur peut se concentrer sur la construction de sa base. Dans ce secteur du gameplay, Majesty 2 est relativement classique, même si quelques bâtiments ont des fonctionnements originaux. Il en va ainsi de l'auberge, seule habilitée à constituer des coteries (groupes de héros). Les guildes, qui permettent de recruter, sont limitées à trois unités chacune. Si vous voulez six voleuses, il faudra bâtir une seconde guilde des voleuses, plus onéreuse que la première. De la même manière, le coût des défenses augmente à mesure que vous en construisez. Enfin, un détail amusant : au fil de son développement, votre ville verra apparaître des égouts, dont sortent régulièrement des rats géants qui s'attaquent à la populace. Vous ne pouvez rien y faire, c'est comme ça !
Côté unités, c'est assez varié. Soldats, mages, archers, etc. Aux unités humaines viennent également s'ajouter quelques elfes et nains. Seuls les gnomes, présents dans l'épisode original, sont absents de cette suite. En revanche, on retrouve le même système de progression inspiré des jeux de rôle. Car dans Majesty, chaque unité est considérée comme un héros et, en tant que tel, peut gagner de l'expérience, des niveaux et être équipée d'objets. En fin de mission, vous pouvez aussi choisir d'anoblir un héros méritant. Il pourra alors revenir dans la suite de la campagne via la chambre des lords. De plus, les troupes peuvent évidemment être améliorées en faisant des recherches. Vous ne pouvez toutefois pas micro-manager directement leurs nouvelles capacités spéciales car, une fois de plus, elles sont gérées de façon autonome. Pour ne pas devenir frustrant, le jeu propose tout de même quelques "sorts de Sa Majesté", vous autorisant à influencer le cours d'une bataille en intervenant en personne.
Au final, c'est une impression fort positive qui se dégage de ce Majesty 2. Les fans de l'original en retrouveront l'esprit bien conservé, tandis que ceux qui étaient passés à côté se voient offrir une belle séance de rattrapage.
- Graphismes13/20
Le premier Majesty était en 2D, mais en 9 ans les choses ont beaucoup changé. Le second cède donc à la mode de la troisième dimension avec un résultat globalement satisfaisant. Sans être une prouesse visuelle, il parvient à compenser son manque de moyens par un design mignon.
- Jouabilité16/20
C'est là que le jeu fait fort, avec son système novateur de contrôle indirect. Enfin, novateur à l'époque, mais personne ne s'en est emparé depuis, il conserve donc toute sa fraîcheur, d'autant qu'il est amélioré par l'apparition de nouveaux drapeaux. L'IA, forcément très sollicitée, s'en tire avec les honneurs. Hormis ce mécanisme, le jeu propose aussi quelques idées dans le domaine économique et la progression des unités. Bref, il offre une recette originale qui mérite le détour.
- Durée de vie13/20
La quinzaine de missions de la campane et six scénarios indépendants représentent une durée de vie correcte en solo, eu égard à la quarantaine d'euros demandée. Dommage que le mode multi ne bénéficie pas d'un peu plus de cartes.
- Bande son15/20
Les musiques sont de bonne facture, totalement dans l'esprit fantasy. Le doublage français est décent, le protagoniste principal a bien un accent exagérément prononcé mais c'est pour mieux renforcer le côté parodique.
- Scénario14/20
Si l'univers d'Ardania est bourré des clichés de la fantasy, c'est évidemment dans l'intention de s'en moquer. Pari partiellement réussi, même si on aurait apprécié que le délire soit poussé un peu plus loin.
Tous les fans de stratégie en temps réel devraient essayer Majesty 2, ne serait-ce que pour découvrir son gameplay unique. Libre ensuite à chacun d'y souscrire ou pas, mais il faut avouer qu'un peu de nouveauté fait du bien dans un genre trop souvent formaté. Décidément, 2009 est une année faste pour les amateurs de STR.