Section 8 est un nouveau venu dans le genre des FPS multijoueurs futuristes. Un genre d'ailleurs assez peu représenté : sorti de Halo 3 et de Enemy Territory : Quake Wars, c'est le néant. Réjouissons-nous donc de cette arrivée, même s'il n'est pas sûr que le bébé de TimeGate Studios fasse de l'ombre aux deux titres suscités...
Avant d'entrer dans le vif du sujet, attardons-nous d'abord sur le passé de TimeGate Studios. L'histoire d'un développeur en dit parfois long sur sa culture, sur ses aptitudes, et permet souvent de mieux le cerner. Ce studio américain s'est d'abord fait un nom dans le domaine dans la stratégie en temps réel grâce à la série Kohan, une belle réussite largement plébiscitée à l'époque. Plus récemment, TimeGate s'est vu confier la création des deux extensions de F.E.A.R. : Extraction Point et Perseus Mandate, que les joueurs Xbox 360 ont pu découvrir dans le pack F.E.A.R. Files. Grâce à ces deux projets, le studio a pu démontrer un certain talent pour le FPS. Mais il bénéficiait alors du travail réalisé par Monolith sur le jeu de base. Tandis qu'avec Section 8, il doit voler de ses propres ailes en développant tout depuis zéro. De plus, en voulant conjuguer solo et multi, TimeGate se trouve confronté à un double défi. Voyons s'il a su concrétiser ses ambitions, en commençant par décortiquer la campagne solo.
L'histoire de Section 8 se déroule dans le futur. Quand ? Impossible de le savoir, que ce soit en lisant le manuel ou le site officiel... C'est dire si les scénaristes ont pris soin de peaufiner le background ! Le futur, donc. Et pas bien joli, puisque c'est la guerre entre les Forces Impériales des Etats-Unis (gentils) et le Bras d'Orion (méchants). Dans ce contexte, vous incarnez un soldat d'élite de la première faction, un dénommé Corde. Oui, comme le truc en chanvre tressé. Non content d'avoir un nom ridicule, il répond aussi aux critères physiques à la mode, comme les héros de Risen ou Mass Effect : grand, crâne rasé de près... Bref, zéro charisme. C'est un reproche qui peut d'ailleurs s'appliquer à la totalité de l'univers de Section 8. Des grosses armures aux environnements en passant par les véhicules, c'est tout le design du jeu qui est fade, générique, manquant cruellement de personnalité. Les joueurs en mal de dépaysement en seront pour leurs frais. Quant au déroulement du scénario, difficile de faire plus plat. La narration est poussive, impossible de se sentir impliqué dans les événements. Rien ne vient motiver le joueur à progresser, à en voir plus. L'encéphalogramme reste désespérément plat. Mais ça ne dure pas longtemps (heureusement, serait-on tenté de dire) : comptez 3-4 heures pour boucler la campagne. De quoi remplir un après-midi pluvieux si vous êtes en mal de FPS, guère plus.
Finalement, le seul intérêt de cette campagne solo est d'introduire en douceur les différents éléments du gameplay qui serviront ensuite dans les affrontements multijoueurs. Il faut donc la voir comme un gros didacticiel. Après quoi vous serez prêt à aller combattre les joueurs du monde entier (si toutefois vous en trouvez, ce qui n'est pas gagné). Vous devrez commencer par choisir un camp, mais cela aura peu d'impact sur la jouabilité. En effet, la Section 8 et le Bras d'Orion disposent de technologies similaires. Il y a bien quelques différences dans le design des véhicules et des armes, mais fondamentalement le fonctionnement est le même. On est loin de l'asymétrie entre humains et Stroggs de Quake Wars, et c'est dommage. Au moins le jeu est équilibré... Après ce choix en vient un autre, celui de la classe. On retrouve les classiques du genre : ingénieur, infiltré, assaut, etc. Mais si vous n'êtes pas satisfait par les propositions, vous pouvez créer (et sauvegarder) votre propre configuration. C'est sans doute une des meilleures idées de Section 8. Vous pouvez alors sélectionner deux armes, deux équipements et même répartir 10 points dans des modules passifs. Augmentation des dégâts, de l'armure, de la vitesse ou du camouflage... Il existe 9 paramètres, de quoi constituer un personnage qui correspond vraiment à votre manière de jouer. Le système est convaincant.
Après cette phase, vous voilà enfin paré à débarquer sur le champ de bataille. Cela se fait d'une manière un peu particulière, baptisée "saut orbital" : vous êtes catapulté depuis le ciel, à plusieurs milliers de mètres d'altitude, sans parachute ! S'ensuit une descente vertigineuse et deux options. Atterrir brutalement vous rend vulnérable pendant un court laps de temps, tandis que freiner vous permet de contrôler un peu mieux la position d'arrivée, au prix de quelques précieuses secondes. Notez qu'il n'y a pas de point de spawn précis, vous êtes libre de sélectionner n'importe quel emplacement de la carte, sous réserve qu'il ne soit pas à portée de tir d'une tourelle antiaérienne. Passée la sensation grisante des premiers sauts, cette méthode d'arrivée fait un peu gadget, mais il faut avouer que la liberté de mouvement offerte est appréciable. Ce n'est d'ailleurs pas la seule originalité des déplacements. Section 8 propose aussi un sprint qui se transforme en "surmultipliée" au bout de quelques secondes. La vue passe alors à la troisième personne et votre personnage est extrêmement rapide, ce qui l'autorise à rejoindre rapidement n'importe quel point de la carte (sans pouvoir tirer néanmoins). Dernier point notable concernant les déplacements : la présence d'un jetpack. Il ne permet pas vraiment de voler, sa jauge d'énergie s'épuise trop vite pour cela, mais il permet d'aller se percher d'un bond sur un point élevé de la carte.
Si Section 8 apporte un brin de fraîcheur dans le compartiment du mouvement, il retombe par contre dans la plus grande platitude au niveau de l'arsenal fourni. Pistolet, fusil d'assaut, mitrailleuse, lance-missiles, fusil de précision... Les armes sont trop classiques, déjà vues. Où sont les armes expérimentales du futur ? L'humanité a colonisé la galaxie, mais n'est même pas capable de développer un fusil à plasma, à neutrons ou que sais-je encore ? Dommage. Même reproche pour les véhicules, sans âme et de surcroît fort peu nombreux : un exosquelette et un tank par camp, voilà tout. Les amateurs de pilotage n'auront même pas un petit véhicule volant à se mettre sous la dent (excepté l'aéroporteur). Au moins les sensations de tir sont présentes, la puissance des armes est plutôt bien rendue. Il faut quand même pas mal d'acharnement pour tuer un ennemi, car tous les combattants disposent d'un bouclier régénérant, qu'il faut réduire à zéro avant d'attaquer la vie proprement dite. Fans de Quake Wars, vous pouvez oublier les one-shots au railgun, dans Section 8 même le fusil de snipe n'est pas létal. De plus, les combats sont rendus un peu brouillons par la présence du jetpack : difficile de viser des ennemis qui sautent dans tous les sens. Les développeurs ont donc inclus une fonction de verrouillage, capable de fixer le réticule sur votre cible. De l'assistance voire de la triche diront certains, mais c'est heureusement limité à de courts laps de temps.
Bouger, tirer... C'est bien joli tout ça, mais quelle est la finalité ? Comme dans la plupart des FPS multi, il s'agit essentiellement de contrôler la carte en capturant différents points. Pour éviter que ces endroits stratégiques ne changent de mains toutes les 30 secondes, vous pouvez les protéger grâce à des structures à déployer. Tourelles contre l'infanterie ou les véhicules, dépôt de ravitaillement, capteurs pour détecter les ennemis, etc. Notez que ces structures, comme les véhicules d'ailleurs, doivent être achetées. Il est donc important de gagner des points de réquisition en tuant des ennemis ou en accomplissant des objectifs secondaires. Ces objectifs justement, parlons-en. Section 8 introduit un système de Missions de Combats Dynamiques (MCD), qui apparaissent aléatoirement au fil de la partie. Il peut s'agir d'escorter un VIP qui vient de débarquer sur le champ de bataille, de déployer un avant-poste ou de voler des renseignements à l'ennemi. Mais ces MCD sont une fausse bonne idée. Là où les missions secondaires d'un Quake Wars s'inscrivent dans la cohérence de l'ensemble, celles de Section 8 tombent comme un cheveu sur la soupe et ont tendance à disperser les joueurs un peu partout, ce qui renforce l'impression un peu brouillonne des combats. Un mauvais point de plus à mettre sur la liste.
Il serait toutefois injuste de réduire Section 8 à une liste de défauts. Certes, le titre de TimeGate Studios souffre de trop d'approximations pour rivaliser avec les ténors du genre. Mais il n'est pas totalement raté, et peut même parfois offrir quelques bons moments. Il représente donc quand même une alternative envisageable.
- Graphismes12/20
D'un pur point de vue technique, Section 8 s'en sort pas trop mal. Il y a bien quelques environnements un peu trop dépouillés, des explosions pas bien belles, mais globalement ça reste regardable. En revanche, niveau design, c'est générique au possible, le degré zéro de l'imagination.
- Jouabilité14/20
En solo, la relative ouverture des cartes (issues du multi) est appréciable, de même que l'IA ennemie, parfois surprenante. En multi, il faudra faire avec une impression brouillonne due à plusieurs choix de gameplay. Et si on aime la personnalisation des classes et les possibilités de déplacement offertes, l'arsenal et les véhicules fournis sont désespérément classiques.
- Durée de vie11/20
Les 8 missions de la campagne solo seront bouclées en 3-4 heures par les joueurs chevronnés. Autant dire que c'est bien maigre... L'intérêt du titre réside heureusement dans son multi, au contenu plutôt étoffé. Il faut maintenant espérer que des joueurs viennent peupler les serveurs, car en l'état actuel des choses, il faut souvent se contenter de bots...
- Bande son13/20
La bande-son est à l'image du jeu : pas trop mal, mais peut mieux faire. Notez que le doublage des personnages pendant les cinématiques est entièrement en anglais, seuls les sous-titres sont disponibles dans la langue de Molière.
- Scénario8/20
TimeGate ayant choisi de créer une campagne solo, nous nous devons de noter ce critère. Et c'est une mauvaise note, forcément, le scénario étant tout sauf enthousiasmant. Les développeurs ne parviennent à aucun moment à impliquer le joueur, qui se contentera d'enchaîner les missions en baillant d'ennui.
Vu le passif de TimeGate Studios, nous étions en droit d'attendre mieux de ce Section 8. Le titre souffre d'un gros manque de créativité, aussi bien en termes de design que de scénario, d'armes et de véhicules. Bref, pas de quoi devenir une nouvelle référence du FPS multi. Malgré ce constat, tout n'est pas à jeter, car les développeurs ont aussi eu quelques bonnes idées. Du coup, que faire ? Au moins l'essayer, si vous en avez l'occasion.