Cinq longues années après la sortie du sixième opus sur Super Famicom, la saga Dragon Quest revient avec la sortie de Dragon Quest VII – Eden no Sensitachi (Warriors of Eden – les guerriers d'Éden – pour la version américaine) en l'an 2000 au Japon. Initialement prévu sur Nintendo 64, c'est sur Playstation que les joueurs japonais, et américains en 2001, ont eu la chance de se lancer dans une épopée longue et savoureuse qui se sera écoulée à plus de 4 millions d'exemplaires. Le logo du jeu avec son bateau invite en soi au voyage et à l'aventure : larguez les amarres !
Tout commence sur la seule petite île du vaste océan, dans le village de Fishbel où tout le monde connaît son voisin et y mène une vie paisible. Dans ce petit monde idyllique les monstres ne sont pas plus réels que les créatures de nos folklores et mythologies. Le personnage principal, fils de Borkano, un pêcheur renommé, est l'ami d'enfance de Maribel, native de Fishbel comme lui, et du prince Kiefer, le fils du roi d'Estard. Kiefer, un jeune homme fougueux et intrépide, qui ne se résout pas à mener la vie terne d'héritier d'un royaume pacifique, deviendra un allié de poids pour notre héros. Aussi entraîne-t-il celui-ci ainsi que l'impétueuse Maribel dans l'exploration de mystérieuses ruines dont la fréquentation est interdite. Après une brève exploration, les aventuriers vont faire une découverte qui va changer leur destin ainsi que celui du monde entier. Dans une des quatre salles de ce sanctuaire, nos compagnons ne vont pas tarder à trouver un fragment qui se révèle être le morceau d'une ancienne carte. Avec l'aide d'un vieil ermite d'Estard, les compagnons vont parvenir à réunir tous les fragments d'un piédestal : c'est alors qu'un tunnel de lumière les transporte soudainement sur l'île représentée par les fragments assemblés, scellant ainsi leur destin.
Ce n'est qu'au fil des aventures que nos comparses découvriront le véritable but de leur quête. Reconstituer la carte de chaque piédestal, sera le sésame vers une île qu'il leur faudra sauver d'une malédiction dans le passé pour qu'elle réapparaisse dans le présent. Cette dispersion apparente permet beaucoup de variété : on pourra ainsi sauver un village qui vénère un dieu du feu du danger de l'éruption d'un volcan, intervenir dans la guerre d'un royaume contre une armée de robots, être confronté à une ville où les animaux et les humains ont échangé leurs corps, sauver un royaume du désert inspiré de l'Égypte ancienne, suivre l'histoire d'un prêtre héroïque, etc. Et c'est sans compter la collection des petites médailles, la capture de monstres pour un parc d'attractions, la recherche d'immigrants pour une nouvelle ville ou le casino. Les donjons, quant à eux, entre cavernes, temples et tours, offriront de temps en temps quelques énigmes simples ainsi que des labyrinthes plus ou moins tortueux. Vos hauts faits aux quatre coins du monde auront bien sûr un but : rendre son état naturel au monde et comprendre quelle fut l'issue d'un combat antique qui opposa Dieu et le Seigneur Démon. Entre cette mission de la plus haute importance, les destinées de vos compagnons et la narration hors pair qui comporte plusieurs rebondissements malgré une apparente linéarité, le scénario est indéniablement un point fort du jeu.
Si le système de jeu de Dragon Quest VII apparaît comme le digne héritier des volets précédents, il introduit cependant une nouveauté qui donne beaucoup de vie et de relief au scénario. Ainsi, vos compagnons pourront désormais tour à tour commenter les nombreuses répliques des personnages non joueurs, pour peu que vous les sollicitiez avec la commande « parler ». Une option qui va enrichir le background de vos compagnons et les rendre d'autant plus attachants. Ils pourront même parler au héros au début de chaque tour de combat, que ce soit pour réclamer des soins, le féliciter d'un coup impressionnant ou au contraire le railler s'il a raté sa cible. Les combats comme les menus permettent d'établir une véritable stratégie de bataille mais n'offrent rien de réellement novateur pour tout amateur de la série Dragon Quest. La richesse des affrontements réside plus dans l'acquisition de compétences au compte-gouttes pendant les premières quêtes et ce qui orientera l'utilisation des personnages au combat. Ce nombre limité de compétences et de sorts va s'accroître très rapidement une fois que l'île où se situe le temple de Dharma est délivrée. Le Grand Prêtre qui y officie a en effet le pouvoir de proposer aux personnages de changer de classe, selon un système issu directement de Dragon Quest VI et plus anciennement de Dragon Quest III.
On retrouve ainsi des classes habituelles telles que le guerrier, le combattant, le prêtre, le mage, le voleur, ou encore le barde, le berger et le bouffon, tandis qu'une nouvelle, liée à la thématique du jeu, apparaît, celle de marin. Les personnages peuvent donc changer radicalement de voie et acquérir de nouvelles compétences ainsi que de nouveaux sorts, qu'ils conservent même s'ils changent de classe. Chacune se maîtrise en plusieurs étapes, chaque échelon atteint permettant d'acquérir un nouveau pouvoir, mais pas systématiquement puisque certaines classes permettent d'obtenir les mêmes capacités. Il est ainsi évident que des classes comme prêtre, guérisseur et sage présentent des doublons, mais aussi des pouvoirs ultimes uniques. Il est dans tous les cas important d'acquérir la maîtrise complète de plusieurs classes afin d'en débloquer de nouvelles, de même que de faire suivre par ses personnages des voies différentes afin d'obtenir une équipe aussi complémentaire que possible. A titre d'exemple, maîtriser les classes de combattant et de prêtre permet de choisir la classe de paladin ; maîtriser les classes de guerrier et de combattant débloque la classe de dragon, etc. D'autres classes plus atypiques se maîtrisent grâce à des objets spécifiques et permettent même de devenir un slime ! Bref, le nombre de classes, de compétences et de sorts comme la possibilité d'évolution des personnages est conséquent, d'autant que ces classes sont plus de deux fois plus nombreuses que dans Dragon Quest VI. Pour peu qu'on apprécie le système de combat old-school, ce système très complet assure un ensemble très addictif avec une difficulté bien dosée.
Ce premier épisode sur Playstation ne tire malheureusement pas assez parti des capacités de la console pour l'affichage des éléments en trois dimensions. Nombre de décors peuvent pivoter à 360 °, ce qui permet de cacher des portes et des coffres qu'on peut ne pas voir si on n'y prête pas attention – cela peut s'avérer problématique s'il s'agit d'un des nombreux fragments indispensables pour progresser dans le jeu ! Il est également possible d'effectuer un zoom arrière dans la plupart des environnements ouverts afin d'obtenir une vue d'ensemble. Si ces légères nouveautés sont intéressantes, on est forcé de constater que les graphismes, au niveau purement technique, sont le point faible du jeu. On n'observe pas de réels progrès par rapport à Dragon Quest VI, alors que la 3D d'une Playstation peut même s'avérer moins précise qu'une 2D toute en finesse telle que celle de Legend of Mana. Pour autant, il ne faut pas se montrer excessivement sévère : les graphismes de Dragon Quest VII, aussi proches qu'ils sont de ceux d'une Super Nintendo, sont loin d'être absolument hideux. L'univers du jeu a ainsi une atmosphère bien à lui, avec des environnements colorés et chaleureux et un style manga qui doit évidemment beaucoup à Akira Toriyama, collaborateur régulier de la série. Au niveau de l'immersion justement, les musiques magistrales au style symphonique composées par Koichi Sugiyama retranscrivent particulièrement bien les diverses atmosphères et émotions ; elles illustrent aussi bien des moments de fête que de tristesse, une douce mélancolie qu'une impitoyable tragédie. Elles indiquent instantanément si un village est libre et paisible ou encore sous le joug d'un fléau des sbires du Seigneur Démon. Il reste à souligner que les thèmes rythment parfaitement les explorations sur des thèmes inquiétants et mystérieux. D'autres définissent plus spécifiquement un endroit comme le royaume de style égyptien Dune, ou bien encore les voyages en bateau ou en tapis volant, alors que celles du casino rappellent immanquablement des souvenirs aux joueurs du précédent opus.
On ne peut en somme que regretter qu'Enix n'ait pas daigné sortir cet épisode en Europe, car nous avons manqué avec lui ce qui constitue sans nul doute un des chefs-d'œuvre des jeux de rôle classiques qui, s'il ne paie pas de mine graphiquement parlant, procure grâce à sa narration et à ses musiques divinement orchestrées un émerveillement et un plaisir de tous les instants. On ne peut qu'espérer, à cet égard, que Square Enix se rattrape un jour en nous proposant une nouvelle édition de ce jeu sur Nintendo DS ou sur PSP.
- Graphismes11/20
Les graphismes ne sont pas impressionnants et se rapprochent plus de ceux d'une Super Nintendo que de ce qu'on est en droit d'attendre d'une Playstation. Malgré tout, le style d'Akira Toriyama transparaît dans une esthétique simple qui propose un ensemble charmant, agréable et coloré. L'apparition de la 3D permet de faire pivoter les décors, tandis que les animations des monstres pendant les combats sont toujours aussi sympathiques.
- Jouabilité15/20
Le système de jeu reprend sans surprise la formule utilisée dans les précédents Dragon Quest, mais c'est une recette qui a fait ses preuves et qui est ici bonifiée : le système de classes est encore plus fourni et complet que dans Dragon Quest VI et il est de plus grandemet enrichi, avec toutes les compétences déblocables, la gestion des combats et la personnalisation du héros et de ses compagnons.
- Durée de vie19/20
L'aventure qui nous est proposée dans la première partie du jeu est assurément très longue et nous conduit à nous battre pour délivrer une petite vingtaine d'îles, de villages ou de forteresses de l'emprise du Seigneur Démon dans le passé, ainsi qu'à les visiter en résolvant de petites quêtes dans le présent. Une seconde partie plus courte, enrichit encore une durée de vie qui, bénéficiant de l'entraînement que vous ne manquerez pas de donner à votre équipe pour la maîtrise des classes, atteint facilement 150 heures.
- Bande son17/20
Les compositions magnifiques de Koichi Sugiyama y sont pour beaucoup concernant l'immersion dans le jeu. En plus du célèbre thème principal de la série, on n'oublie pas ces airs joyeux qui retranscrivent la fête, la victoire et invitent à l'héroïsme, ni ceux accompagnant les phases d'exploration de donjons et cavernes mystérieux et redoutables, ou les complaintes douces amères empreintes de mélancolie et de nostalgie.
- Scénario19/20
Le scénario reprend le concept de dualité entre monde réel et monde des rêves de Dragon Quest VI, cette fois appliqué au passé et au présent. La première partie du jeu consiste à délivrer des îles diverses et séparées dans le passé pour les faire réapparaître dans le présent et réunifier le monde, de même qu'on doit comprendre l'issue et le sens d'un combat antique entre Dieu et le Seigneur Démon. Les compagnons du héros peuvent désormais commenter les répliques des autres habitants. Par sa variété, son humour et la qualité de la narration, le scénario est le point fort du jeu.
Malgré une apparence et un fonctionnement classiques, Dragon Quest VII se révèle comme un jeu à la richesse hors du commun qui saura captiver tout passionné de jeu de rôle japonais, grâce à un scénario riche et varié. Ce dernier fait vivre des aventures dont les thèmes tantôt épiques, tantôt tragiques, tantôt humoristiques, plongent le joueur dans un univers charmant et coloré, mais où l'adversité, la tragédie et la fatalité existent aussi : tout comme vos compagnons hauts en couleur, vous aurez du mal à le quitter !