Le jeu d'aventure en point'n click est sans doute le domaine où il est le plus difficile d'innover. Pour parvenir à sortir du lot, Tale of a Hero prend donc le parti d'un retour aux sources : l'attention particulière portée à l'histoire et aux personnages s'accompagne d'une répudiation de ces maudits casse-tête qui ont envahi le genre ces dix dernières années. Cela suffira-t-il à lui attirer la sympathie des mordus du genre ?
A la diffusion des premières captures d'écran de Tale of a Hero, on pouvait être frappé par la parenté visuelle du jeu avec des classiques tels que King's Quest ou Legend of Kyrandia : Olaf, notre héros, y arbore la même veste de cuir et la même pose de dandy que ses illustres prédécesseurs, dans les mêmes décors enchanteurs en référence aux contes de fées. Mais les développeurs tchèques de Future Games (The Black Mirror, Reprobates) se sont surtout inspirés de ces vieilles références pour retrouver la quintessence du jeu d'aventure traditionnel, épurée des dernières évolutions de gameplay (zones d'interaction affichées à l'écran, système d'aide...) ainsi que de ces puzzles souvent hors de propos qui ont envahi les productions de ces dix dernières années. Ils ont abouti à une jouabilité old-school, soutenue par une interface minimaliste héritée des Chevaliers de Baphomet : une barre d'inventaire escamotable en haut de l'écran, les sujets de discussion apparaissant en bas sous forme d'icônes. Cela permet au joueur de se concentrer sur l'essentiel : le scénario.
L'hérédité est un thème peu abordé dans le domaine du jeu vidéo. Le joueur est souvent amené à incarner de puissants héros qui ne se soucient guère des conséquences de leurs actes sur les générations futures. Olaf est le fils du légendaire Halvard, un redoutable guerrier qui avait acquis sa renommée en tuant Arioch le géant des glaces, avant de tomber en disgrâce devant le roi qui lui en avait donné l'ordre. Depuis la mort de ses parents, Olaf vit comme simple pêcheur, mais le passé de son géniteur le rattrape : Krugell, le frère d'Arioch, a retrouvé la trace de Olaf et compte bien lui faire payer le crime perpétré par son père. Que faire ? Fuir pour échapper à cette destinée et couler à nouveau des jours heureux ? Accepter ce fardeau paternel et finir le travail commencé ? La quête identitaire qui motive Olaf est, a priori, réellement intéressante. Dommage qu'au fil du jeu, elle se dilue dans une aventure qui connaît de fréquentes baisses de rythme. Par chance, un humour omniprésent dynamise constamment les actions les plus banales. Il ne parvient pas toujours à éviter la facilité des anachronismes et de l'autoréférence, mais il se manifeste régulièrement sous la forme d'un comique de caractère qui fait son petit effet, les personnages étant particulièrement bien croqués et leurs répliques savoureuses.
Hélas, Tale of a Hero a la mauvaise idée de cumuler les trois principaux défauts qu'il est possible de rencontrer dans le jeu d'aventure traditionnel. A commencer par un dirigisme trop prononcé : contrairement à l'argument fallacieux mis en avant sur la boîte de jeu, la progression est archi-linéaire. Ne comptez pas réaliser une action donnée, tout aussi évidente puisse-t-elle vous paraître, avant d'avoir parlé au personnage qui en débloquera la possibilité. D'autre part, Tale of a Hero fait partie de ces jeux d'aventure où vous passez votre temps à essayer de comprendre la logique du personnage que vous incarnez, qui semble savoir comment parvenir à ses fins (ce qui est assez frustrant). Enfin, si les énigmes sont en général bien conçues, leur difficulté se résume trop souvent à promener le curseur sur l'écran pour y trouver la zone d'interaction qui vous avait échappé. Le refus de montrer les éléments interactifs de l'écran serait plus cohérent si les développeurs n'avaient pas, dans le même temps, intégré une fonctionnalité issue des dernières productions en date : la "mise en mémoire" de certains objets dans l'inventaire en attendant d'avoir une bonne raison de les utiliser. Une idée maladroitement appliquée, dans la mesure où Olaf peut manipuler et associer librement ces objets "fantômes" tout en étant obligé d'aller les chercher pour les utiliser sur le décor.
Autre élément d'insatisfaction : le jeu se révèle décevant sur le plan visuel. Pour commencer, les décors sont inégaux : certains sont artistiquement très réussis quand d'autres ne dégagent rien de plus qu'une impression de fantasy générique vraiment peu convaincante. De manière générale, si les environnements ont le mérite d'être variés, ils sont souvent trop vides pour parvenir à installer une réelle atmosphère. Et en matière d'immersion, difficile de passer sous silence l'absence d'animations contextuelles : dès qu'Olaf effectue une action particulière, un écran noir masque l'écran tandis qu'on vous indique ce qu'il est en train de faire. Humour, manque de moyens, utilisation maladroite de l'ellipse ou je-m'en-foutisme de la part des développeurs ? On s'interroge encore. Il y a bien quelques cut-scenes qui viennent illustrer de temps à autre les événements marquants, mais leur aspect technique cheap au possible en réduit d'autant l'intérêt. Pour ne rien arranger, le character design est un fiasco total. Olaf n'a, visuellement parlant, aucun charisme, tout comme les autres personnages humains croisés ; seuls les protagonistes plus "exotiques" parviennent à tirer leur épingle du jeu. C'est d'autant plus regrettable que leur doublage (en anglais) a été particulièrement soigné et que de manière générale, le jeu s'en tire honorablement sur le plan sonore.
Au final, malgré toutes les bonnes intentions de Future Games, Tale of a Hero nous aura procuré un sentiment mitigé, fait pour l'essentiel de frustrations diverses et variées. Son prix faible de vente (une vingtaine d'euros au moment où nous écrivons ces lignes) devrait toutefois lui assurer une audience minimale.
- Graphismes8/20
Les décors sont de qualité inégale et trop génériques dans l'ensemble. Les personnages souffrent pour leur part d'un design raté et d'une modélisation sommaire et rigide, sans compter qu'ils ne bénéficient pas d'animations contextuelles. L'ensemble est décevant.
- Jouabilité12/20
La jouabilité, simple, offre une prise en main immédiate qui permet de se concentrer sur le principal : l'histoire. Hélas, pour connaître le fin mot de celle-ci, il faut en passer par une aventure linéaire qui ne sollicite pas assez votre propre logique et génère son lot de frustrations.
- Durée de vie12/20
Douze heures de jeu, c'est un peu plus que la moyenne actuelle du genre, sachant que cette durée peut augmenter si vous restez bloqué. En général, ce sera soit parce que vous aurez oublié de parler à un personnage, soit parce qu'un élément interactif du décor vous aura échappé.
- Bande son14/20
C'est indéniablement le point fort du jeu. Si les compositions musicales restent très discrètes, les bruitages de qualité compensent le déficit d'atmosphère, tandis que les voix des personnages, soignées, leur donnent un peu de crédibilité (une chance, le titre étant somme toute assez bavard).
- Scénario13/20
Un prologue sympathique et amusant pose d'emblée les bases d'un scénario intelligent, plein d'humour et prometteur. Puis le rythme s'essouffle, au point d'en arriver à distiller une dose d'ennui. Même dans ces moments, on garde toutefois l'envie d'aller au bout pour en connaître la fin.
Tale of a Hero est un point'n click typiquement old-school, avec tout ce que cela implique en termes de qualités et de défauts : l'attention particulière portée à l'histoire, aux personnages et à l'univers est mise au service d'une aventure dirigiste au possible durant laquelle le joueur est souvent frustré de ne pas pouvoir exercer sa logique comme il le voudrait. Pour ne rien arranger, la réalisation est loin d'être extraordinaire. Seul son faible prix de vente pourrait donc justifier qu'on s'y intéresse de plus près.