Los Angeles, 2019. La Tyrell Corporation construit depuis plusieurs années des Réplicants, robots humanoïdes accomplissant les tâches que les hommes ne peuvent faire. La génération la plus puissante et la plus intelligente, les NEXUS 6, est désormais interdite sur Terre, à la suite d'une rébellion dans une colonie de l'espace. En bon Blade Runner, il va falloir les « retirer »…
Il fut un temps, pas si lointain, où l'aventure en point'n click était un genre en vogue. Monkey Island, Les Chevaliers de Baphomet, Days of the Tentacle… autant de jeux qui firent les belles heures de nos souris, bien avant Runaway. Blade Runner fait partie de ceux-ci. Développé par Westwood en 1997, Blade Runner s'inspire du film du même nom réalisé par Ridley Scott en 1982, et du roman de Philip K. Dick, Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, datant de 1966. L'aventure se déroule en parallèle du film : vous n'incarnez pas Deckard (joué par Harrison Ford dans le long métrage), mais un dénommé Ray Mac Coy, nouvelle recrue de la brigade.
Blade Runner nous plonge donc dans un futur sombre, glauque, oppressant même. Les différents tableaux jouent constamment sur les contrastes et les lumières, ce qui profite à l'immersion. La densité des décors est également remarquable : l'hôtel Bradburry, le marché ou l'appartement du héros sont des modèles du genre, remplis de détails qui rendent l'aventure crédible. En parlant de crédibilité, la musique et les effets sonores constituent un atout de plus. Les bruits de la foule, de la pluie, ou encore les slogans publicitaires (« un nouveau monde vous attend dans les colonies de l'espace » vous restera longtemps en tête) rendent vivant cet univers froid. En fait, le jeu parvient à distiller la même atmosphère que le film, sur le plan visuel comme sonore. On croisera d'ailleurs avec joie des décors du film, comme l'hôtel Bradburry ou les locaux de la Tyrell Corporation. De la même manière, on pourra entendre parler des exploits de Deckard, le jeu se déroulant au même moment que le film. Ces petits clins d'œil raviront les fans, sans gâcher la particularité du jeu. L'analyse d'images photographiques sera également de la partie, et s'avérera déterminante pour résoudre les enquêtes, ou encore le fameux test Voight-Kampff, qui permet de distinguer un humain d'un Réplicant.
C'est donc dans ce monde peu accueillant que vous dirigerez Mac Coy. Qui dit point'n click dit déplacement à la souris et interaction avec des objets et des personnages. Le curseur devient vert pour interagir, bleu pour changer de zone, et un click droit suffit à dégainer son arme, qui devient rouge si une cible se présente. Hé oui, il faudra parfois faire parler la poudre. Les interactions sont cependant limitées aussi bien avec les décors qu'avec les indices, contrairement à un Chevalier de Baphomet par exemple. Cela dit, le caractère plus mature et sombre du jeu justifie le sérieux des énigmes, basées principalement sur les dialogues et la collecte d'indices. En tant que policier, c'est en interrogeant suspects et témoins que vous découvrirez de nouveaux éléments pour votre enquête. En parlant d'enquête, penchons-nous un peu plus sur le scénario. Après une cinématique d'introduction (ces séquences qui ponctuent la progression ont d'ailleurs plutôt bien vieilli), vous vous retrouvez devant une animalerie, où tous les animaux viennent d'être massacrés. Les premiers soupçons se portent sur un groupe de Réplicants arrivés il y a peu dans une navette spatiale. Ce crime permet à Mac Coy de voir de quoi sont capables ces Réplicants, et de récolter divers indices qui vont lancer son investigation à travers la ville. D'abord anodine, l'enquête va se transporter jusqu'à la Tyrell Corporation, l'entreprise qui fabrique les fameux Réplicants.
Tout en étant à la poursuite des Réplicants, le joueur est également confronté à ses autres collègues Blade Runners, notamment Crystal, qui doute des capacités du nouveau. Gaff sera là aussi pour livrer des conseils énigmatiques, et ses fameux origamis animaliers. Guzza, le chef ripoux, n'a pas non plus particulièrement confiance en vous, et vous a recruté uniquement à cause du manque de personnel. Vous serez donc doublement mis à l'épreuve durant votre enquête, et c'est vous, en tant que joueur, qui devrez prendre des décisions qui influenceront les relations avec les autres personnages, et pourront vous créer de nouveaux alliés (ou des ennemis).
C'est sans doute ici que réside l'intérêt du jeu : vous aurez véritablement des choix à faire qui impacteront le déroulement et le résultat final. Prenons un exemple situé au début du jeu. Vous êtes amené à interroger un cuisinier, qui finit par s'enfuir. Vous pouvez le poursuivre, puis l'abattre. Vous pouvez aussi rengainer votre arme au moment où vous le rejoignez et discuter avec lui. Vous pouvez également le laisser filer. Vous n'aurez alors pas les mêmes indices, et vos relations avec les Réplicants et la police commencent déjà à s'orienter. Au joueur de choisir quel camp il compte privilégier, et comment. Un système permet de choisir l'humeur de Mac Coy, ce qui influencera les questions posées aux personnages rencontrés, et bien évidemment leurs réponses.
Il est donc impossible d'obtenir tous les indices, toutes les informations du jeu durant la même partie. De plus, d'une partie à l'autre, certains personnages peuvent être humains ou Réplicants ! Une particularité qui poussera le joueur à recommencer Blade Runner plusieurs fois pour découvrir des situations alternatives et les différentes fins. Certains objets bien dissimulés nécessiteront une bonne dose de recherche : photos cachées, munitions plus puissantes, ou encore un accessoire pour limiter l'accès à votre ordinateur personnel pour les autres policiers… Des petits détails qui poussent à fouiller le jeu de fond en comble, et qui peuvent faire avancer différemment l'histoire. Au final, Blade Runner réussit parfaitement à nous plonger dans cet univers futuriste. Laissant au joueur une grande liberté à l'intérieur de ce scénario complexe, le jeu pousse à se replonger de nombreuses fois dans l'aventure pour en découvrir de nouveaux aspects. Un jeu qui nous rappelle les grandes heures du jeu d'aventure, un genre trop peu représenté aujourd'hui.
- Graphismes16/20
Il est difficile de noter un jeu ancien sur ce critère. Cependant, les décors très travaillés gardent toute leur superbe malgré leur âge, idem pour les cinématiques. Seuls les personnages ont clairement pris un coup de vieux.
- Jouabilité17/20
Intuitif, le système point'n click s'adapte parfaitement à l'enquête. Mac Coy réagit au doigt et à l'œil. On regrettera que la gestion des indices soit aussi peu conviviale, histoire de chipoter.
- Durée de vie18/20
Divisé en cinq chapitres, le jeu est suffisamment long pour le genre. Pour découvrir les nombreuses fins et les différentes configurations de l'enquête, on sera vite tenté de recommencer l'aventure.
- Bande son17/20
Discrètes, les musiques se marient bien à l'atmosphère générale. Les bruitages sont vraiment convaincants, et nous plongent parfaitement dans les ambiances glauques rencontrées. Le doublage français est particulièrement bon.
- Scénario18/20
De nombreux rebondissements, différentes enquêtes mêlées… et surtout des décisions à prendre rapidement, qui influencent réellement le déroulement du jeu, bien moins frustrantes que dans Fahrenheit. La question de l'humanité, essentielle dans le film, prend une dimension interactive passionnante.
Rares sont les jeux qui adaptent aussi bien une licence cinématographique. Blade Runner réussit à plonger le joueur dans cet univers futuriste et glauque, et invite même à y retourner, une fois le jeu terminé. Un grand nom du jeu d'aventure, disponible désormais en abandonware ! Aucune raison de passer à côté de ce chef-d'œuvre.